16. La voix faible

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Mercredi

Il se réveilla d'un coup, dans un sursaut et couvert de sueur. Un cauchemar, encore, toujours le même. Ce souvenir de ses dix ans qui le hantait comme un démon. Il sentit quelque chose le toucher, dans le dos, et s'empressa de retira la main qui lui caressait la colonne vertébrale. Il se redressa, tentant en vain de se resituer.

— Hey, Abdel, c'était juste un cauchemar.

Ce n'était pas juste un cauchemar, c'était bien pire que ça. C'était ce qui l'empêchait de vivre. Mais personne ne pouvait comprendre, ou peut-être juste Abriel. Ne voulant pas paraître plus faible qu'il ne l'était déjà, il fit de son mieux pour se reprendre. Chiheb ne devait pas assister à ça. Il ne voulait pas perdre la face devant lui. Il voulait être fort, et empêcher les larmes de couler. Il ouvrit les yeux vers Chiheb, qui le regardait l'air inquiet. Il devait se demander ce qui lui prenait de faire encore des cauchemars à son âge... Abdel avait honte. Honte de lui, honte de sa vie. Son ami allait le prendre en pitié, et il ne le voulait surtout pas. Il ne voulait pas être d'autant plus humilié. Pour cacher son humiliation, il se tourna dos à lui, et voulut se rendormir.

— Abdel, ça va pas ?

Il ne voulait pas en parler, il ne voulait pas se confier. C'était bien trop gênant. Il voulait juste dormir, juste ça.

— Je suis fatigué.

Chiheb sembla comprendre son mutisme et se replaça dans le lit, prêt à se rendormir. Mais Abdel savait qu'il ne refermerait plus l'œil de la nuit. Alors il attendit, sans bouger, sans rien faire, juste à se repasser les images de son cauchemar. Encore une fois, il était sûr de ne pas réussir à se rendormir de la nuit. Il attendit suffisamment longtemps pour entendre la respiration de Chiheb ralentir, pour enfin baisser les armes. Les larmes affleurèrent dans ses yeux sans qu'il ne puisse les contenir. Il pleura longtemps, bien trop longtemps à ses yeux, et quand enfin il fut à bout, il décida de se retourner pour regarder Chiheb dormir. Comme la dernière fois, il ne put s'empêcher de le trouver incroyablement beau. La scène semblait se répéter : il était de nouveau là après une dispute avec Samuel, les cils collés de larmes. Mais cette fois, cette tristesse ne lui allait pas. Ses yeux gonflés non plus. Abdel aurait voulu le voir heureux, souriant a un beau rêve. Mais même comme ça, regarder Chiheb dormir l'apaisait. Il était en sécurité avec lui. Il resta une longue heure dans cette position, jusqu'à ce que ses larmes sèchent. Et contre toute attente, il réussit à s'endormir.

En se réveillant, il ouvrit les yeux sur Chiheb. Il ne savait pas pourquoi, mais se réveiller à ses côtés l'emplissait de joie. Son ami dormait encore, et lui, il se levait plutôt du bon pied. Chose rare, surtout avec un cauchemar dans la tête. Sûrement l'effet de Chiheb... Il se redressa en se frottant les yeux. Il lui manquait quelques heures de sommeil pour être bien, mais c'était déjà ça. Il alla directement dans la cuisine se servir ses céréales, disant bonjour à Abderhamane dans la foulée.

— Dis-moi, Chiheb vient de plus en plus souvent à la maison.

Il s'arrêta de manger, ne comprenant pas le sens de cette phrase. Oui, il venait souvent. Presque tous les jours en fait. Et alors ? Il ne répondit pas et se remit à manger. Son père s'assit en face de lui, voulant lui parler :

— Je suis content que vous vous soyez retrouvé.

Oui, c'était une bonne chose. Il sourit à cette pensée.

— Moi aussi.
— Ça te fais du bien ? De voir plus de gens je veux dire.
— Oui, bien sûr.
— Tant mieux alors. Maintenant que j'y pense, Léo passera ce soir après ses cours.

Son sourire s'agrandit à cette nouvelle. Il avait tellement hâte de le voir, ça faisait déjà trop longtemps. C'est à ce moment-là que Chiheb choisit d'arriver, pas tout à fait réveillé.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant