V - Drosdar

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Drosdar et Soline se réveillèrent la bouche sèche, car ils avaient vidé la gourde de l'Assylienne hier soir. Voilà que la déshydratation les guettait à nouveau... Ils redescendirent dans le canyon sec surmonté d'arbrisseaux et poursuivirent leur route, espérant trouver un cours d'eau. Ils ne rencontrèrent pas âme qui vive, pas plus qu'ils ne tombèrent sur une habitation assylienne dans les parages du défilé. À nouveau, le jeune couple était parfaitement seul.

Ils enjambèrent les nombreux rochers qui obstruaient le passage dans le canyon tout en s'assistant au mieux. Drosdar fit la courte échelle à Soline pour l'aider à escalader ; en retour, cette dernière lui tendit sa main pour le soulever à grand-peine. Plusieurs fois, ils s'affalèrent, éreintés par l'effort.

Le dédale de rochers prit fin à mesure que les parois du canyon s'aplanirent. Le défilé s'élargit et fit place à un lit de rivière asséché, qui débouchait sur une clairière avant de s'engouffrer à nouveau dans l'épaisse forêt. L'habituelle pinède fut quant à elle remplacée par une forêt de chênes, de hêtres, de peupliers et de châtaigniers.

« Tu entends ? » lui demanda Soline après une bonne heure de marche.

Drosdar tendit l'oreille et entendit lui aussi le clapotement de l'eau. Ragaillardi par la douce mélodie, il se précipita en avant et tomba très vite sur un ruisseau, au bord duquel il se retrouva nez à nez avec un marcassin qui s'y abreuvait ! Ce dernier, surpris par sa soudaine arrivée, lui jeta un regard mi-craintif, mi-curieux. Son estomac avait beau être vide, Drosdar ne songea pas un instant à se munir de son fusil pour abattre le petit mammifère. Non seulement il souhaitait étancher sa soif plutôt que sa faim ; mais surtout, il fut conquis par le regard magnétique du mignon quadrupède. Pour rien au monde il ne l'aurait imaginé dans son assiette.

« Regarde Soline, comme il est tout choupinou ! dit-il d'une voix excitée, tout en se baissant pour aller caresser l'animal.

— Drosdar, non ! » le mit en garde Soline.

Le petit marcassin venait à peine de couiner qu'un immense sanglier surgit d'entre les buissons et s'élança sur lui. Pris de court, Drosdar n'eut pas le temps d'esquiver l'attaque et la prit de plein fouet ! L'une des défenses pénétra sa cuisse et l'impact déclencha une gerbe de sang. Sidéré par la surprise et la douleur, il céda sur ses appuis et s'effondra par terre.

Soline battit des bras et poussa des cris pour effrayer l'animal, en vain. Encore hébété, Drosdar ne prit pas conscience de la menace. Le suidé revint à la charge et l'embrocha profondément dans le ventre ! Il hurla à la mort.

Il voyait flou. Il porta la main à sa blessure, qui ruisselait de toutes parts ! Et impossible de saisir son fusil...

Le porcin se mit en place pour porter un troisième coup, celui-ci mortel. Il prit de l'élan, et chargea. La robuste bête n'était plus qu'à quelques mètres de lui...

PALALA-PAAAAAA !! ... lorsqu'une immense force percuta son flanc et la stoppa net !

Alors que sa vue se brouillait de plus en plus, Drosdar reconnut l'éther. Le fluide était apparu comme de nulle part. Alors que le sanglier pesait près de trois cents kilos et atteignait près d'un mètre au garrot, l'éther l'avait littéralement pulvérisé ! À l'endroit où il avait touché le porcin, la chair de ce dernier fumait, quand elle n'était pas carrément carbonisée.

Toujours flottant dans l'air, le plasma carmin s'enroula sur lui-même et engloba le suidé en un instant. Ainsi agité de contractions instables, il semblait se repaître de la force vitale de la bête agonisante. Puis, aussi rapidement qu'il était arrivé, l'éther s'évanouit au loin. Ne restèrent plus que le marcassin qui couinait à la mort, le sanglier adulte réduit à un tas d'os, Soline agenouillée sur le sol... et lui, sur le point de perdre connaissance.

Les SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant