L'École d'Eltem- {T1} - Terminé

Chapitre 5: L'entraînement

Shae

Emmitouflée dans mes couvertures, j'observai la lumière matinale qui imprégnait de plus en plus notre chambre, annonçant dans quelques heures le début de ma première journée ici, à Eltem.

La nuit avait été longue, faite de petits sommeils entrecoupés de réveils soudains, comme si mon corps refusait de se reposer complètement. J'étais épuisée. Mes muscles me semblaient lourds, engourdis par la fatigue, et pourtant mon esprit ne cessait de tourner en boucle, repassant sans cesse les événements de la veille. Mon arrivée à Eltem, ce nouvel environnement à apprivoiser, les visages inconnus, les regards curieux... Je m'étais sentie submergée. Comme si, tout autour de moi, le monde avançait trop vite et que j'essayais tant bien que mal de suivre le rythme.

Je me sentais encore étrangère à cet endroit. Tout était nouveau : les règles, les relations, les attentes. Et ce matin, il y avait aussi l'entraînement de combat. Mon tout premier entraînement. Cette pensée m'étreignit avec force, me serrant le ventre d'une appréhension que je ne parvenais pas à repousser.

Je n'avais jamais combattu. Pas une seule fois dans ma vie. L'idée même de devoir affronter quelqu'un physiquement me semblait insensée. Et pourtant, ici, c'était une nécessité. Tout le monde était taillé pour cela. Les garçons, avec leurs muscles saillants, avaient l'air d'être nés pour le combat. Même Erwin, malgré sa douceur, possédait une force physique visible, une aisance qui me faisait défaut. Je n'avais pas la carrure ni l'expérience, et rien que d'imaginer cet entraînement à venir me paralysait à moitié.

Mais il ne s'agissait pas seulement de peur. Il y avait aussi de l'impatience, un étrange mélange de curiosité et de crainte. Je savais que j'allais être jugée, observée, mais quelque part au fond de moi, une petite voix me poussait à avancer, à ne pas me laisser dévorer par l'angoisse. J'avais choisi d'être ici. Je ne pouvais pas reculer. Il fallait que je me lance dans ce quotidien, que je prenne part à cette routine, aussi étrangère soit-elle.

Je m'assis sur le bord du lit, les pieds touchant le sol froid de la chambre. Mes muscles réagirent avec lenteur, engourdis par une fatigue ancienne. Pourtant, je devais bouger. Rester allongée ne ferait qu'alimenter mes pensées anxieuses.

Je me levai et me dirigeai vers la salle de bain.

Devant le miroir, je vis immédiatement les marques de la nuit sur mon visage. Mes yeux étaient cernés, un peu gonflés, mais je ne fis aucun effort pour feindre la forme. L'eau fraîche sur mon visage me procura un soulagement passager, effaçant un peu la torpeur qui m'habitait. Le silence de la chambre derrière moi était rassurant. Erwin dormait encore, paisiblement. Elle, au moins, avait trouvé le repos.

Alors que je sortais discrètement de la chambre pour ne pas la réveiller, une bouffée d'air frais me saisit en plein visage. Le couloir était plongé dans une semi-obscurité, éclairé seulement par les premières lueurs du jour qui filtraient à travers les fenêtres. Tout était calme, presque figé, comme si le temps lui-même hésitait à se mettre en marche. Mes pas résonnèrent doucement sur le sol tandis que je me dirigeais vers les escaliers.

À l'extérieur, il faisait froid, et les premières lueurs de l'aube donnaient au jardin une teinte rosée. Mes pas me guidèrent presque instinctivement vers le grand chêne où je m'étais réfugiée la veille. Sa présence avait quelque chose d'étonnamment apaisant.

Je me laissai glisser le long de son tronc rugueux, étouffant un soupir résigné. L'absence de souvenirs précis me pesait, ravivant l'angoisse déjà présente la veille. Les enchantements avaient effacé ma mémoire, me privant de tout repère sur ma vie d'avant. C'était nécessaire pour être ici, je le savais. Pourtant, chaque fois que j'essayais de comprendre qui j'étais, une inquiétude sourde me happait me laissant sans passé sur lequel me reposer.