Les Sept

III

« Si je vous ai bien suivi, il a refusé de serrer la main de Wurjag et s'est permis de l'insulter ?

— C'est effectivement tel que je vous l'ai décrit, confirma le Daeva Turiel, commandant des Chérubins. Le jeune ingénieur a... a accusé l'Autorité d'être un... eh bien, euh... un "meurtrier".

— Amenez-le-moi ! vociféra le Primat. Tout de suite !! »

LEDTAS

« Soline n'a pas été sympa avec moi ce matin, lui confia Leinys alors qu'ils se mettaient à table. Elle n'a même pas ouvert la porte en grand et m'a fixé d'un air atterré, pour bien me faire comprendre de ne pas trop traîner... J'ai à peine eu le temps de lui expliquer que ton frère était confiné à la caserne, qu'elle m'a remerciée précipitamment avant de me claquer la porte au nez !

— Je l'ai toujours trouvée trop distante, répondit Ledtas d'un air résigné. Elle nous fait tout le temps la mine, alors qu'on ne la voit déjà pas très souvent. Elle ne tient vraiment pas à traîner avec notre groupe.

— Je le crois aussi, approuva Leinys non sans une certaine irritation dans la voix. Dans ce cas, on ne gênera plus l'asociale et on la laissera toute seule dans son coin... Alors, cette matinée au Capitole, comment ça s'est passé ? »

Il loua abondamment le talent des pilotes. Seul le défaut de conception des réacteurs dorsaux avait terni l'essai, provoquant par là la mort de Jonathan.

« Mon dieu... ! s'exclama Leinys. Maintenant que tu le dis, on a tous entendu une gigantesque explosion en provenance du roc. On a pensé qu'il s'agissait d'un effondrement minier. C'était donc ça... »

, pour son plus grand étonnement. Lorsqu'il aborda enfin sa confrontation avec l'Autorité Wurjag, Leinys lui lança un regard de reproche.

« Ce n'était pas prudent, Ledtas !! le gronda-t-elle virulemment.

— Je sais bien, répondit-il d'un ton défensif, mais comment aurais-tu réagi si le responsable de la mort de tes parents s'était trouvé en face de toi ? Lui aurais-tu serré la main ? Serais-tu restée silencieuse face à ces provocations ?

— Ce n'est pas ce que je dis, tu le sais bien, répliqua Leinys d'un air excédé. Mais... ce n'est pas le moment de nous accabler de soucis... ! »

Ledtas ne relança pas la conversation. Dans ce type de situation, rien ne pouvait calmer sa conjointe. Les couples aussi avaient leurs propres barrières... Il décida qu'il irait se confier à Sonia. Son amie savait prêter une oreille attentive pour des discussions délicates comme celle-ci.

Trois coups résonnèrent dans l'appartement et les firent bondir tous les deux ; trois coups martelés sur la porte et suivis d'une voix au timbre militaire :

« Ouvrez, au nom des Chérubins ! »

Éclatant en sanglots, Leinys se précipita sur lui et le serra dans ses bras comme si sa vie en dépendait.

« Mon dieu, Ledtas... ! » souffla-t-elle.

À son tour, il l'enlaça de toutes ses forces pendant un court instant – un trop bref instant... – avant de se rendre vers l'entrée. Hors de question d'aggraver son cas en faisant patienter trop longtemps la milice.

Ce que j'ai pu être con... ! ne cessait-il de s'admonester.

Son existence venait de basculer. Il venait de signer son arrêt de mort, ou pire son emprisonnement à vie dans les oubliettes de la Forteresse ! Une main invisible lui serra la gorge, lui empoigna le cœur ! La mort dans l'âme, il ouvrit la porte. Quatre Chérubins patientaient à l'extérieur. Quatre ! Quatre soldats de l'Aréopage mandés pour sa pauvre personne, comme s'il comptait parmi les pires criminels de renom. Le spectacle frisait le ridicule.

« Ledtas Mataris ? » interrogea l'un d'entre eux.

Il n'avait jamais éprouvé autant de difficultés à faire sortir les mots de sa bouche.

« ... C'est moi-même, répondit-il enfin d'une voix cassée.

— Vous êtes convoqué à la Forteresse de Valor séance tenante. »

Que m'est-il passé par la tête ? se désola-t-il. Comment ai-je pu croire que je pouvais me confronter aux maîtres de Kalsura ?

Ledtas jeta un regard à Leinys, dont les joues ruisselaient de larmes. Il lui adressa un dernier sourire chaleureux. Il voulait qu'elle se souvienne de lui de cette façon... Il reporta ensuite son regard vers la sortie et, aussi dignement que possible, il répondit à l'adresse des Chérubins :

« Je vous suis. »