5. Le vieil ami

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Il arriva devant son immeuble vers treize heures. Il se sentait indigne, Abderhamane et Hanan devaient être si inquiet... il devait se dépêcher. Il n'avait pas osé rembarrer Abriel, qui était si gentil avec lui, mais à quel prix ? Il risquait d'être privé de sortie. De se recevoir un flot d'insultes, et de se perdre dans la culpabilité. La boule au ventre, il monta les marches de son immeuble, mais arrivé au deuxième étage, à l'appartement en vente depuis quelques mois, il croisa des adolescents en train de sortir. Une fille, un garçon. Il n'y prêta pas plus d'attention, et continua à gravir l'escalier quand le garçon l'interpella :

— Abdel ?

Il s'arrêta de marcher, surpris. Il se tourna vers ce garçon aux yeux sombres, vers ce visage aux joues pleines, et aux cheveux sombres et courts. Non vraiment, son visage ne lui revenait pas. Et pourtant il connaissait son nom. Pris au dépourvu, il ne dit rien, et attendit qu'il s'explique. Il le fit avec un petit sourire aux lèvres :

— Chiheb. Tu te souviens ? Le centre aéré, on y était tous les deux.

Dans un éclair, un visage enfantin lui revint en tête, celui de Chiheb, quand il était encore petit. Il se souvenait de lui, ses yeux s'agrandirent et il se laissa happé par tous les vieux souvenirs qui lui remontèrent en tête. C'était son premier ami. Celui qu'il avait perdu de vue à ses douze ans, quand ils n'avaient plus eu l'âge d'aller au centre aéré. Dans un quartier de blanc, avec des enfants de blancs, de bons petits chrétiens aux origines françaises, ils avaient fait face ensemble, en tant que deux seuls enfants aux origines maghrébines, et à la religion musulmane. Ça lui avait permis de faire tout un tas de bêtise qu'il n'osait pas faire chez lui, ils devaient être insupportables et inséparables. Comment avait-il pu oublier ce garçon, qui l'avait tant aidé ? Sans lui, ces années auraient été bien plus difficiles à vivre, et il n'aurait sans doute pas autant de bons souvenirs du centre aéré. Un sourire se dessina sur ses lèvres, heureux de le retrouver.

— Oui je me souviens.
— C'est un truc de fou de se revoir ! Elle, c'est ma sœur Hymen, tu te souviens ?
— Oui, je m'en souviens.

Avec elle, ils enchaînaient les conneries, et même si elle avait deux ans de plus qu'eux, ils avaient aussi été très proches. Si Chiheb était son ami, elle était sa confidente. Elle avait toujours été de bon conseil, et avait pris le rôle d'une grande sœur, ou du grand frère qu'il n'avait pas à l'époque.

— C'est fou qu'on se recroise ! T'habites ici ?
— Oui, au troisième.
— Mais non ! En plus on est voisins ! C'est trop cool, on pourra rattraper le temps perdu ! En plus on ira dans le même lycée c'est génial !

Son sourire devint crispé, mais il choisit de ne pas briser l'ambiance en parlant de ses problèmes. Du moins pas maintenant, il n'avait pas envie de le faire fuir... à l'époque, leur amitié comptait vraiment à ses yeux, comme celle qu'il entretenait avec Haziel aujourd'hui. Il ne voulait pas gâcher ces retrouvailles. Hymen lui souriait, et finit par dire à son frère :

— Dépêche-toi, on doit aller faire les courses.
— Ah oui ! Écoute, si on se croise pas au lycée, je viendrais toquer à ta porte. Ça te va ?

— Oui.
— Parfait ! C'est quoi ton nom de famille déjà ?
— Mouissat.
— C'est ça, alors à un de ces quatre !

Il hocha la tête, son sourire ne le quittant plus, même quand il les regarda partir. Deux personnes de son passé, qu'il avait osé oublier. Il espérait qu'ils pourraient retrouver tous ensemble la relation qu'ils avaient petits. Mais il perdit vite son sourire quand il ouvrit la porte de chez lui. Il eut à peine le temps d'enlever ses chaussures qu'Hanan se dirigea, furibonde, vers lui, l'air très en colère.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant