III - Ledtas

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Valor confirma son refus en remuant la tête de gauche à droite.

« Le Général Montagnac et l'Autorité Wurjag m'ont tous deux confirmé que le tir de Drosdar Mataris n'a rien d'exceptionnel, au regard du sérum dont il a bénéficié dès le début des combats, argumenta-t-il. Je conçois que vous vous fassiez l'intermédiaire de votre frère, mais je me dois de décliner votre demande. Aussi remarque que puisse paraître son tir, celui-ci ne sera pas reconnu en tant qu'action méritoire et ne lui vaudra aucune marque de reconnaissance, quelle qu'elle soit. Le sujet est clos. »

Ledtas sut qu'il était inutile de se confronter au Primat lorsque ce dernier s'était fait un avis définitif. Drosdar allait être déçu... Il préféra se reporter sur l'autre sujet, celui-là même qui revêtait une importance toute particulière aux yeux de son frère.

« Excellence, dit-il, à propos du sérum de Wurjag. J'ai obtenu la preuve par mon réseau qu'il a été administré une première fois à plusieurs soldats lors de la représentation publique et...

— Oh ? le coupa Valor. Vous avez placé des espions au sein des laboratoires ?

— Il s'agit simplement de connaissances qui y travaillent, précisa Ledtas.

— J'apprécierais que vous mainteniez de telles ressources en ces lieux. Elles nous apporteraient de plus amples renseignements sur les projets menés par Wurjag. »

Ledtas éluda cette remarque, car il souhaitait précisément faire sortir Sonia d'ici. À la place, il persista sur l'objet de sa demande :

« Ce que je voulais dire, Excellence, c'est que le sérum utilisé dans le labyrinthe différait de celui que les soldats se sont injecté lors des combats ; or cette première mouture était délétère, "viciée". Nous pouvons peut-être apporter un soutien à l'égard des militaires qui ont subi des effets secondaires ? La pilote de Girodyne Amelia Earhart et mon frère sont sortis de l'épreuve sans séquelles, mais je compte au minimum quatre soldats parmi les survivants de la guerre en cours : Evan Kermel, Matthew Ingrav, Annie Oakley et Ryan Geoff.

— Je crains ne rien pouvoir faire à ce sujet, dit Valor d'une voix morte.

— Mais... Vous êtes pourtant le Primat, insista Ledtas.

— Et le Primat devrait mener des actions égoïstes qui vont à l'encontre des intérêts du Conglomérat, comme vous le sous-entendez ? fit remarquer Valor d'un ton impérieux. Une guerre a commencé contre un ennemi à ne pas sous-estimer, et voilà que vous me demandez d'enclencher une action de justice qui ne manquera pas de salir la réputation de l'armée ; réputation que nous nous sommes d'ailleurs attelée à consolider avec cette même représentation publique que vous dénoncez... ! C'est le lot des soldats que d'endurer les souffrances. Les hôpitaux de Kalsura comptent des blessés de guerre par milliers, tandis que des milliers d'autres voient leurs cadavres pourrir en ce moment même dans le charnier de Morhelkar ! lâcha-t-il en déployant dans sa diatribe une ferveur intimidante. Pourquoi exprimerais-je ma solidarité envers ces quatre militaires en particulier ? Je n'accorderai aucun traitement de faveur ; là serait l'injustice, de là naîtraient la discorde et des jalousies légitimes ! Aussi ne retirerai-je pas ces quatre combattants de leurs régiments. Le Général Montagnac a besoin de toutes ces troupes pour vaincre l'envahisseur.

— Mon frère a mentionné que le Général a profité d'un antidote, se défendit Ledtas. Il serait possible de...

— Hélas, Wurjag n'a pas initié de production en série, le coupa Valor. Le Général Montagnac a bénéficié d'un prototype, qui n'était d'ailleurs pas plus abouti que le sérum. En dépit de l'aversion pour Wurjag que je partage avec vous, je ne pourrai ni le confronter à propos de ce sujet mineur, ni le forcer à concevoir quatre antidotes pour de simples recrues. Laissons L'Empoisonneur tranquille ; ainsi, il aura le champ libre pour créer de nouvelles armes de guerre dont nous avons grand besoin. M'avez-vous compris, Ledtas ?

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