Zombie Story

Chapitre 24

PDV Caleb

Deux semaines s'étaient écoulées depuis notre arrivée à la Communauté et le refuge que nous avions tant souhaité n'était pas le havre de paix auquel nous nous attendions. Nous étions des parias, des intrus qui n'avaient pas leur place ici. A chaque fois que nous quittions la maison, nous accusâmes des regards en biais et des remarques désobligeantes. Kate et son masque de femme inatteignable explosait de fureur une fois rentrée chez nous. Elle allait et venait toute la journée telle une lionne en cage, effectuait des exercices de musculations et des mouvements de kendo. Elle s'était remise en mode survie car elle savait qu'a un moment donné elle quitterait cette cage dorée même si nous n'avions pas encore eu cette conversation, je la connaissais maintenant assez bien pour deviner ses intentions.
Seule Emily avait réussi à s'intégrer et c'était tant mieux pour elle, elle pourrait terminer son enfance tranquillement au sein de ces murs en sécurité des monstruosités du monde extérieur.

_ Où vas-tu ? Demandais-je alors que la brune se préparait à sortir.

_ Je vais monter Precioso, il a besoin de faire de l'exercice, soupira Kate.

_ Laisse-moi t'accompagner, je n'ai pas envie de te laisser seule avec ces gens, lançais-je.

_ Tu crains que je fasse une bêtise ? Rétorqua la brunette.

_ Peut-être, mais surtout j'ai peur qu'ils te provoquent.

Elle pesta pour toute réponse. En direction de Central Parc dont la partie qui contenait le zoo avait été transformé en une ferme avec de l'élevage d'animaux de basse-cour et de l'agriculture de céréales et légumes. C'était la partie la plus active de la Communauté car elle nécessitait beaucoup de main-d'œuvre. Precioso était dans l'enclos avec d'autres chevaux mais il ne se mélangeait pas aux autres, lui aussi ne se sentait pas à sa place ici, comme sa maîtresse. Sans même lui mettre sa bride et sa selle, Kate enfourcha l'animal avec aisance avant de m'aider à me hisser à mon tour. Nous débutâmes notre balade dans le parc qui était gigantesque et verdoyant à cette époque de l'année.

_ Ça me rappelle nos longues chevauchées, dis-je avec nostalgie.

_ A cette époque tout était si simple, compatis Kate.  Je donnerais n'importe quoi pour revivre ces quelques jours passés à la villa.

_ Moi aussi, approuvais-je. Ces jours passés à découvrir ton corps sont gravés à jamais dans ma mémoire.

_ Pervers, s'esclaffa Kate.

Le son léger et cristallin de son rire si rare et si précieux surtout ces derniers temps me faisait savourer encore plus l'instant présent. Nous étions désormais dans un quartier fréquenté où s'opérait des travaux. Quelques enfants d'une dizaine d'année s'amusaient dans la rue sans aucune surveillance. Alors que j'observais les engins qui manutentionnaient de grandes poutrelles de fer, un mouvement étrange attira mon attention. Une poutrelle qui était laissée en suspens menaçait de chuter car le câble qui la retenait s'effritait de secondes en secondes. Je sautais de Precioso sans crier gare et courrais de toutes mes forces pour attraper la gamine alors que la poutrelle chutait à quelques mètres de nous. Les personnes aux alentours s'étaient figées en voyant la scène, et soudainement une femme se fraya un chemin jusqu'à moi.

_ Où est ma fille ? Beuglait-elle.

Je soulevais la gamine et la tendit à sa mère qui la récupéra en murmurant à peine un remerciement. La foule était encore agglutinée, murmurant des messes basses et je reportais mon attention sur Kate qui s'était rapprochée. Elle avançait à ma hauteur, le regard incandescent et me donna une gifle spectaculaire. Elle savait parfaitement que je ne ressentirais aucune douleur mais que c'était le geste qui comptait.

_ Ne refais jamais ça, si j'avais compris plus tôt ce que tu allais faire, je t'en aurais empêché. Ces gens ne veulent pas de nous ici et toi tu risques ta précieuse vie pour eux, clama-t-elle.

Les gens autour nous écoutaient avec attention mais Kate s'en fichait royalement, elle fulminait sur place, accablée par ma propre stupidité.

_ C'était une gamine Kate, répliquais-je.

Elle pesta en opérant un demi-tour pour se remettre à cheval.

_ Je ramène Precioso, rentre par tes propres moyens, aboya Kate avec hargne avant de lancer l'animal au galop.

Alors que je prenais la route du retour seul, mon exploit se répandait comme une trainée de poudre et les regards changeaient petit à petit. Après une longue marche, j'arrivais à la maison et constatais que Kate était allongée sur notre lit en observant la fenêtre avec attention. Je m'agenouillais près d'elle mais elle m'ignorait totalement, agissant comme si je n'existais pas.

_ Écoute, je sais que tu as eu peur pour moi tout à l'heure et je m'en excuse mais c'était une enfant innocente qui allait mourir sous cette poutre.

_ Et si tu y étais resté ? Qu'est-ce qu'il me resterait ? Mon désespoir, ma déchéance certaine. Sais-tu quelle conséquence cela pourrait avoir ? Je pourrais décimer cette communauté si l'envie m'en prenait Caleb, vociféra la brune qui sanglotait silencieusement. Tu ne peux pas risquer ta vie inconsciemment car te perdre signifie que je me perds à mon tour.

Je constatais que son point de vue était totalement justifié, j'avais des responsabilités envers Kate j'étais devenu un pilier dans sa vie et ma disparition pourrait libérer les démons que la brunette se forçait de maintenir enfermés au plus profond de son être.

_ Je ne le referais plus, je te le promets, m'excusais-je. J'ai compris mon erreur.

Je m'installais en cuillère derrière elle, l'enlaçant amoureusement et je me mis à contempler le ciel à mon tour.

Le lendemain matin Brown sonna à notre porte, vêtu de son éternel uniforme kaki.

_ Monsieur Lancaster, votre acte héroïque d'hier a été remarqué par les membres de cette communauté. A leur demande je vous ai attribué un poste à la réserve, vous êtes attendus aujourd'hui pour une formation rapide.

J'étais abasourdie par cette annonce et Kate tout autant que moi.

_ Et moi alors ? Demanda la brune. Où en est ma demande pour le ravitaillement ?

_ Nous étudions encore la question mademoiselle Sullivan, répondit l'homme à la posture rigide.

_ Vous vous foutez de ma gueule ? S'emporta Kate. Des semaines que nous sommes là à ne rien faire et vous ne m'avez toujours pas trouvé une tâche participative !

_ Votre tempérament rend les choses difficiles, rétorqua Brown.

_ Allez-vous faire foutre.

Kate remonta à l'étage furibonde semant le bazar sur son passage.

_ Je me présenterai tout à l'heure à la réserve Général, annonçais-je avant que le militaire ne quitte notre maison.

Je rejoignais Kate à l'étage à pas légers comme quand on approchait une bête sauvage mais elle m'entendit tout de même approcher.

_ J'ai fait beaucoup d'efforts Cal, mais là je commence à atteindre mes limites, proclama-t-elle.

_ Les choses sont en train de changer, sois encore un peu patiente, l'implorais-je.

_ Je me plierai à ta volonté mais je ne te cache pas que j'ai un horrible pressentiment. Quelque chose de grave va se passer, je le sens dans mes tripes.

Quand elle disait ce genre de phrase, je la prenais totalement au sérieux car elle m'avait prouvé plusieurs fois que son instinct visait juste.