L'École d'Eltem- {T1} - Terminé

Chapitre 81

Ellison

Notre course folle n'en finissait pas. Les arbres défilaient sans s'arrêter, pour toujours aller plus loin. Isaak ne courait pas, il survolait le sol, ses jambes s'activaient sans relâche, toujours plus vite. Bien qu'entrainé à de telles situations, je me devais de maintenir le rythme pour rester à ses côtés et ne pas le perdre de vue. Je le voyais s'épuiser mais contre toute logique il arrivait à tenir une vitesse constante, comme si ces capacités n'avaient pas fini de se décupler. Je ne l'avais jamais vu ainsi, si pressé, si paniqué. C'est vrai que d'habitude, Isaak n'était pas quelqu'un de posé, il cogitait souvent, et se laissait facilement submerger par ses émotions. Mais, ceci dit, si il y avait bien quelque chose qu'il évitait à tout prix, c'était de céder à la panique. Alors, de le voir ainsi ne faisait qu'aggraver mon sentiment d'impuissance et mon état d'urgence.

- On se rapproche... Dit-il tout bas.

J'interceptai parfaitement ses paroles et hochai de la tête.

En effet, on se rapprochait. Tous les deux nous la sentions, cette sensation désagréable, étrange et déplaisante qui nous happait depuis quelques minutes déjà. Une présence. Laquelle? Nous ne savions pas encore mais nous n'étions pas loin de le découvrir.

Je tournai la tête et observai le corps d'Isaak disparaître et reparaître en interférence entre les troncs d'arbres qui nous séparaient. Il avait un regard impénétrable sur le visage. Celui qu'il prenait quand la situation devenait suffisamment sérieuse pour qu'elle lui demande autant d'attention. Je sautai au-dessus d'une vieille branche et déviai ma course légèrement vers ma gauche pour le rejoindre.

Isaak tourna instantanément la tête en me voyant arriver, vérifiant mon identité. Ses yeux foncés s'ancrèrent dans les miens et je sus qu'il avait mes arrières comme j'avais les siens. Nous étions ensemble dans ce chaos qu'avait provoqué la simulation. Et, nous allions gérer les dérives ensemble, comme à chaque fois.

Notre complicité ne se limitait pas à nos conversations ou à nos échanges amicaux, Isaak était réellement mon maître d'arme et mon camarade en cas de crise. Notre complicité nous permettait d'appréhender chaque situation, l'un comme l'autre, nous savions exactement ce que l'on devait faire. Nous fonctionnions ensemble, tout simplement.

Soudain, des bruits étouffés nous parvinrent, difficilement identifiables. Cela ressemblaient à des bribes de voix, peut-être une conversation au loin. J'échangeai un regard avec Isaak. Ses sourcils se froncèrent et son regard inquiet refit surface. Cela ne le rassurait pas du tout.

J'étais sur le point de libérer quelques mots quand un hurlement des plus retentissant éclata au loin. Mon sang ne fit qu'un tour. Je ralentis d'un coup, tout comme le grand brun. Le temps d'une seconde nous étions sidérés, immobiles.

Ce cri me provoqua un énorme frisson, j'en avais la chair de poule. Il m'avait terrassé de l'intérieur. Je pouvais sentir la douleur d'ici. Et puis surtout, je reconnaissais cette voix, et à la manière dont Isaak venait de se crisper, je devinai que lui aussi.

Un long silence suivit ce rugissement puis d'autres bruits commencèrent à résonner, des bruits de lutte et de voix étouffées.

Toujours aux cotés d'Isaak, j'osai un regard en sa direction. Mes yeux croisèrent les siens, il me regardait déjà.

- Ellison, vas-y, tu es plus rapide que moi! Lança-t-il alors.

J'entrouvris la bouche. Avant de froncer les sourcils.

- Quoi?

- Ellison! Gronda Isaak au bord de la crise de nerf. Vas-y, répéta-t-il. Tu cours plus vite, va l'aider, je t'en prie.