Chapitre 84

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La lune éclatante baignait la forêt d'une lumière froide alors que je me tenais en retrait, adossé contre un arbre massif, les bras croisés sur la poitrine. Autour de moi, la petite troupe d'hommes qui m'accompagnait se préparait pour l'attaque, ajustant leurs armes et échangeant des murmures nerveux, leurs mouvements silencieux trahissant une discipline rigoureuse. Je les observai d'un regard ennuyé. Un soupir las s'échappa de mes lèvres. Je n'avais que peu d'intérêt pour cette mission.

Mon regard glissa alors sur les ombres qui se mouvaient dans la pénombre; tout cela n'était qu'une formalité ennuyeuse, une tâche que j'avais acceptée de mauvaise grâce. Les ordres avaient été pourtant simples, mais je ne pouvais m'empêcher de les considérer comme une corvée chronophage. D'abord, il avait fallu se déplacer et sans monture en plus de cela, pour éviter d'éveiller les soupçons. Et puis, ce groupe d'hommes, mes hommes, n'avaient guère l'âme féroce, aucun d'eux ne semblait avoir la dégaine suffisamment adaptée pour entreprendre ce genre de mission, mais quelle importance, je savais d'avance ce qu'il en serait.

- Regardez-les, pensai-je, avec une moue de dédain en les observant. Si prompts à obéir, si désespérés de me satisfaire. Ridicule.

J'avais beau me persuader du contraire, il m'était difficile de penser cette mission comme une nécessité première. Les directives que l'on m'avait ordonnées de respecter reflétaient en fait parfaitement le pouvoir et les ambitions maladroites du Valdran, un homme qui n'avait jamais compris la véritable nature de la force, m'imposant ainsi le fardeau pitoyable d'ôter une vie.

Je fis claquer ma langue contre mon palais, mon ennui grandissant à mesure que les minutes s'égrenaient. J'aurais pu mener cette attaque seul, éliminer tout obstacle en un instant. Mais pourquoi se donner tant de mal ? Je n'avais aucune envie de faciliter la tâche au Valdran, et encore moins de le servir. Laisser ces hommes faire le travail sale me convenait parfaitement. Je n'avais rien à prouver.

Je me redressai et m'avançai nonchalamment vers mon lieutenant, un homme robuste qui semblait plus préoccupé par le bon déroulement de la mission que par sa propre sécurité. D'un geste paresseux, je lui dis signe de s'approcher.

- Alors, vous y allez ou quoi ? Demandai-je d'un ton traînant

Le lieutenant se redressa immédiatement, le visage tendu.

- Oui, Seigneur. Nous sommes prêts. Nous attendons juste votre signal.

Ils attendaient mes ordres, prêts à attaquer. Leur loyauté et leur discipline auraient pu impressionner d'autres combattants, mais pas moi.

- Vous savez quoi faire, dis-je d'un ton dédaigneux malgré moi.

- Pénétrez dans l'enceinte d'Eltem, neutralisez les défenses.

J'acquiesçai, un éclat de détermination me revigorant soudainement.

- Ensuite, trouvez la fille, et sortez. Rien de plus, repris-je.

- Et, si nous rencontrons une résistance ?

J'hochai la tête avec un sourire indifférent, mes yeux parcourant les hommes rassemblés devant moi. Cette dévotion aveugle me divertissait autant qu'elle m'agaçait.

- Gérez-la, répliquai-je, ennuyé par la question.

Le commandant s'inclina de nouveau avant de retourner vers ses hommes, aboyant des ordres pour organiser l'assaut. Je les regardai partir sans la moindre trace d'émotion.

- Amusez-vous bien, messieurs, soufflai-je.

Mes lèvres se courbèrent d'un sourire moqueur à peine retenu.

L'issue de cette attaque m'importait peu. Si ces hommes réussissaient, ma mission était terminée, si ils échouaient, cela m'offrait un divertissement plus que nécessaire et une occasion de m'investir personnellement.

Je me laissai tomber contre un arbre, les bras croisés derrière la tête, et fermai les yeux, profitant du calme avant la tempête. Le frisson de l'anticipation ne me touchait pas. Tout cela n'était qu'un jeu, un jeu dont je connaissais déjà l'issue.

- Si seulement ils savaient... murmurai-je, un sourire cruel flottant sur mes lèvres.

Ils pouvaient bien essayer de se défendre, mais au fond, j'étais certain que tout cela était vain.

Que cela prenne du temps ou non, que l'assaut de cette nuit soit concluant ou non, que la fille soit là ou non, je la retrouverais, j'accomplirais ma mission et déploierais le chaos. Une sensation délicieuse m'envahit enfin, aussi réconfortante que piquante. Mon chaos. Voila ce qui me rendait aussi patient. 

Cours. cours.

J'ouvris un œil pour observer mes hommes se fondre dans l'ombre, disparaissant en silence vers leur objectif. L'attaque commencerait bientôt, et avec elle, le désordre que j'avais préparé. Mais pour l'instant, je me contentais d'attendre, savourant l'ironie de la situation. Ce n'était pas le Valdran qui allait conquérir Eltem. C'était moi.

Vesyr liril yral, dis-je en fermant de nouveau les yeux.

(Puisses-tu garder ta paix)

Quand j'en aurai assez, je les rejoindrai. Pendant ce temps, je resterais là, indifférent, à l'orée du champ de bataille, observant de loin le jeu se dérouler, certain que, quoi qu'il arrive, la victoire serait mienne. Car au fond, il était impossible que j'aie de véritable adversaire.

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Hello, 

ce chapitre marque la fin du tome 1 :)) oui enfin après tant d'années à l'attendre! 

Je ne sais pas encore quand je publierai la suite, j'espère prochainement. 

En attendant n'hésitez pas à me partager vos impressions!

bizz


L'École d'Eltem- {T1} - TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant