II - Drosdar

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Drosdar et Soline avaient roulé jusqu'aux alentours de six heures du matin. Alors que le ciel s'éclaircissait tout juste à l'est, ils s'étaient dissimulés dans le creux d'une excavation naturelle et s'étaient reposés jusque vers midi ; puis, ils s'étaient levés encore ensommeillés et avaient repris la route vers l'Assylie. Sauf que justement, il n'y avait aucune route tracée ! Le terrain consistait en une succession de douces collines à l'herbe haute. S'il n'était pas facile de manœuvrer en moto au travers de ces champs, Drosdar et Soline n'avaient pas le choix : c'était ça, ou marcher à pied.

Même s'ils s'étaient déportés loin au sud, Drosdar connaissait encore ces territoires, que ce soit pour les avoir foulés en compagnie du corps armé ou pour les avoir étudiés sur des cartes. Mais d'ici peu, ils se retrouveraient tous les deux en terra incognita !

À la fin du premier jour, Drosdar avait utilisé ses maigres compétences de topographie pour mesurer leur avancée. Ils venaient d'atteindre la limite sud-ouest du Conglomérat. À présent, le no man's land entre les deux nations s'étendait à perte de vue devant eux. L'Assylie se cachait au-delà de ce vaste territoire, dont la traversée semblait interminable. Quand bien même Soline et lui avaient roulé pendant de nombreuses heures, ils n'avaient en réalité parcouru que quelques pas de fourmi au regard de leur objectif.

« Nous ferons mieux demain en roulant toute la journée », avait-il dit pour se conforter.



Au moment où le soleil s'était couché, Drosdar et Soline avaient pour la première fois repéré une lueur à l'horizon se maintenant pendant quelques minutes avant de s'évanouir ; une lueur fort différente de celle de l'astre venant de se dissimuler derrière les monts et au même ton rougeâtre que l'éther. Pour la première fois, Drosdar n'avait plus considéré la substance assylienne comme une menace et sa présence l'avait même rassurée, car la trace laissée par le Polgorath leur indiquait la direction à prendre pour rejoindre leur destination.

L'Archontesse avait tenu parole, la voie vers l'Assylie était toute tracée, droit devant eux !

Le lendemain matin, il avait compris que le lever du soleil déclenchait à son tour l'apparition du signal du Polgorath dans le ciel. Deux minutes plus tard, la lumière avait disparu. Et il en serait ainsi pour tous les prochains jours.

La lueur rougeâtre n'apparaissant pas au cours de la journée, Drosdar s'était contenté d'ajuster l'azimut de sa boussole de quelques degrés à chaque nouvelle apparition et de maintenir le cap indiqué.



À midi, Drosdar et Soline ouvrirent leurs sacs et consommèrent leurs provisions dans le silence.

« Tu ne m'as jamais révélé comment tu as appris à conduire une moto », demanda enfin Soline.

Sa question était tout à fait légitime. Même si le Conglomérat avait conçu quantité d'engins industriels et de véhicules, leur confection n'avait pas encore atteint un stade d'industrialisation suffisant pour étendre son usage au grand public. Les motos demeuraient des moyens de locomotion rares et relativement chers ; trop onéreux, en tout cas, pour qu'un orphelin en galère eût appris à les manœuvrer.

« Le directeur d'établissement de mon orphelinat en possédait une, raconta Drosdar. Ah, si tu avais vu ça, Soline, je faisais de sa vie un véritable enfer ! Je courais dans tous les sens et je l'entraînais dans les pires galères ! Malgré ses remontrances, je voyais bien qu'il m'appréciait, au fond. Je lui rappelais sans doute le garnement qu'il avait été en son temps, c'est pourquoi il ne m'a jamais lâché. Lorsque j'ai quitté l'orphelinat pour rejoindre l'armée, il a grommelé dans sa barbe que j'allais enfin devenir un homme à la place du vaurien que j'étais ; mais en réalité, je voyais bien qu'il était content pour moi. 

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