II - Ledtas

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Encore sous le choc du renvoi de Blazer et du courrier qu'il avait reçu, Ledtas rejoignit son domicile. Le soleil orangé inondait de ses rayons les tôles constituant le toit des usines. Ces dernières réverbéraient ensuite l'insoutenable chaleur jusque dans les rues piétonnes.

Leinys était déjà rentrée. Des gouttes de sueur perlaient de son front et elle avait l'air épuisée. Ledtas l'embrassa et lui demanda comment s'était passée sa journée.

« Rien de neuf depuis la réunion de crise de la Voix Hartley et ce brusque revirement dans mon travail, expliqua Leinys d'un air distrait. La production de pétrole est rétablie au plus vite suite à "l'accident" aux puits de pétrole. La routine s'installe à nouveau. Au moins, mes craintes de licenciement n'étaient pas fondées, tant mieux... Mais j'en ai marre ! pesta-t-elle. Voilà déjà quatre jours que cette canicule persiste et il n'y a pas de clim' ici ni dans les bureaux ! Et cette eau infecte... ! »

Sa mauvaise humeur retomba sur Ledtas. Il y avait de quoi. Après tout, ils avaient beau percevoir tous les deux un salaire d'ingénieurs, c'était tout juste s'ils parvenaient à joindre les deux bouts ! Leurs journées de travail vampirisaient toute leur énergie et leur laissaient trop peu de temps libre pour vaquer à des occupations personnelles le soir.

La piètre qualité de l'eau s'expliquait quant à elle par un récent forage dans le roc qui avait dû libérer du sulfure d'hydrogène. Résultat, son goût en pâtissait et il n'y avait rien d'autre à faire que prendre son mal en patience. Ironiquement, l'exploitant de ce réseau de distribution d'eau s'enrichissait bien davantage qu'eux ; au point même, peut-être, de devenir un jour Autorité au détriment de Zerdkan, qui ne trouverait cette fois pas de huitième siège pour rester à l'Aréopage.

« On étouffe, on ne respire plus le bon air, insista Leinys avec lassitude. Les dimanches passent si vite, on n'a jamais assez de temps pour aller nous ressourcer à l'extérieur de Kalsura... Parfois, j'aimerais me barrer pour de bon de cette gigantesque poubelle !

— Et pour aller où ? rétorqua Ledtas. En campagne, pour succomber encore plus rapidement aux pesticides de Wurjag ?

— Tu exagères ! objecta-t-elle. Je suis certaine que ce n'est pas si terrible.

— As-tu déjà entendu que les campagnards menaient une vie plus simple ? contra Ledtas d'un ton convaincant. On n'entend plus parler de Nala depuis un mois, penses-tu qu'elle s'en sort mieux que nous ?

— Sans doute que non... admit Leinys d'un air défait. Mais songe à toute cette ferraille, à cette odeur de métal qui s'insinue partout. Entre le goudron, la poix et le charbon, tout n'est que gris ou noir ici. Ledtas, c'est quand la dernière fois que tu as vu un arbre, ou ne serait-ce que quelques brins de gazon... ? On ne voit plus rien à l'horizon avec cette muraille qui nous domine de toute sa hauteur. Cette enceinte est soi disant censée nous protéger, mais souvent, j'ai... j'ai l'impression d'être prise au piège !

— C'est vrai que dans la ville haute, j'ai moins le sentiment d'étouffer que toi, commenta Ledtas d'une voix douce. Cela dit, où trouverions-nous un meilleur cadre de travail ? Pour ma part, je suis bien loti au Capitole. Si nous devions quitter Kalsura, où irions-nous ? Les Champs de Xaroth disparaîtront d'ici une génération, voire dès la mort de l'Ancien. Et je ne me résoudrai jamais à vivre à la campagne. Jamais je ne me placerai sous les ordres de Wurjag. Jamais... ! » acheva-t-il d'un ton catégorique.

Il nourrissait une aversion profonde pour ce dernier depuis si longtemps.

L'Empoisonneur, le meurtrier de ses parents !

Souvenir cauchemardesque que cette écœurante écume verdâtre en train de dégouliner de leur bouche béante... Ledtas ne cessait de ressasser cette pensée depuis son enfance. Quelle effroyable substance sortie des laboratoires de Wurjag avait provoqué ça ? Ils avaient succombé suite à une agonie des plus misérables... Pire, l'affaire de leur décès avait été noyée, car, comme chacun sait, les pauvres meurent en silence... Drosdar et lui n'avaient jamais obtenu justice pour leurs parents.

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