Le torrent se déversait de toutes parts à ses pieds alors que la pluie transperçait son manteau glacé. À quelques centaines de mètres à peine de l'autre côté de la rivière, flamboyante et menaçante, l'armée ennemie impressionnait par ses rangs ordonnés.
« Pour la dernière fois, Autorité Wurjag, répéta Khoren d'une voix lasse, je ne saurais que trop vous conseiller de faire demi-tour et de retourner à Kalsura. Votre vie est en danger critique, ici.
— Je conçois que le risque soit important, lui répondit le concerné. Cependant, je ne raterais ça pour rien au monde.
— Bon, faites comme bon vous semble, mais je vous aurais prévenu... », râla-t-il avec agacement.
Suivre l'étiquette le pesait de plus en plus. Avec tout ce qui se jouait aujourd'hui, pourquoi diable Wurjag était-il arrivé comme une fleur en plein milieu du champ de bataille ? Le voilà qui se retrouvait contraint de veiller sur lui et de jouer les nounous de service... ! Sa patience atteignait ses limites.
« Je suis ravi d'être arrivé à temps pour constater de mes propres yeux mon sérum en action, confia Wurjag d'un air satisfait. Mes sujets ont produit les dernières doses juste avant l'évacuation de mes laboratoires et les ont acheminées jusqu'ici avec leurs véhicules de fonction. Je ne doute pas que l'armée sera pleinement satisfaite de son usage.
— J'émets maintes réserves à l'égard de votre sérum, Autorité Wurjag ! s'emporta Khoren. Si cela ne dépendait que de moi, croyez bien que je n'aurais jamais accepté votre liquide. Les lettres que je vous ai envoyées parlent d'elles-mêmes. Toutefois, vous comme moi savons très bien que l'armée n'a pas son mot à dire face aux pressions exercées par vos lobbys...
— Allons, cher Général ! répondit Wurjag avec un sourire perfide. Faites confiance au génie intellectuel de nos chimistes ! Cette fois, tout sera en ordre, je vous le garantis personnellement ! Vous ne mettriez pas en doute la parole d'une Autorité, n'est-ce pas ? demanda-t-il d'un ton presque menaçant. Ce qui s'est produit dans le labyrinthe est un hasard inattendu et non intentionnel, vous le savez tout aussi bien que moi.
— Nous devrons vous et moi mener une discussion d'homme à homme à ce sujet, dit Khoren d'un air sévère. Mais pas ici, pas aujourd'hui... Néanmoins, sachez que mes plaintes ne resteront pas des velléités ! Je ne tolère pas ces troubles fort gênants sur sa santé. Ils réduisent mes compétences militaires et mettent en péril, en ce moment même, l'avenir du Conglomérat !
— L'antidote que les infirmiers vous ont administré vous a permis d'éviter le pire, je vous l'assure, tempéra Wurjag. J'avais anticipé d'éventuels dérapages, c'est dans mes habitudes... À partir de là, que pouvais-je faire de plus ? L'Aréopage a décidé d'avancer la représentation publique et j'ai manqué de temps pour rendre mon sérum parfaitement fiable. Vous savez bien que je ne suis responsable ni du changement de date ni du soldat ayant ouvert le feu sur vous. Cela dit, je conçois que vous nourrissiez encore quelque grief à mon égard, c'est pourquoi je m'engage à vous verser des dommages-intérêts pour le préjudice moral que vous avez subi. Enterrons la hache de guerre, voulez-vous ? Je ne tiens qu'à être votre ami, Khoren.
— Nous verrons, dit-il après avoir ressenti une impression déplaisante à la mention de son prénom par Wurjag. Nous verrons... si tant est que nous survivions. »
Comprenant que le sujet était clos, Wurjag porta son attention sur le drapeau blanc.
« Pensez-vous que l'ennemi acceptera notre invitation d'entrer en pourparlers ? demanda-t-il.
— Cela n'a rien d'impossible, répondit Khoren d'un ton pédagogue. Depuis le début de cette guerre, l'envahisseur n'a cessé de fondre sur nous sans jamais nous laisser aucun répit. Si vous les aviez vus se jeter sur nous et faire des ravages dans nos rangs... ! Mais hier soir, nos renforts se sont déployés sur leurs flancs et l'ennemi a compris que nous avions pris un avantage stratégique. S'il n'a pas pris la fuite, il ne s'est pas non plus pressé de mener un assaut ; ce matin encore, il s'est contenté de faire le dos rond pendant notre bombardement. Avec nos troupes fraîches, les Fiertés de Xaroth, les doses de votre sérum et nos positions solidement ancrées dans ce vallon, nos adversaires cessent enfin de nous regarder de haut. Ils prennent avec sérieux la menace que nous représentons et savent qu'ils ne décrocheront pas une victoire facilement. »
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Les Sept
Science FictionIls sont les Sept Autorités. Nul ne connaît le visage de ceux qui règnent sans partage sur Kalsura. À la tête d'empires industriels monopolistiques, ils exploitent, ils s'enrichissent, mais cela ne leur suffit toujours pas. Depuis leurs usines se dé...