VII - Ledtas

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Ledtas talonnait Tal'Garath dans le couloir. L'allure de course des jeunes hommes leur avait permis de semer Qlark et Ptezah, qui se démenaient à l'arrière. Encore derrière Ptezah, Tal'Linah avançait à un train de sénateur, parfaitement apathique au sort du Sylvestre !

Même si Ledtas avait déjà entendu parler du "fluide" à travers le récit de Drosdar, cette immense structure dans le ciel l'avait éberlué. Il avait sursauté lorsque l'une des terminaisons avait manqué de peu son frère, avant de pénétrer sans aucune forme de résistance dans la caserne.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans la salle, des lambeaux d'énergie couleur carmin se tortillaient encore, mais ils eurent tôt fait de se consumer entièrement.

Hélas, l'éther dévastateur a accompli son œuvre, se désola-t-il.

Elyadil avait eu raison : à aucun moment L'Assylie n'avait souhaité négocier sa libération. Pour éviter qu'il ne divulgue de précieux renseignements sur sa nation, il venait même de se faire abattre sans sommation !

« Non, le prisonnier est perdu !! » s'écria Tal'Garath d'une voix désespérée à la vue des blessures profondes de l'Assylien.

Le constat était sans appel. La déflagration avait pulvérisé le torse du Sylvestre. Ses membres gisaient dans des angles improbables ; enfin, son écœurant sang noir imbibait tout entier le bois du chevalet, brisé en deux.

« Et pourtant, réagit Qlark à bout de souffle, aussi incroyable que cela paraisse, il a plutôt bien encaissé le coup ; voyez, Tal'Garath, il bouge encore ! Certes, il est très mal en point, s'exprima-t-il avec gravité, mais il est encore vivant... ! C'est impressionnant.

— Mon dieu, mais il se... métamorphose !? » intervint Ledtas d'un ton ébahi.

À partir de l'emplacement de son cœur, la peau du torse du Sylvestre se couvrit d'une texture rugueuse proche de l'écorce. Le changement s'opéra ensuite jusqu'à sa jambe, à ses bras et jusqu'à atteindre sa tête ! À première allure, Ledtas aurait pu croire que la peau du Trône cicatrisait de ses blessures à une allure incroyable ; hélas, loin de se soigner, le prisonnier agonisait, expirant et déglutissant avec difficulté... Cette mutation était sans doute un mécanisme de défense visant à adoucir ses souffrances.

Dans une succession de râles, Elyadil laissa échapper ses derniers mots :

« C'est donc la fin. Je n'ai aucun regret. J'ai proposé un armistice au Conglomérat contre l'aval de l'Archontesse ; pourtant, même si j'ai trahi Vanëal, les Assyliens me répondent qu'ils ne m'en veulent pas. Ils me remercient... pour mes services et pour avoir poursuivi ce que j'estimais être la meilleure... voie. Oui, ils me l'expriment, en ce moment même... Ils me remercient... par centaines ! La... gratitude, le plus beau sentiment qui soit ! Avez-vous jamais connu... cette... sensation de faire corps avec les autres ? Avez-vous... jamais... connu une telle... fraternité... dans votre... nation ? »

De toute évidence, le dignitaire assylien nageait en plein délire, abusé par des visions hallucinatoires, son cerveau lui envoyant un dernier feu d'artifice chimique avant de fermer le rideau. À l'esprit rationnel, Ledtas s'accommoda de cette théorie pour s'expliquer le sens des dernières paroles du Sylvestre, qui soulevaient des considérations toutes aussi inexplicables les unes que les autres. Elles ne l'en troublèrent pas moins profondément, laissant en lui une trace indélébile qui ne partirait jamais vraiment.

Tal'Garath, Qlark et Ptezah restaient eux aussi sans voix devant cette effarante mutation. L'écorce finit d'envahir la dernière parcelle de peau du prisonnier, au niveau de son front. Déformé par la douleur, le visage du prisonnier céda enfin sa place à ce qui ne fut plus qu'un amas de texture rêche, une masse inerte rappelant difficilement qu'il avait autrefois été un humain. Ainsi périt Elyadil Maruviel, dit Le Sylvestre, Trône de Liusiv et dignitaire haut placé de l'Assylie.

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