21. L'héritage

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Samedi

Chiheb et Abdel sortirent rapidement de l'hôpital, ce dernier ne voulant pas s'y attarder. Il marchait d'un pas rapide, fuyant. Il avait eu sa dose de morbide pour la journée. Ce qu'il voulait, c'était se changer les idées. Et quoi de mieux pour se faire que d'aller au bar avec Chiheb ? Alors, connaissant pas mal de bar un peu partout, il changea de direction, perturbant son ami.

— Tu vas où comme ça ?
— C'est l'heure de l'apéro !
— Je ne comprendrais jamais comment fonctionne ton cerveau...

Abdel ricana, et s'empara de sa main par pur réflex. Quand il se rendit compte de ce qu'il faisait, il rougit, mais ne dit rien et ne changea rien, voulant paraître assuré alors qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Il renifla avec discrétion, resserrant son trench autour de lui qu'il avait laissé ouvert par mégarde. Quand enfin, ils arrivèrent au bar, Abdel s'installa directement en terrasse. D'habitude, il aurait fumé une cigarette, mais bien entendu, il n'avait pas pris son paquet quand il était sorti avec Abriel, et n'en avait pas acheté depuis. Il tira la moue, avant de concentrer son attention sur Chiheb. Lui aussi tirait une drôle de tête. Pour être sûr, il lui demanda :

— Ça va ?
— Ouais ouais. C'était juste...bizarre.

Abdel fronça les sourcils.

— De quoi ?
— Bah mine de rien, je viens de rencontrer mon idole, mais les conditions sont assez extraordinaires... et puis, je n'avais pas ma place. Je ne suis pas un proche, tout ce que je sais sur lui je l'ai lu sur internet. Il ne doit même pas savoir que j'existe. Alors... je vois pas trop ce que je suis venu faire là.

Abdel s'offusqua aussitôt.

— Bien sûr que si tu as toute ta place ! Ok, tu ne connais pas Abriel véritablement, mais sans toi, je ne serais jamais venu. Et crois-moi, Abriel vois très bien qui tu es.

Chiheb étira un sourire joyeux, et lui demanda :

— Alors comme ça tu as parlé de moi à Abriel ?
— Euh...

Abdel se rendit compte qu'il était gêné d'admettre qu'il avait parlé de lui à plusieurs reprises. Que ce soit quand il allait se réfugier chez Abriel, ou après les drames de son adolescence, quand il était victime de crise de larmes. Quand Chiheb et ses parents lui manquaient. Et même à la soirée où il l'avait recroisé. Il avait beaucoup parlé de Chiheb à Abriel et Will. Mais comme cette information semblait faire plaisir à son interlocuteur, il se contenta d'hocher la tête, et un serveur arriva. Si Chiheb se contenta d'une bière, lui prit un cocktail, sachant qu'ici, ils étaient bien chargés. Quand leur commande arriva, il plongea ses lèvres avec délice son blue lagoon, appréciant le goût de l'alcool sur sa langue. Il avait envie de tout oublier, ne serait-ce que le temps d'une soirée. Peut-être que Chiheb ne le comprenait pas, mais en tout cas, il ne posa pas de question sur le sujet. À la place, il demanda :

— Tu te rappelles quand on était ado ?
— Hum, oui ?
— Quand je jouais de la guitare et que tu chantais. C'est cool non ? Faudrait qu'on recommence.

Un sourire apparut, furtif, sur le visage d'Abdel. Oui, c'était la bonne époque. Même s'il était torturé, il restait insouciant. Il était encore jeune, c'était normal. Si au début, chanter pour Chiheb avait été une source d'angoisse non négligeable, il avait fini par apprécier user de ses cordes vocales pour lui faire plaisir. Il ne s'estimait pas bon chanteur, mais il restait dans la moyenne.

— C'est vrai, ça pourrait être fun. Mais je ne chante plus depuis longtemps.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Avant, je ne chantais que pour moi, puis je chantais pour toi. Quand j'ai coupé les ponts, j'ai tiré un trait là-dessus.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant