III - Nala

2 2 0
                                    

L'attente des hostilités avait été pesante, mais c'en était terminé et Nala le regrettait déjà, car l'arrivée imminente de l'action, du combat et de la mort était autrement plus effrayante !

Du haut du vallon, elle observa l'armée ennemie se déployer. Celle-ci se constitua en deux divisions avant de se mettre en mouvement d'un pas rapide. La première division, exclusivement constituée de ces "abominations", se porta quelques centaines de mètres plus en amont et mena l'offensive sur les renforts conglomérés arrivés la veille. Nala souffla de soulagement alors qu'elle s'éloignait.

De loin, les monstres semblaient si irréels. Quelle vision dérangeante, que de percevoir en eux la puissance des plus redoutables prédateurs ainsi qu'une conscience intelligente ! Quel spectacle parfaitement insoutenable, que de poser les yeux sur de telles créatures de cauchemar, si humaines et bestiales à la fois ; si inhumaines, en somme. Nala se rappela brièvement le pendentif et les pièces de monnaie que le marin Roger lui avait montrés au port et sur lesquels étaient représentées des silhouettes étranges. Le navigateur congloméré Marc s'était-il donc bel et bien échoué sur les terres de ces monstres ? Un tel périple jusqu'à l'autre bout du monde semblait inconcevable. Quoiqu'il en soit, Nala ne s'était pas imaginé une armée composée de ces bêtes lorsqu'elle se trouvait à Anse-Sereine ; et s'était encore moins attendue à en voir une de ses propres yeux, à peine quelques semaines plus tard !

Les bêtes s'éloignaient à présent hors de son champ de vue, mais Nala comprit qu'elles demeuraient une menace pour la journée. Des milliers de ces êtres rôdaient dans les bois, seulement séparés d'elle par quelques centaines d'arbres. Sitôt les troupes fraîches du Conglomérat écrasées sous leurs crocs et leurs griffes, les horribles géants velus se dirigeraient dans sa direction. Nala trembla de terreur à cette idée.

Les flancs de l'armée conglomérée sont faiblement défendus et nous risquons de nous faire prendre à revers... ! analysa-t-elle avec effroi. Dire que j'ai conduit First jusqu'ici et que je pensais le mettre en sécurité en l'amenant avec moi... Quelle terrible journée !

Insoutenable pensée que celle de son poulain devenant une vulgaire proie pour ces bêtes. Et elle, pourrait-elle s'enfuir dans la mêlée du combat ? Sans doute pas... Dépourvue d'entraînement militaire, trempée jusqu'aux os et effrayée comme jamais, Nala comprit qu'elle était sur le point de craquer. Si elle ne voulait pas défaillir, elle ne devait plus penser un instant de plus à ces affreuses chimères.

Elle porta donc son attention sur la deuxième division ennemie, la plus importante en nombre et uniquement constituée d'humains. Celle-ci se porta à la rencontre de l'armée conglomérée déployée en contrebas du versant. À cause de l'écrémage qu'avait subi l'armée conglomérée au cours de cette semaine noire, les rapports de forces étaient d'environ quatre pour trois en faveur de l'assaillant. Le général ennemi souhaitait vraisemblablement utiliser cet avantage pour enfoncer les défenses conglomérées sous le poids du nombre.

Certains combattants ennemis s'engageaient dans le lit du cours d'eau lorsque le bombardement de l'artillerie conglomérée reprit son œuvre. Les trois Fiertés de Xaroth à côté d'elle tirèrent en cloche pour compenser leur éloignement tandis que les neuf Fiertés en contrebas effectuèrent un tir tendu des plus dévastateurs. Les obus détonaient avec fureur et le tonnerre se prenait à répondre à leurs impacts. Si la précision des tirs laissait à désirer, la puissance de feu mise à disposition par l'Autorité Xaroth faisait son office. Plusieurs corps éclatèrent, réduits en une bouillie rougie. Le lit de la rivière se transforma en une traînée sanguinolente, que la pluie ne sut enrayer. Les soldats ennemis se démenèrent pour enjamber les cadavres de leurs camarades abattus, en train de s'amasser dans le courant ; avec lenteur, ils continuèrent d'avancer.

Au moment où le premier combattant ennemi se porta sur l'autre côté de la rive, l'armée conglomérée donna la charge. Neuf régiments de plus de deux mille hommes foncèrent comme un seul homme en direction de la rivière pour freiner l'avancée de l'envahisseur, chacun d'entre eux épaulé par une Fierté de Xaroth. Les redoutables tanks se mirent en branle dans un rugissement assourdissant, sans s'arrêter d'ouvrir le feu au cours de leur avancée. Une fois arrivés à hauteur des rives, les militaires conglomérés utilisèrent leurs armes à vapeur pour tirer à bout portant. Durant les cycles de chauffe de leurs fusils, ils plantèrent leurs baïonnettes dans le torse de leurs ennemis encore empêtrés dans le torrent.

La bataille venait de s'engager.

Les SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant