17. Le grand frère

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••~••
Mercredi

Finalement, ils avaient passé toute l'après-midi à jouer les chansons d'Abdel. Petit à petit, sa gêne s'était évaporée, et il avait pu libérer sa voix. Il s'était même amusé à chanter ses chansons avec Chiheb, qui avait souri tout du long, comme heureux. Si Abdel en était à l'origine, il pouvait s'en réjouir. Les parents de son ami était rentré, et ils étaient allé les saluer. Ses parents se souvenaient de lui et étaient adorables, lui ayant donné du chocolat. Essoufflé, il demanda à faire une pause et s'assit par terre.

— On fait du bon boulot ! On pourrait même faire un album !

Abdel rit nerveusement.

— Euh, peut-être pas non.

Chiheb lui sourit, et vint le rejoindre par terre, s'asseyant à ses côtés.

— T'as des nouvelles d'Abriel ?
— Pas depuis la dernière fois. Tu crois que je devrais lui envoyer un message ?
— Bien sûr que oui tu devrais ! Ne passe pas à côté de ta chance !

Il rit, et s'empara de son téléphone, quand une notification le fit redescendre d'un coup sur terre.

— Oh merde.
— Quoi ?
— Il est dix-neuf heures...
— Et alors ?
— Mes parents ne savent pas où je suis... et mon frère est venu me voir.
— Oh merde !

Il se dépêcha de se lever, de réunir ses affaires, Chiheb sur les talons. Ils dirent au revoir aux parents de son ami, et croisèrent Hymen dans le salon, qui était en train de travailler son cours.

— Ça va les garçons ?
— Oui oui !

Abdel voulait couper cours à la conversation, pour aller rapidement chez lui. Hymen dû s'en rendre compte puisqu'elle leur fit un signe de main pour leur dire au revoir. Ils montèrent l'étage en vitesse, Abdel ouvrit la porte et se déchaussa, s'empressant de rejoindre le salon pour voir si sa famille y était. Et en effet, il coupa une discussion entre Léo et Abderhamane. Hanan n'était pas là. Son père se leva aussitôt et vint le voir, alors que Chiheb arrivait derrière lui.

— Où est-ce que tu étais !
— J'étais chez Chiheb...
— On t'as attendu plus d'une heure !
— Désolé, on... on a n'a pas vu le temps passer, on travaillait.

Il se sentit honteux de mentir pour ça, mais il ne voulait pas être disputé. Son père hocha la tête, l'air plutôt satisfait et Léo s'approcha à son tour. Aussitôt, Abdel lui sauta dessus pour le prendre dans ses bras, heureux de le retrouver. Léo passa ses mains dans son dos. Il finit par se détacher de lui et lui demander :

— Abdel, tu nous présentes ?
— Oui bien sûr ! Léo, je te présente Chiheb, un ami du centre aéré qui a emménagé dans l'immeuble. Et Chiheb, voici mon frère !

Ils se serrèrent la main, puis Abdel les guida dans sa chambre, tout guilleret. Il s'assit sur le lit, alors que les deux autres faisaient connaissance, parlant basket et animé. Abdel les regarda, heureux qu'ils se rencontrent. Il ne manquait plus que Haziel pour que le tableau soit complet, et que les personnes les plus importantes dans sa vie soient présentes. N'étant pas dans la conversation, il sortit son téléphone et envoya un message, comme il avait dit qu'il le ferait à Chiheb.

Abriel

Bonjour Abriel,
ça te dirait
qu'on se revoit ? _

La réponse ne se fit pas attende.

Abriel

Bonjour Abriel,
ça te dirait
qu'on se revoit ? _

_ Bonjour Abdel.
Ce serait avec
plaisir, mais j'ai
un défilé de mode
cette semaine. On
pourra se voir
jeudi prochain si
ça te convient.

Ce sera avec
plaisir ! _

Satisfait, il éteignit son téléphone pour se reconcentrer sur la conversation de Chiheb et Léo. Ils parlaient d'un animé, Naruto. Il n'avait jamais regardé mais Léo lui en parlait souvent, pour lui dire à quel point c'était incroyable. Et à chaque fois, il avait ce regard particulier, celui de la nostalgie. Comme à ce moment-là. Ne pouvant participer, il se contenta de les écouter avec un petit sourire. Jusqu'à ce que Léo ne conclût :

— Bon, j'ai du travail, désolé de ne pas pouvoir rester plus longtemps.
— C'est de ma faute, j'étais en retard...

Léo lui embrassa le crâne avant de partir. Abdel sentit un creux se former dans son cœur, il lui manquait déjà. Chiheb soupira et se laissa tomber sur son lit.

— Il est trop cool ton frère ! J'ai un vague souvenir où tu me parlais de lui, mais il n'est jamais venu au centre aéré non ?
— C'est une histoire compliquée.

Chiheb se redressa, tout ouïe. Abdel sentit qu'il allait devoir se confier, alors il commença son histoire.

— En fait, c'est mon demi-frère. C'est le fils de mon père. De ce que je sais, mon père est resté deux ans avec son ex-femme. Ils étaient jeunes à l'époque. C'était une femme manipulatrice, et à l'époque Abderhamane avait des problèmes d'alcool... elle n'arrêtait pas de l'enfoncer, et il buvait toujours plus. Puis Léo est né, et le comportement de son ex a changé. Elle a tout fait pour l'écarter de sa vie, et mon père a fini par fuir. Il a rencontré Hanan, qui l'a aidé à sortir de l'alcoolisme et quelques années après, je suis né. Mais Abderhamane n'avait plus de contact avec son ex, ni avec Léo. Avec le temps, il a voulu renouer contact avec lui, mais il ne savait pas comment faire. Ça l'angoissait beaucoup et il est retombé dans l'alcool quelques mois. Je n'ai pas beaucoup de souvenir de cette époque-là, mais il avait l'air vraiment malheureux. Il se sentait coupable d'avoir laissé son fils entre les mains de cette femme, alors quand j'ai eu neuf ans, il m'a emmené chez eux. C'est Léo qui nous a ouvert, et mon père a lâché la bombe. Je me rappelle que j'étais très perturbé et que je ne comprenais pas pourquoi j'avais un frère qui sortait de nul part. Léo aussi a mal réagi, et il nous a fermé la porte au nez. En même temps, il n'avait que dix-sept ans... en fin bon. Mais quelques heures plus tard, il est revenu nous voir, et avec le temps, il a fini par nous accepter. On est devenu très proche lui est moi, et je le considère comme mon frère, même si je ne le connais que depuis sept ans.

Chiheb avait les yeux ronds, ayant apparemment du mal à assimiler toutes ces informations. Abdel baissait la tête, ne sachant pas trop ce que son ami allait penser de ça. Sa famille n'était pas parfaite, il le savait. Mais c'était la sienne, et il l'aimait plus que tout.

— Je... ok, en effet c'est une longue histoire. Mais je trouve ça mignon. C'est comme si on t'avait offert un grand frère pour ton anniversaire.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant