V - Drosdar

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Peu de temps après la représentation publique, le Général Montagnac avait informé le corps militaire de l'attaque perpétrée sur les derricks de l'Autorité Hellasius. Drosdar y avait appris par la même occasion la mort des Voix d'Yliss et de Valor qu'il avait précédemment escortées. Pour autant, les lieutenants étaient restés muets sur l'identité de l'assaillant. Bien que le menace vienne de l'ouest, il ne s'agissait apparemment pas des Helkaris.

L'envahisseur avait poursuivi son offensive, l'armée conglomérée avait donc été forcé de réagir et avait déployé deux divisions pour s'opposer à son avancée. À leur tête, le Général Montagnac menait près de trente mille soldats à la guerre ! Et Annie, Stanley, Ryan et Gaetan comptaient dans les rangs de ce gigantesque rassemblement.

Avant le départ de l'armée vers le front, Drosdar était tombé sur une Annie en pleurs. Se rapprochant d'elle, il avait dit d'un air compatissant :

« J'imagine que ce n'est pas facile de se porter au-devant du danger.

— Non, ce n'est pas ça...

— Qu'est-ce qu'il y a, alors ?

— Je vais être séparée d'Amelia, révéla-t-elle dans un sanglot. Je ne sais même pas si je la reverrai un jour... »



Le régiment du colonel Barthelemeus restait stationné à la caserne, seule garnison militaire subsistante dans la ville basse de Kalsura.

Il y a trois jours, quelqu'un avait tracé un graffiti sur le mur. Ce dernier représentait deux hommes. Le premier tout enjoué plantait une seringue dans la tête du deuxième, représenté avec les yeux en forme de croix et la langue pendue sur le côté. Détail amusant, une couronne était posée sur la tête de cet homme. Il s'agissait évidemment d'une ode murale aux hauts faits de Drosdar et à la belle dérouillée qu'il avait mis au Général lors de l'exercice militaire. Une sorte de David contre Goliath, version contemporaine !

Hélas, bien que le dessin eût rencontré un certain succès critique parmi les soldats du régiment, le colonel Barthelemeus avait ordonné de faire effacer cette œuvre d'art éphémère tout en menaçant les récidivistes de mise au cachot. Aujourd'hui, il ne subsistait nulle trace de ce souvenir amusant.



De même que Matthew, Evan et Amelia, Drosdar avait subi un entraînement encore plus soutenu que d'habitude. Plus tôt dans la journée, il avait opéré des tirs de longue portée avec son fusil à lunette, sur des distances avoisinant les cinq cents mètres.

Le soir, il régnait une ambiance agitée au réfectoire. Comme depuis déjà près d'une semaine, les soldats n'avaient pas le droit de communiquer avec les habitants de Kalsura et étaient confinés dans leurs quartiers ; tout ça pour ne pas se laisser propager les rumeurs sur la cuisante défaite aux puits de pétrole.

Drosdar en avait assez d'être ici, entassé les uns sur les autres. Il voulait retrouver son petit studio. Dire qu'il mettait la moitié de sa solde dans son loyer et qu'il n'en profitait même pas... ! Il enrageait aussi de ne pas pouvoir informer Soline des motifs de son absence. Déjà que leur couple battait déjà de l'aile en temps normal. Peut-être que cet éloignement contraint allait créer du manque de chaque côté, donnant ainsi un nouvel élan à leur relation ; ou, au contraire, sa copine le soupçonnerait d'être parti en quête d'une autre dulcinée.

Néanmoins, l'essentiel de ses pensées restait porté sur le conflit qui se jouait en ce moment même. À l'humeur d'habitude si légère, Drosdar était traversé d'une tension tout à fait inédite. Il espérait de tout cœur voir ses amis revenir du front, sains et saufs. Un vœu pieux, irréaliste, étant donné que le premier assaut ennemi n'avait laissé aucun survivant. Aussi rigoureux que fût son entraînement, il en venait parfois à le remettre en cause. Étaient-ils suffisamment préparés pour la guerre à venir ? Si l'armée subissait une nouvelle défaite, les soldats pourraient-ils seulement se replier en toute sécurité ?

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