I - BLAZER
Un mois déjà. Le travail au Capitole était éprouvant. Il devait souvent écourter ses pauses et certains repas du midi finissaient même par sauter. Blazer était exploité jusqu'à la moelle. Quant aux conditions de travail... Si le matériel mis à disposition des ingénieurs du Capitole représentait le fleuron de l'industrie, il n'était pas agréable à l'usage pour autant et la notion même d'ergonomie n'existait pas. Blazer travaillait debout presque toute la journée et ses jambes ne le tenaient plus quand il rentrait chez lui. L'épuisement professionnel le guettait ; entre passion et fatigue, les jours se confondaient. En dépit des efforts constants que lui demandait le contremaître Dekth, il adorait travailler dans le Capitole. Il était conscient des sacrifices liés à son choix de vie et il préférait se consumer au sein de l'élite plutôt que de quêter des petits boulots sans importance dans la ville basse.
Restait un détail qui minait Blazer : le vacarme incessant. Entre les bruits de pas marqués des chaussures de sécurité, les perceuses s'allumant par intermittence et les scies tranchant le métal, son attention était sans cesse reportée sur autre chose que son travail. Pour profiter d'un peu de calme, il avait commencé à rester plus tard, le soir. Si Ledtas faisait également des heures supplémentaires pour pallier son manque d'expérience, lui aussi finissait par rejoindre Leinys. Et donc, Blazer veillait longtemps après le coucher de soleil, seul avec lui-même au milieu des machines. Lors des soirées silencieuses, il pouvait concentrer son esprit et laisser s'exprimer son potentiel.
Les consignes strictes du Capitole auraient pu interdire à un travailleur de rester sans surveillance au milieu de cette flopée de projets confidentiels. Mais comme il était admis de ne pas compter ses heures et de donner le meilleur de soi-même, l'apparente motivation de Blazer était remarquée et plus qu'appréciée ! Jusqu'à aujourd'hui, cette stratégie avait porté ses fruits à merveille. Tous les ouvriers et ingénieurs du Capitole étaient contrôlés avec minutie, sauf lui. Pour le récompenser pour ses excellents résultats, le contremaître Dekth lui avait même accordé davantage de marge de manœuvre. Qu'il était grisant de travailler sans cadre et sans contraintes !
Mais en réalité, ce comportement était calculé de sa part... Au bout de deux semaines, il avait flâné entre les bureaux, tiré quelques tiroirs, plongé sa main et consulté les plans industriels des autres ingénieurs de sa section ! Le constat avait été sans appel. L'ensemble des projets confidentiels se résumait à une seule chose : des armes, de toutes sortes.
En particulier, il y avait cette machine révolutionnaire, en développement depuis si longtemps, le nec le plus ultra des projets de l'Autorité Qileth... ! Son cadre dépassait l'équipe sous la supervision du contremaître Dekth et sollicitait l'ensemble des sections du Capitole. Alors que Blazer en saisissait la vision d'ensemble, l'objet de son travail faisait enfin sens.
Oh et la rampe sur laquelle travaillait Ledtas, elle servait à ça ! Le délai avant la remise de leur projet se rapprochait si vite. Comment auraient-ils le temps de peaufiner chaque détail... ? Le banc d'essai sortait de la tête d'un cinglé. Qui avait imaginé un scénario aussi dément ? Se pouvait-il que ce fût Qileth lui-même... ? Et pourtant, aussi fou que parût le test de cette machine, il était ambitieux, presque sensé... Peut-être, dans de bonnes conditions... Oui, ça pourrait fonctionner.
En tout cas, Blazer confirmait ce qu'il soupçonnait depuis quelque temps déjà. Le Conglomérat se transformait en État guerrier de premier plan. Ah, qu'il était simple pour les hommes d'employer leur génie pour infliger le maximum de souffrances... ! Toutefois, son incompréhension ne cessait de grandir :
Contre qui les Sept Autorités vont-elles diriger cette puissance de feu ?
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Les Sept
Science FictionIls sont les Sept Autorités. Nul ne connaît le visage de ceux qui règnent sans partage sur Kalsura. À la tête d'empires industriels monopolistiques, ils exploitent, ils s'enrichissent, mais cela ne leur suffit toujours pas. Depuis leurs usines se dé...