Chapitre 1 - La fête battait son plein

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Kalsura, capitale du Conglomérat

Le 5 août


I - LEDTAS

La fête battait son plein lorsque Yara, la Voix de l'Autorité Yliss, l'interrompit une énième fois.

« Je souhaite la bienvenue à la cent-quinzième promotion de l'Ecol Namy ! déclara-t-elle d'une voix enjouée, amplifiée par les haut-parleurs. Cette soirée est la vôtre ! Célébrez comme il se doit la fin de votre cursus et ne pensez à rien d'autre qu'à vous amuser ! »

La musique redoubla alors d'intensité et les amplis firent résonner le vaste hall de l'Ecol Namy. En réponse, les étudiants poussèrent des cris hilares. Ledtas les observait d'un air indifférent et maussade. Il tenait en horreur le vacarme assourdissant qui lui déchirait les tympans et, comme à son habitude, il n'arrivait pas à s'immerger dans la fête.

Cela dit, il était intimidé par l'étalage de richesse. De nombreux serveurs guindés circulaient parmi les jeunes étudiants pour leur proposer des hors-d'œuvre succulents et les verres vides se comptaient déjà par centaines. L'Ecol Namy avait été transformée pour cette soirée exceptionnelle : c'était comme si elle était devenue le lieu le plus huppé de la ville haute ! Elle devançait peut-être même les lieux retirés où se tenaient les soirées mondaines de la noblesse conglomérée. Et il n'avait suffi que d'une seule Autorité pour cela.

Ledtas craignait d'être jugé pour le costume qu'il avait loué. Les autres étudiants allaient forcément remarquer qu'il n'était pas à sa taille et que les manches trop larges flottaient le long de ses bras. Il portait un accoutrement chic pour la première fois et en ressentait un sentiment d'imposture, mais il n'avait pas eu le choix. Pour cette soirée spéciale, il avait dû dépenser quelques Valorii pour soigner son apparence. Un détour chez le coiffeur lui avait même permis de couper ses cheveux châtains et de juguler leur fâcheuse habitude à boucler. En dépit de ces précautions, il ne baignait pas dans son élément.

Il se fit bousculer par l'un de ses camarades avec qui il n'avait pas l'habitude de parler. Comme de nombreux autres.

« ... as vu ? Incroyable... ! » dit l'étudiant d'une voix extatique.

Ledtas fit un effort de concentration phénoménal pour déchiffrer chaque bribe de phrase, avant de jeter l'éponge. Faisant mine d'avoir compris, il hocha de la tête en imitant un sourire amusé, ce qui fit partir son collègue.

Il se demanda ce qu'il resterait de l'effusion de joie, le lendemain. Tous les élèves ingénieurs s'étaient investis pendant cinq longues années afin d'empocher leur diplôme. Pour la plupart, ils n'avaient ni bachoté ni triché lors des examens. Ils avaient appris à concevoir, fabriquer et entretenir les machineries ; de fait, ils étaient aptes à contribuer à la société du Conglomérat !

Un accord tacite existait entre l'Ecol Namy et les usines de Kalsura : l'établissement se portait garant des compétences véritables de ses élèves diplômés ; en retour, les contremaîtres confiaient aux nouvelles recrues un travail de première importance dans les manufactures, avec une bonne rémunération à la clé. Les ingénieurs du Conglomérat se taillaient la part du lion dans ce "Nouveau Monde" industriel ; tout le contraire des ouvriers trimant et transpirant à grosses gouttes, dont le destin était scellé d'avance : des fins de mois difficiles, pour le restant de leurs jours.

Ainsi, dès demain, leurs vies à tous allaient prendre un nouveau tournant, car ils démarreraient leur première journée de travail ! Demain, les promesses d'un futur privilégié seraient violemment mises à l'épreuve et ils descendraient tous de leur piédestal.

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