21. Le retour à la réalité

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Samedi

Il ouvrit péniblement les yeux, un mal de crâne épouvantable lui perçant le cerveau. Il gémit, mais ne parvint pas de suite à bouger. Il comprit que tout son corps était engourdi, comme quand il avait bu de l'alcool, mais la sensation était différente. Il n'arrivait pas à identifier ce qui lui arrivait. Les yeux ouverts, il vit Abderhamane et Hanan penchés vers lui, l'air très inquiet. Leur peur provoqua la même chez lui, mais il ne se sentit pas paniqué. Étrange, venant de lui. Il reconnaissait pourtant la tristesse d'une chambre d'hôpital, dont le blanc tirait désormais plus vers le gris. Il n'avait aucun souvenir lui permettant de comprendre comment il en était arrivé là, la faute à son esprit embrouillé.

— Abdel ! Tu te réveilles enfin !

Hanan pleurait, et Abderhamane lui caressait gentiment l'épaule. Troublé, il leur demanda :

— Qu'est-ce que je fais là ?
— Tu aurais fait une crise d'angoisse violente, pour te calmer ils ont dû te sédater...

Il n'en avait aucun souvenir. Par contre, le pourquoi s'imposa de lui-même dans son esprit. Il l'avait recroisé. Ce professeur qui, pour lui, appartenait au passé. Il pensait avoir tirer un trait sur cette histoire, et voilà où il en était rendu. Il ne paniqua toujours pas, probablement grâce aux médicaments, mais il se sentit blêmir. S'il devait croiser Monsieur Couvier tous les six ans il n'allait pas survivre bien longtemps, surtout avec les effets dévastateurs que ça avait sur lui. Il déprimait en quelques secondes, son corps ne faisant plus qu'un avec le lit. Il repensa à son visage, à ses mots et un profond dégoût le prit. Ne pouvant faire autrement, il se pencha sur le côté pour vomir de la bile, lui laissant un goût affreux dans la bouche sous les yeux médusés de ses parents. Hanan s'empressa d'appeler un infirmier, alors qu'il se déversait toujours sur le sol. Humilié, il sentit les larmes lui monter et éclata en sanglots, dégoûté face à sa lâcheté. Il n'avait rien dit, rien fait. Il manquait de courage, à n'en pas douter. Il l'avait laissé l'embrasser, il sentait encore la sensation de ses lèvres contre les siennes. Il pleura de plus belle. Jamais il ne pourrait se défaire de son emprise, c'était gravé au fer rouge dans son cœur.

Il se détestait, d'autant plus quand une femme de ménage vint nettoyer les dégâts, et qu'un infirmier lui demanda ce qui lui arrivait. Il se contenta de dire que c'était les médicaments qui le rendaient nauséeux. L'homme ne demanda pas plus et partit, le laissant seul avec ses parents. Il n'osait même pas les regarder dans les yeux. Ils gardaient le silence, eux aussi mal à l'aise face à son mutisme. Abderhamane finit par prendre la parole :

— Abdel, dis-nous ce qu'il s'est passé.

Il renifla, se calmant petit à petit, même si les larmes continuaient à couler. Il avait envie de rentrer chez lui dormir, pas d'expliquer ce qu'il s'était passé. C'était un secret, et ça devait le rester. Jamais il ne leur parlerait de cet homme et de ce qu'il ressentait à cet instant, la honte était trop grande. Il ne voulait pas voir leurs regards changer, devenir emplis de dégoût à son égard. Oui, en fait, il avait peur que tout change pour le pire. S'il gardait tout pour lui, ça semblait moins réel.

— Rien. Vous... vous savez... ça m'arrive de temps en temps.

Il n'affrontait toujours pas leurs regards, gardant la tête définitivement basse. Ses parents soupirèrent en cœur.

— Bien. J'ai prévenu Léo, il passe te voir ce soir. Je vais signer tes papiers de sortie. Peut-être qu'à lui tu voudras bien parler.

C'était Abderhamane qui avait parlé. Il se contenta d'hocher la tête. Il n'avait pas envie de voir Léo, encore moins de lui en parler. Chose très rare pour lui. Mais actuellement, il n'avait plus goût à rien. Il se redressa sur le lit et sa mère lui tendit ses vêtements. Elle sortit de la chambre ensuite, pour lui laisser l'intimité de se changer. Il le fit, les yeux rivés vers le sol, n'osant plus regarder son propre corps. Il sortit de la chambre en prenant son sac, et avec Hanan, ils rejoignirent Abderhamane dans un silence de mort. Il en fut de même dans la voiture. Ils arrivèrent devant leur immeuble et commencèrent à monter les marches. Dès qu'ils arrivèrent devant leur porte, une voix retentit :

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant