34. La chute aux enfers

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Samedi

Portant de lourdes valises, il aidait ses parents à charger la voiture, direction l'aéroport. Il n'avait pas la foi de les accompagner, mais il pouvait au moins les aider à charger toutes les affaires et les cadeaux qu'ils allaient offrir à la famille. Même si le cœur n'y était pas. Il mit les deux grosses valises dans la voiture, embrassa Léo et ses parents, puis ils partirent. Lui rentra dans leur appartement en traînant des pieds. En fait, il déprimait. Ça faisait plus d'une semaine qu'il n'avait pas vu Chiheb, depuis qu'il l'avait embrassé. Ni l'un ni l'autre n'avait fait le moindre geste pour régler cette situation. Égoïstement, Abdel espérait que ce serait Chiheb qui le fasse. Mais il savait que ce n'était pas à lui de le faire. Mais de toute façon, il n'était pas encore prêt pour ça. Il n'était pas eu clair avec ses émotions, et ne savait pas quelle réponse donner à Chiheb.

D'un côté, il avait envie de construire quelque chose avec lui. Quelque chose de plus... sentimental. Une relation amoureuse peut-être. Il n'était plus aussi sûr d'être aromantique, maintenant qu'il pensait être amoureux de Chiheb. Et en même temps, ça semblait si logique. Chiheb était tout ce qu'il pouvait attendre d'un parti. Il était drôle, bienveillant, beau et patient. Un portait parfait pour un garçon parfait. Alors oui, il espérait plus de leur relation qu'une simple amitié. Mais il venait tout juste de s'en rendre compte, il lui fallait digérer ces nouvelles informations.

Et d'un autre côté, il ne se sentait pas prêt à avoir de l'intimité avec qui que ce soit. L'épisode -si on pouvait le qualifier comme tel- avec Monsieur Couvier continuait le hanter. Il le voyait partout, et sa réaction à un simple baiser en disait long. Il était traumatisé de la sexualité, voilà la vérité. Alors comment allait-il faire pour supporter mes contacts physiques avec Chiheb maintenant qu'ils n'étaient plus amicaux ? Il ne pouvait pas, tout simplement. A chaque fois que Chiheb poserait le doigt sur lui, il aurait l'impression que ce serait Monsieur Couvier qui le ferait. Et ça, ce n'était pas vivable.

Il soupira, et se laissa tomber sur son lit. Il se rendait compte que finalement, il aurait dû partir au Tunisie avec ses parents. Au moins il n'aurait pas passé un mois reclus seul dans sa chambre. Mais ce fait trop tard et là encore, il allait devoir assumer. Il pensait qu'il allait passer un mois avec Chiheb, mais tout avait basculé pour un simple baiser. Si ce n'était pas comique. Son téléphone se mit à sonner. Mollement, il s'en empara pour découvrir un appel d'Hymen. Pour être franc, il hésita à laisser son appel dans le vide. Mais il savait qu'Hymen était de bon conseil, et qu'il n'avait aucune raison de la rejeter. Il décrocha.

— Salut.
Comment tu vas Abdel ?

Il comprit aussitôt qu'elle était au courant de ce qu'il s'était passé. Rien de plus logique, c'était la grande sœur de Chiheb après tout.

— Ça peut aller.
Oh, allez. Pas à moi. Dis-moi ce qu'il se passe.

Il prit une grande inspiration avant de se lancer, et de vider son sac.

— Je crois que je suis amoureux de Chiheb. Mais en même temps, je ne suis pas prêt pour ça. Je veux dire... j'ai trop de problèmes actuellement pour me lancer là-dedans. Je ne pensais pas que Chiheb m'aimait, alors j'ai vraiment été surpris qu'il m'embrasse et j'ai mal réagi. Je m'en veux parce que maintenant tout est différent.
Je comprends. Mais tu lui en as parlé, de tes peurs ?
— Pas vraiment. On a pas eu le temps. D'ailleurs, comment il va ?
Il a une peine de cœur. Il croit que tu le détestes et il reste prostré dans son lit. Il faut vraiment que tu lui parles.
— Ok, je le ferais.

C'était sûr, il allait falloir qu'il parle avec Chiheb. Il ne pouvait pas le laisser dans cet état. Mais pas maintenant, plus tard. Quand il sera prêt. Il espérait juste qu'Hymen ne tienne sa langue et n'aille pas tout raconter à son frère. Il voulait faire les choses bien. Mais contre toute attente, la sonnerie de son appartement retentit. Alors comme ça, Chiheb voulait le confronter maintenant ? Hymen lui avait tout dit ? C'était lui qui faisait le premier pas ? L'angoisse monta aussitôt en lui alors qu'il quittait sa chambre pour aller ouvrir.

Mais ce n'était pas Chiheb qui lui faisait face. Ce n'était pas cet adolescent au sourire communicatif. C'était Monsieur Couvier. Il crut halluciner, comme ça lui arrivait tant de fois, alors il referma la porte mais l'homme la bloqua avec son pied. Ce fut là qu'Abdel comprit que ce n'était pas un tour que lui jouait son esprit, c'était la réalité. Il était en danger. Il se figea, paralysé de peur alors que l'homme ouvrait la porte sans difficulté tant sa prise s'était affaiblie. Il referma la porte derrière lui et se plaça face à lui, un sourire satisfait aux lèvres. Abdel n'y croyait pas. Monsieur Couvier ne pouvait pas être chez lui. C'était impossible.

— Je suis content de te revoir Abdel.
— Comment vous savez où j'habite ?

C'était la seule question qui s'imposa à son esprit. Toute cette histoire n'avait aucun sens.

— Je t'ai recroisé dans la rue et je t'ai suivie jusqu'ici. Quand est-ce que rentre tes parents ?

Ce fut à cet instant qu'il comprit à quel point la situation était grave. Ses parents ne rentraient que dans un mois, Léo était avec eux, et Chiheb et lui était en froid. Il n'y avait personne pour venir chez lui et le sauver de ce calvaire. Il n'osait imaginer ce qu'il se passerait dans les jours qui allaient suivre.

— Ce soir.
— Vu toutes leurs baguages, ça m'étonnerait.
— Dans une semaine.
— Ne me mens pas.
— Dans un mois.

Il éclata en sanglots, pris au piège. Il allait subir un mois d'horreur, les pires atrocités.

— Maintenant donne-moi ton téléphone.

Il le sortit de sa poche et le lui donna, docile. L'homme le lit à son tour dans la poche de son pantalon. Alors Abdel tenta une nouvelle approche pour voir le bout du tunnel :

— Et ton fils ?
— Il est chez sa mère pour les vacances.

Décidément, le sort s'acharnait sur lui. Il pleura de plus belle, alors Monsieur Couvier vint le prendre dans ses bras. Aussitôt, une profonde répulsion s'empara de lui et il réussit à le pousser en arrière sous un regard surpris.

— Ne t'inquiète pas Abdel, je prendrais soin de toi.

Tout chez lui lui donnait envie de vomir, notamment sa manière de prononcer son prénom comme s'ils étaient intimes. Reprenant possession de son corps, il se jeta sur la porte pour s'échapper mais Monsieur Couvier l'attrapa par la taille et le souleva, cherchant sa chambre qu'il finit par trouver avant de le laisser tomber sur le lit. Abdel tenta de se releva mais d'une main sur son buste, il le plaqua contre le matelas et de l'autre, il sortit un bout de ficelle. Comprenant ce qu'il s'apprêtait à faire, il se mit à crier et se débattre, ne voulant pas subir une autre agression sexuelle. Il se revoyait petit, à dix ans, ne comprenant pas ce qui lui arrivait et cet homme lui dire que c'était un secret. Monsieur Couvier réussit tant bien que mal à lui attacher les mains à la rembarre de son lit. Désormais, Abdel était à sa merci.

Toujours sanglotant, il tira sur les liens mais rien n'y fit, il ne parvint pas à s'en défaire. L'homme quitta la chambre, et le laissa seul à pleurer sur son sort. Il avait envie de mourir, parce qu'il savait ce qui l'attendait. Il allait se faire violer encore et encore, sans que personne ne puisse l'aider. Il n'aurait jamais cru qu'une telle chose pourrait être possible. Qu'un homme puisse être aussi mauvais. Qu'il puisse lui faire autant de mal. Et pourtant, l'horreur du monde le rattrapait. Quand Monsieur Couvier revient, il tenait une paire de ciseaux. Abdel frissonna en songeant à ce qu'il allait lui faire. Son agresseur s'approcha de lui et se mit à minutieusement couper ses vêtements. D'abord son teeshirt, puis son pantalon et enfin son caleçon. Les larmes ne cessaient de se répandre sur ses joues, il ne pouvait pas arrêter, surtout maintenant qu'il était nu. Monsieur Couvier passa sa main sur sa joue.

— Ne pleure pas, je ne vais pas te faire mal.

Bien sûr que si, mais l'homme ne semblait même pas s'en rendre compte. Il le retourna de sorte à ce qu'Abdel se retrouve sur le ventre, avant de redresser son bassin. Il s'en rappelait. Il l'avait placé dans la même position quand il avait dix ans. A croire que c'était sa favorite. Quand il entra en lui, il cessa de pleurer. Le fil fragile de ses émotions venait de se casser, net. Il ne ressentait plus rien, que ce soit son corps ou son cœur. Les larmes séchèrent et ses poumons se vidèrent. Il n'avait même plus l'impression d'être en vie. Ce n'était plus lui, c'était quelqu'un d'autre qui se faisait violer. Lui était loin, très loin de tout ça.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant