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DimancheAbdel ouvrit péniblement les yeux, et ne fut pas surpris de constater que Monsieur Couvier était assis sur sa poitrine. Depuis une semaine, il faisait ce rêve affreux, toutes les nuits en fait. Il se réveillait et il le voyait. Il avait pris l'habitude. Mais ça ne l'empêchait pas de ressentir une profonde angoisse. A chaque fois. Il se faisait des films, et quand leurs lèvres manquaient de se toucher, il reprenait le contrôle de son corps. Cette fois ne fit pas exception, et quand Monsieur Couvier fut proche de l'embrasser, il se réveilla pleinement. La lumière filtrait à travers les stores, il devait déjà être tard. Il vit Chiheb penché au-dessus de lui, l'air visiblement très inquiet.
— Bon sang, tu m'as fait une de ses peurs ! Tu bougeais pas et tu fixais le plafond, j'ai cru que tu faisais une overdose !
— Je... ça va.Il ne lui fit pas part de ses angoisses, se contentant de se redresser sur le lit. Il fallait qu'ils parlent, qu'ils brisent la glace, sinon il allait rester dans un perpétuel vent glacial, à ne plus savoir parler, à ne plus savoir communiquer. Il voulait retrouver sa relation d'avant avec lui, il lui manquait déjà. Il ne voulait plus de cette relation mi-chèvre mi-figue, il voulait être son ami, pleinement.
— Tu te sens mieux ?
— Écoute Chiheb... je suis vraiment désolé, pour tout. En ce moment c'est... très compliqué pour moi. Je me sens vraiment mal, et je fais n'importe quoi. Mais je veux aller mieux, pour toi, pour tout le monde en fait. Je ne veux pas être un poids pour vous. Je n'aurais jamais dû te parler de la sorte. C'est inexcusable comment comportement, mais égoïstement, j'espère que tu me pardonneras quand même. Je n'aurais pas dû te rejeter. Tu me manques tu sais. Et je m'en veux, sincèrement, de t'avoir blessé et inquiété. Je... je veux que tout redevienne comme avant, qu'on soit de nouveau ami, que tu viennes chez moi à l'improviste, je veux tout, tout ce qu'on avait. Je sais que j'ai fait le mort pendant une semaine, et que c'est moi qui aie coupé les ponts. Mais je suis prêt à tout réparer. Si tu veux bien me laisser ma chance.Les joues rouges, il releva le regard vers Chiheb, attendant sa réponse. Il le trouva avec un petit sourire, les yeux brillants. Il lui sauta au cou, l'entraînant dans un câlin. Il sourit lui aussi, heureux de retrouver son ami d'enfance.
— Je ne t'en veux pas Abdel, je suis juste inquiet. Tes parents ont raison, ça ne te ressemble pas de te conduire de la sorte. Je suis heureux de te retrouver mais je reste inquiet. Parce que je vois bien que tu vas mal, depuis le début, en fait. J'ai pensé que je pourrais t'aider mais tu ne me dis jamais rien. Alors je reste impuissant. Et je ne peux pas continuer comme ça, tu comprends ? Tu es mon seul ami, j'ai perdu tous les autres à cause de Samuel... je n'ai que toi et Hymen, et je te voir dépérir sous mes yeux... je ne sais plus quoi faire. Je ne peux pas rester comme ça... et c'est pareil pour tes parents, eux non plus ne comprennent pas. J'ai parlé avec eux, ils veulent être là pour toi, mais eux ne non ne savent plus quoi faire. Alors il faut que tu nous parles, s'il te plaît.
— Je... je comprends.Il allait bien falloir qu'il s'explique avec ses parents. Surtout après ce qu'il avait dit la veille. Il allait falloir qu'il parle. Léo avait raison, tout le monde l'aimait, et n'attendait plus que lui. Sauf qu'Abdel était lâche et faible. Et ces tares empiétaient sur sa vie.
— Je comprends, mais je ne peux pas en parler. Pas tout de suite. J'ai... j'ai besoin de temps pour être au clair avec moi-même, et savoir comment vous dire les choses. Parler de moi, c'est... très compliqué. Il n'y a qu'avec Abriel que j'y arrive, et encore, c'est parce qu'il a deviné tout seul le problème.
— Le problème... tu parles de ta phobie scolaire ?
— En partie. Mais ce que je peux te dire, c'est qu'il ne faut pas que tu t'inquiètes. Il... il m'arrive d'avoir des crises d'angoisse, ça peut être très impressionnant, mais ça finit toujours par passer. J'ai aussi des coups de mou, et ça aussi ça passe. Je suis comme ça, je ne peux rien y faire. Enfin, j'ai jamais essayé vraiment... mais je te promets d'essayer, je veux aller mieux.Chiheb brisa l'étreinte pour l'embrasser sur le front, un sourire un peu triste aux lèvres.
— Bon... il faut que j'aille voir mes parents, reste ici si tu veux.
— Pas de soucis, bon courage.Il prit une grande inspiration et sortit du lit, puis de sa chambre. Il trouva ses parents assis dans le salon, sur le canapé. Quand il arriva, leurs regards se tournèrent vers lui, sombres. Ils semblaient en colère. Mais pas seulement. Tristes aussi. Il voyait tout autant de la rancœur, de l'impuissance ainsi que de l'inquiétude. Un mélange d'émotion bouillonnant en somme.
— Écoutez, je suis vraiment désolé, pour tout ce qu'il s'est passé, pour ce que j'ai dit, pour ne pas vous avoir donné des nouvelles, pour vous avoir menti et... pour avoir pris de la cocaïne. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je crois que... j'avais besoin de m'isoler un peu, prendre des distances pour mieux revenir. Mais je vous ai causé du tort et pour ça, je suis vraiment désolé.
Son père soupira, et se leva du canapé pour lui faire face. Abdel n'avait jamais trouvé son père aussi intimidant qu'à cet instant.
— On comprend que tu peux avoir besoin de prendre des distances, c'est l'adolescence après tout. Mais ce que tu as fait, c'est inacceptable. Tu nous as menti, tu nous as dit que tu dormais chez Haziel alors que tu es resté chez cet Abriel. On ne le connaît même pas ! S'il t'était arrivé un problème, on ne l'aurait même pas su ! Tu nous as laissé sans nouvelle, on était mort d'inquiétude ! Et tu finis par revenir au bout d'une semaine, dans un état pas possible. Qu'est-ce qu'on est sensé te dire ? Que la drogue c'est mal ? Tu sais quand même que tu peux ressentir des symptômes de manque dès la première prise ? C'est une drogue très dangereuse ! Est-ce qu'on peut toujours te faire confiance ? Tu n'es plus un enfant, soit. Mais ce n'est pas une raison pour jouer à l'aventurier. Tu t'es très mal conduit, tu t'es mis en danger... je parie que tu n'as pas travaillé durant cette semaine, tu passes en première l'année prochaine ! Tu compromets tes chances d'avoir ton bac !
Sentant les larmes lui monter, il sentit sa voix se briser quand il cria :
— Il ne s'agit pas du bac il s'agit de moi !
Ses larmes se mirent à couler, et lui à sangloter. Il ne pouvait pas laisser son père faire passer le bac avant son état. C'était trop douloureux de le laisser dire ça. D'autant qu'il savait que ce n'était pas ce qu'il pensait au fond.
— Je... je me sens vraiment très mal en ce moment. Je... je ne sais pas ce qu'il m'arrive mais c'est très difficile pour moi, j'ai besoin de reprendre mes esprits pour continuer ma vie d'avant. Laissez-moi un peu de temps.
Sa mère se leva à son tour, posant la main sur l'épaule d'Abderhamane.
— On sait bien ça, mais on ne comprend pas pourquoi. Depuis tout petit tu es... spécial. On t'a regardé t'enfoncer dans le mal-être sans comprendre, sans pouvoir rien faire. Parce qu'on ne sait pas ce qu'il se passe dans ta tête. C'est difficile pour nous de suivre tes sautes d'humeur, de savoir ce qu'il t'arrive parce que tu ne nous parle pas. Tu n'es pas obligé de nous parler. Mais tu peux pas nous en vouloir de ne pas te comprendre si tu ne nous parle pas. Tu comprends ?
— Je sais que je dois vous parler, Léo m'a dit ça aussi. C'est juste que... j'y arrive pas. Je veux m'améliorer, je vous le promets. C'est juste pas possible en ce moment.
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PHOBIA TO EUPHORIA
RomansaAbdel n'allait pas bien, il était hanté. Il était seul, appréhendait la vie difficilement et ne parvenait pas à se défaire de ses angoisses. Mais sa vie était sur le point de basculer au fil des rencontres qu'il fit, pour le meilleur et pour le pire.