IV - Drosdar

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Cette fois-ci, le soir arriva avec une douloureuse sensation de faim qui leur torturait le ventre. Drosdar et Soline avaient marché à travers des affleurements sans trouver ni oiseaux, ni rongeurs, ni aucune cité de l'Assylie. Rassurés de ne pas avoir été empoisonnés par les baies qu'ils avaient consommées en début de matinée, ils avaient à nouveau avalé quelques fraises des bois, myrtilles et groseilles dans le milieu de l'après-midi. Hélas, ce frugal repas n'avait évidemment pas suffi à leur remplir l'estomac. Bien que peu familier avec cet environnement forestier, Drosdar ne s'était pas attendu à y trouver une flore aussi abondante et une faune aussi absente...

Drosdar et Soline avaient descendu un chaos rocheux et étaient enfin parvenus dans un canyon... sec ! Le lit de l'ancienne rivière n'avait rien d'autre à leur offrir hormis des cailloux et des galets. Après avoir marché pendant une bonne heure, ils avaient décidé qu'ils poursuivraient leur route dans le canyon à partir de demain, en espérant tomber sur un confluent alimenté par un ruisseau actif. Grâce au lierre, ils avaient escaladé la paroi du canyon et avaient cherché un endroit plus sûr afin d'y établir leur campement.

De retour au milieu des arbres alors que la nuit tombait, Soline était partie en quête d'autres baies ou de champignons pour soulager les grondements de leurs estomacs. Seul au campement, Drosdar n'eut aucun mal à allumer un feu. Il était en train de se réchauffer les mains lorsqu'il entendit soudainement Soline l'appeler.

« Drosdar ! »

Réagissant au quart de tour, il se précipita en direction de la voix. Où était-elle ? Il n'y voyait quasiment rien... Soline n'aurait pas dû s'éloigner du feu...

Drosdar finit par la retrouver, accroupie juste devant lui.

« Qu'est-ce tu as, Soline ?! demanda-t-il d'une voix inquiète.

— Rien du tout, répondit cette dernière d'un air flegmatique. Drosdar, regarde. »

Soline lui montra du doigt une cavité qui s'enfonçait dans le sol. C'était un scialet, un gouffre de surface qui s'étendait à quelques mètres à peine de leur campement. S'ils avaient rejoint la forêt après que la nuit fût tombée, ils auraient pu ne pas apercevoir ce précipice dans l'obscurité et dégringoler dedans par inadvertance ! Au côté du scialet se tenait une installation sommaire constituée d'un simple tonneau de bois, d'une poulie et d'une corde. Quelques bougies et bouts de bois enrobés de lambeaux de tissu étaient également disposés sur le sol. Des spéléologues avaient déjà exploré cette dépression par le passé.

« Allons jeter un coup d'œil, proposa Drosdar.

— Tous les deux ? dit Soline avec un regard incertain sur l'état du tonneau.

— Ça devrait le faire, tu ne pèses pas une tonne non plus, répondit-il d'un ton blagueur. Les planches de bois ne devraient pas craquer sous ton poids ! »

Excédée, Soline lui tendit son majeur pour toute réponse.

« Ça vaaa, je t'asticote un peu », s'esclaffa Drosdar avec des yeux pétillants de malice.

Tout en riant encore de sa vanne, il se munit d'un bout de bois et partit allumer sa torche au feu du campement avant de rejoindre Soline. Après s'être emparé de la corde, il poussa le tonneau dans le vide qui resta en suspension au milieu du gouffre, et s'embarqua dans la barrique pour tester la fiabilité de l'installation. Si la corde se tendit sous l'effet de son poids, le tonneau ainsi que la poulie semblaient suffisamment robustes pour supporter le poids d'une deuxième personne.

« Madame », dit Drosdar en agrémentant son invitation d'une voix onctueuse.

Peu rassurée, Soline enjamba le fût à son tour. Toujours aucun craquement, toujours aucun signe que le bois menaçait de céder. Drosdar tendit la torche à Soline ; puis, saisissant la corde à deux mains, il la maintint fermement pour éviter qu'elle ne lui échappe entre les doigts. Ensemble, ils descendirent avec précaution par une série d'à-coups. Pour chasser la tension, Drosdar lâcha même quelques joyeux sifflotements.

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