20. Les blessures

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Samedi

Il n'aimait pas les hôpitaux. Il trouvait ça bien trop sordide. À chaque pas qu'il faisait, il avait peur de croiser une personne malade ou blessée. C'était irrationnel, et peut-être en lien avec ce qu'il s'était passé avec Abriel. Avant, il n'avait pas aussi peur des hôpitaux. Peut-être avait est-ce commencé à la mort de son père, décédé dans ce même hôpital. Ça lui rappelait de trop mauvais souvenirs d'être ici. Mais Chiheb était avec lui, il le soutenait, il n'était plus seul. Ils marchaient dans les couloirs gris, arrivant devant la bonne chambre. Chiheb lui laissa tout le temps de se décider à ouvrir cette porte qui le séparait d'Abriel. Et en effet, Abdel resta une longue minute planté devant, sans oser bouger. Il avait peur de ce qu'il allait découvrir de l'autre côté. Tout son corps tremblait de stress et il crut mourir. Mais prenant son courage à deux mains, il appuya sur la poignée et ouvrit la porte. Aussitôt, Will, assis sur une chaise près du lit, se releva, les yeux brillants. Abdel n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il était déjà sur lui, à le prendre dans ses bras. Pétrifié, Abdel mis du temps à bouger, pour lui rendre son étreinte. Il posa sa tête sur son épaule, respirant les quelques effluves d'eau de Cologne qui restait sur Will. Il lui avait manqué. Abdel ferma les yeux, ne désirant pas voir Abriel tout de suite. Will finit par se détacher de lui, et lui dit :

— J'étais mort d'inquiétude ! Je t'attends depuis jeudi ! Tu étais où ?

Abdel pointa Chiheb du doigt, qui se tenait à l'écart, visiblement très mal à l'aise. Le pauvre se faisait tout petit, et triturait ses doigts.

— J'étais chez Chiheb. Tu sais ? Je t'ai déjà parlé de lui.

Will hocha la tête, et un silence pesant s'installa. Abdel baissa la tête, ne regardant toujours pas Abriel, qui restait silencieux. Peut-être qu'il dormait... Abdel avait toujours peur, il ne savait trop de quoi, mais il avait peur. Mais il savait qu'il n'était pas là pour rien, alors il brisa ce silence :

— Écoute Will, je suis désolé de m'être isolé et de ne pas avoir donné de nouvelles. C'est juste que... j'arrive pas à intériorisé ce qu'il s'est passé. Et je m'en veux, si tu savais comment je m'en veux. Si tu veux que je parte de l'appartement ou... ou je ne sais pas, il n'y a pas de problème. Je suis vraiment désolé. Je... je suis allé témoigner au commissariat, Fabien va être attrapé. J'ai fait ce que je devais faire, alors... j'espère que tu pourras me pardonner.

Will soupira, le faisait déglutir. Abdel ferma à nouveau les yeux, attendant à tout moment à s'en prendre une, même si ça ne ressemblait pas à Will. Mais à la place, une main se posa avec tendresse sur sa joue. Il rouvrit les yeux, et tomba sur le sourire de Will. Triste.

— Personne ne t'en veux Abdel. Ce n'est pas de ta faute. Ne pense pas ça s'il te plaît. Parce qu'Abriel a besoin de toi, il a besoin que tu sois fort, que tu te tiennes à ses côtés. Les prochains mois seront difficiles, il a des greffes de peau prévues, mais on va y faire face. Ensemble. Merci d'être allé à la police, je ne connaissais pas son nom de famille. Maintenant, va voir Abriel, ça va lui faire plaisir de te savoir ici. Mais je te préviens, avec les antidouleurs, il est à l'ouest, et ne comprends pas grand-chose.

Les larmes aux yeux, Abdel hocha la tête. Will se tourna vers Chiheb et lui dit :

— Merci de l'avoir emmener ici.

Chiheb tenta un sourire discret. Will avait raison, sans lui, il ne serait jamais venu. Il lui avait donné le courage nécessaire, il l'avait soutenu et aidé. Will passa sa main dans le dos d'Abdel et l'invita à s'avancer, le rapprochant du lit et lui disant de s'assoir sur la chaise. Abdel fixa son regard sur le visage défiguré d'Abriel qui ne laissait voir que ses yeux, son nez et sa bouche sans peau en dehors du bandage sur le reste de sa tête. La vue de son visage brûlé lui revint, et une première larme coula. Abriel était allongé sur le dos, immobile, inerte. Des fils, des câbles, des tuyaux le reliaient à différentes machines dont il ne connaissait pas l'utilité. Cette vision l'horrifiait, il n'arrivait pas à se figurer que c'était Abriel, couché dans ce lit. C'était trop absurde, trop irrationnel, son imagination ne suivait pas. Il avait l'impression de n'être en face que d'un cadavre d'inconnu. Et ça le terrifiait. Will s'approcha d'Abriel, posant sa main sur son torse :

— Abriel, Abdel est là.

Un gémissement endolori lui répondit, et une seconde larme coula sur le visage déformé par la peine d'Abdel. Il posa lui aussi sa main sur son torse, lui disant :

— C'est moi Abriel. Je... je suis désolé. Mais je suis là maintenant.

Il y avait toujours cette possibilité qu'Abriel lui en voulait, mais apparemment, il ne pouvait pas s'exprimer. Ce n'était pas étonnant, ton son visage était brûlé et douloureux, d'autant que Will confirma qu'il ne parlait pas. Alors pour lui montrer qu'il était là, il caressa le haut de son torse, voyait qu'il n'était pas bandé, contrairement à son visage et ses mains. Il ne cessait de revivre la scène, Abriel s'effondrant, criant, attrapant son visage pour tenter de retirer le liquide. Il revoyait Fabien partir en courant. Il pleura en silence, compatissant avec la douleur d'Abriel. Il ne savait pas combien de temps il était resté en silence, mais quand il se retourna, il vit que Will était assis à même le sol, somnolant, et que Chiheb était resté à la même place, sans rien faire. Il s'imaginait très bien Will rester à l'hôpital jour et nuit, squattant les couloirs quand les visites n'étaient plus autorisées. Il n'avait même changé de vêtements. Abdel aussi devrait songer à rentrer à l'appartement. Ne serait-ce que pour prendre des fringues. Son carnet. Pas grand-chose mais juste le strict minimum. Alors, n'en pouvant plus de rester là, il se fit la promesse de revenir, et se leva de la chaise, quittant le torse d'Abriel de sa main. Il fit signe à Chiheb de le suivre, et quitta la chambre après un dernier mot pour Will.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant