III - Drosdar

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Drosdar captura sans peine du petit gibier au cours des deux jours suivants. Il ne gaspilla pas ses munitions : chaque fois, une balle suffisait à leur offrir de quoi se sustenter après leur longue marche, à Soline et lui.

Leur départ semblait si loin, à présent. Les premiers jours, Drosdar avait retrouvé cette agréable sensation qui le saisissait lors de ses entraînements en dehors de la capitale. L'immobilisme, les tâches administratives et la paperasse avaient le don de l'irriter au quotidien ; aussi, dès qu'il quittait Kalsura et que la nature le caressait avec son apaisante verdure, la simple action de marcher réveillait son âme et affûtait son corps en le dopant d'adrénaline ! Doux ressenti que celui qui le traversait, lorsqu'il amenait ses muscles au bout de leurs forces, qu'il repoussait les limites de son corps et qu'il sentait son cœur battre à plein régime ! La fin de la journée s'accompagnait toujours d'une agréable fatigue physique.

Les citadins enfermés à longueur de journée dans des bureaux ne goûteraient jamais une telle expérience ; précipités dans une spirale vicieuse d'affaiblissement mental et moral, ils finissaient par s'éteindre d'une mort lente. Cependant, Drosdar admettait volontiers que la civilisation lui manquait depuis qu'il en était éloigné ; en particulier, il se languissait du confort de son appartement. Il aurait tout donné pour retrouver son lit, ne serait-ce qu'une nuit ! ... Leur immensité le décourageait.

Quant au doux réveil de son corps au début de leur échappée, celui-ci avait cédé sa place à un lent supplice ! Malgré ses trophées de chasse et leurs nuits de repos, il avait de plus en plus de mal à endurer ce marathon. Il n'était pas le seul. Aussi endurante eut-elle été, Soline marquait elle aussi des signes de fatigue incontestables. Elle clopinait, se traînait ; le soleil était à peine au zénith, qu'elle titubait déjà... ! Si elle ne se plaignait toujours pas, indubitablement, elle était épuisée.

Leurs corps quémandaient un répit, mais c'était impossible. Ils devaient continuer d'avancer et maintenir leur cadence ; l'inertie, ne serait-ce que pendant une journée, était le meilleur moyen pour ne jamais repartir... !

Il y avait aussi une autre raison pour laquelle Drosdar et Soline avaient décidé de ne pas suspendre leur marche. Depuis deux jours, la lueur du Polgorath se faisait de plus en plus diffuse dans le ciel. Leur objectif était proche.



Le quatorze octobre, les plaines cédèrent la place à des terrains plus escarpés. Le soir, Drosdar et Soline venaient tout juste d'arriver à bout de l'ascension d'un col. En contrebas de l'autre côté s'étendait une vaste forêt, aussi loin que portait leur regard.

Lorsque le soleil se coucha, ils contemplèrent la marque luisante du Polgorath. Le phénomène n'était plus timidement dissimulé à l'horizon, il exhibait au contraire ses voiles drapés d'un rouge chatoyant et nimbait le ciel tout entier de ses aurores !

Le lendemain matin, le même spectacle les émerveilla quelques instants de plus, une toute dernière fois. Drosdar et Soline descendirent à travers le sentier abrupt jusqu'à se frayer un chemin dans les bois épais. Ils n'en ressortiraient pas. En marge des étendues sauvages et encerclée par une barrière forestière se trouvait la nation de l'Archontesse ; au milieu de cette infinité d'arbres était dissimulée l'Assylie.



Enfin un peu d'ombre ! Après avoir subi le soleil pendant quinze jours et durant plusieurs heures d'affilée, le couvert offert par les nombreux arbres était un ravissement. Fini le front dégoulinant de sueur lorsqu'ils se trouvaient en plein cagnard !

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