II - Ledtas

2 2 0
                                    

Alors que les Autorités sortaient tout juste de l'Aréopage, Valor se rapprocha de lui et le prit à part.

« Comme je l'escomptais, Wurjag vous reproche votre vexation, dit-il d'une voix harmonieuse. Vous voyez, il était sage de votre part de vous voir offrir ma protection. Sans cela, nul autre n'aurait pu vous sortir de ce mauvais pas.

— Je l'admets, répondit Ledtas. Je me dois de vous remercier.

— Le devoir d'un maître est de protéger ses sujets. Si j'ai bien compris, Liliath, la Voix de Wurjag vous connaît personnellement. Votre véritable identité est donc connue de L'Empoisonneur. C'est un peu gênant, cette faiblesse coûte cher, à l'Aréopage. Avez-vous réfléchi à votre nom de Voix au cours de cette semaine ?

— Je... Pas du tout, bégaya-t-il, pris de court.

— Alors il faudra vous y mettre très prochainement. C'est déjà chose faite, pour la nouvelle Voix d'Yliss. »

Ledtas ignorait que Feldan avait déjà adopté un nom de substitution, lui aussi.

« Que pensez-vous de Valere ? proposa Valor. Ou bien, Vangelis ? Non... ? Valens, peut-être ? »

Ne serait-ce que pour protéger sa vie personnelle, Ledtas admettait volontiers qu'un nom de substitution revêtait un intérêt. Tout bien considéré, Tal'Garath ouvrait un nouveau chapitre de sa carrière politique en faisant fi de sa précédente expérience en tant que Voix de Valor. Une polémique avait certes enflé suite à sa nomination en tant que Haut-Commandant, mais la mémoire des Conglomérés était courte, en plus d'être manipulée par l'actualité instantanée et les discours des Voix. Ainsi, quand bien même Tal'Garath et Vorothar étaient la même personne, c'était comme s'il repartait de zéro sous sa véritable identité. Le public le jugeait différemment, lui laissant libre cours de se construire une toute nouvelle réputation.

« Désolé, Excellence, répondit-il, encore mal à l'aise. L'intérêt m'apparaît clairement, mais je n'ai pas encore choisi.

— Bon, je n'insiste pas, concéda Valor. Vous n'avez pas vocation à vous mêler avec la foule et nous sommes en prise avec des sujets autrement plus pressants, mais tâchez d'y réfléchir. Je souhaitais m'entretenir en particulier avec vous au sujet du conseil de guerre. Qu'en avez-vous pensé, ma jeune Voix ?

— C'était... instructif, éluda Ledtas d'un ton aussi neutre que possible.

— Mais encore ? creusa le Primat. Qu'avez-vous pensé de ma... sommation ?

— Elle a fait son petit effet, je ne peux le nier, répondit-il d'un ton diplomate.

— Un joli coup de bluff dont je ne suis pas peu fier, assurément, dit Valor en hochant la tête d'un air satisfait. Laissez-moi vous instruire un court instant avant de prendre congé. Vous sortez sans doute d'une telle session avec l'esprit embrumé, tout cela est nouveau pour vous. Rendez-vous compte, même les autres Autorités ont été remuées par mon ultimatum alors qu'elles sont familières à de telles pratiques. J'ai eu recours à ce passage en force parce que le contexte l'exigeait. Nous devions avancer sans plus tarder et nous n'avions pas le luxe de gaspiller une seule journée pour nous égarer dans des débats aussi puérils qu'interminables.

« Vous avez vu le chaos qui règne au cours d'une séance. Xaroth déteste Yliss et s'attire les remontrances de Hellasius ; Wurjag, fidèle à lui-même, crache à tout va ; quant à Zerdkan, il se sent isolé et ne cesse de retourner sa veste dans l'espoir de se faire remarquer. Aurions-nous poursuivi cette séance plus longtemps, qu'autant de griefs seraient remontés et nous auraient conduits vers une impasse. Or, les impasses politiques s'accompagnent de défaites militaires ! Lors de la dernière séance, Tal'Garath avait réussi l'exploit de nous accorder ensemble. En eût-il été de même aujourd'hui ? En tout cas, il n'était pas là pour le prouver... »

Les SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant