11. La dure réalité

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Lundi

Depuis la veille, Abdel n'était pas sorti de sa chambre. Il n'avait pas mangé, n'avait pas dormi, et était resté dans son lit à ruminer. Il repensait à tout ce qu'il s'était passé avec Fabien. Tout ce qu'il avait vécu de positif était peu à peu remplacé par sa colère, et il se demandait comment il avait fait pour être aussi stupide et être tombé dans le panneau. Il se refaisait le film et comprenait bien que Fabien avait été trop gentil avec lui pour que ce soit normal. D'habitude, il n'était pas aussi bien traité que ça. Aucun de ses partenaires lui prenaient la main, aucun ne cherchait à lui faire plaisir, aucun ne l'inviter au restaurant. Ils s'arrêtaient juste au cul. Il avait bêtement cru que cette fois, ça aurait pu être différent.

Il se sentait comme le pire être humain sur Terre. Était-il écrit sur son front qu'on pouvait profiter de lui ? Il espérait que non. Il pensait avoir dépassé tout ça, s'être détaché de ce petit garçon fragile qui apprend la vie. Il aurait dû savoir qu'il existait des personnes mal intentionnées, comme Monsieur Couvier, plutôt que de se voiler la face. Il n'aurait jamais dû inviter Fabien chez lui, même si ça lui avait permis de se rendre compte de la supercherie. Il pensait qu'en multipliant les expériences sexuelles, il se mettait à l'abri, mais en fait non. C'était peut-être même tout le contraire. La preuve, il s'était détourné de sa règle « ne pas s'attacher » pour continuer à le voir. À quoi cela servait il de faire des efforts pour tout contrôler s'il ne faisait pas d'effort ? À rien, il ne servait à rien.

Il n'en pouvait tout simplement plus de repasser la scène en boucle dans sa tête. Il voulait passer à autre chose, tout en gardant ses promesses. Mais pour ça, il fallait déjà qu'il sorte de sa chambre. Se redresser du lit fut déjà une épreuve, mais alors se lever ce fut un combat. Il devait lutter contre son corps qui n'aspirait qu'à faire la larve dans son lit. Il déverrouilla la porte de sa chambre et sortit. Trouvant Will et Abriel dans le salon sur leur ordinateur en train de travailler. Dès qu'il arriva dans la pièce, leurs regards se posèrent sur lui et Abriel posa l'ordinateur sur la table basse pour se lever sans faire aucun pas vers lui. Mal à l'aise, Abdel commença :

— Je... je suis désolé.

Il déglutit difficilement alors que les deux hommes l'écoutaient attentivement.

— Je suis désolé de ce qu'il s'est passé, et... pour m'être isolé aussi.
— On comprend que tu aies eu besoin d'être seul, mais Abdel, il faut qu'on en parle.

Il hocha la tête, d'accord avec les propos d'Abriel. Will posa aussi son ordinateur sur la table, tout ouïe à ce qu'il allait se passer. Abriel l'invita à s'assoir, et il s'exécuta.

— Depuis quand tu le connais ?
— Depuis plus d'un mois. Je... je l'ai rencontré au bar, il m'avait reconnu et... il m'a plu.
— Alors c'est lui qui t'a fait ces morsures et ses bleus ?
— Oui.

Il dit cela sans fierté, même avec honte. Abriel prit sur lui pour le laisser raconter, Abdel pouvait le voir.

— Je... on couchait juste ensemble. On se voyait toutes les semaines, et ça se passait bien. Il m'a même invité à des rendez-vous, alors je l'avoue, ça m'a bien plu, et je commençais à m'attacher à lui. Mais je n'aurais jamais cru que... qu'il n'était là que pour ça, quoi. Alors je suis vraiment désolé. Si... si vous voulez que je parte, je comprendrai...

Abriel le regarda avec attention, sans faire attention à son rythme cardiaque bien trop élevé. L'homme finit par soupirer.

— Écoute Abdel, il n'a jamais été question de te virer de cet appartement. Will et moi on s'inquiète juste pour toi. Tu... tu découches souvent, on ne sait jamais où tu es, ou avec qui, on ne sait pas si tu es en couple, si tu es avec des amis... on ignore tout de ta vie, et tu reviens souvent avec des blessures comme cette fois-là. Je crois te l'avoir déjà dit, mais il faut que tu fasses attention à toi et à qui tu fréquentes. Il y a des mauvaises personnes partout, surtout maintenant que tu as une petite notoriété. Beaucoup voudront t'approcher pour de mauvaises raisons, il faut que tu restes sur tes gardes. Et que tu n'acceptes pas certains comportements à ton égard. Te frapper, te mordre... c'est de la violence, tu ne dois pas te laisser faire.

Songeur, il repensa aux mots Abriel. Il était vrai que depuis qu'il avait commencé à poser pour des pubs, il était plus souvent approché. Ça se passait toujours bien, mais tout de même, cette fois avec Fabien montrait bien qu'il n'était pas en sécurité, et Abriel non plus. Il était tout de même soulagé de ne pas être mis à la porte après ce qu'il avait fait, même s'il n'avait pas pensé Abriel capable de ça. Il avait plutôt pensé qu'un climat tendu s'installerait entre eux. Visiblement, ce ne serait pas le cas. Lassé, Abdel passa une main sur son visage.

— Ne vous inquiétez pas. C'est fini tout ça, je ne laisserai plus personne m'approcher.

Abriel parut offusqué.

— Je ne dis pas que tu ne dois pas avoir de vie sociale ou amoureuse ! C'est important pour toi d'être entouré ! J'ai l'impression que... que tu es totalement isolé, que tu restes toujours dans ton coin.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Je sors souvent tout de même !
— Et avec qui ?

Ok, il s'était fait avoir. En effet, il sortait souvent seul, et ce n'était qu'après qu'il rencontrait quelqu'un. Mais la solitude ne lui pesait plus. Il était vrai que plus jeune, il l'avait mal vécu. Mais il avait grandi, il était plus autonome maintenant et ne dépendait plus des autres.

— Bon ok, je sors souvent seul. Mais je me suis fait une amie ! Elle s'appelle Anissa.

Voilà, il avait raison, il n'était plus seul maintenant. Il avait Anissa. Il savait qu'il faisait preuve de mauvaise foi, vu qu'il voyait Anissa depuis peu. Mais il ne voulait pas qu'Abriel et Will s'inquiètent pour lui, il n'y avait pas de raison. Il savait ce qu'il faisait. Abriel hocha la tête, et Abdel retourna dans sa chambre, le cœur lourd. Cette conversation l'avait brassé, il n'allait pas mentir. Alors voulant se changer les idées, il appela Anissa, qui venait tout juste de finir sa journée, et se rendit chez elle.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant