4. Les dégâts

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Mercredi

Abdel se réveilla en entendant du bruit. Il était encore claqué de sa nuit, et entendait distinctement de l'eau couler. Fabien devait être sous la douche. Il se releva mais le bas de son dos le fit aussitôt souffrir alors il resta allongé. Avec Fabien, ça avait été formidable. Mais il avait mal partout. Au dos, à la tête, au cou et aux genoux. Ça commençait à faire beaucoup. Il se laissa traîner au lit, attendant le retour de Fabien. Il était en plein dilemme. Est-ce qu'il devrait revoir Fabien, en sachant que le sexe avec lui était fantastique, ou bien le laisser de côté, comme il avait l'habitude de le faire ? Il l'ignorait. L'eau se coupa.

Fabien revint avec une serviette autour des hanches pour seule tenue. Abdel fit couler son regard vers son torse bien formé, appréciant la vue. Il fallait le dire, Fabien était canon. Vieux, mais canon. Et super bien foutu. Fabien alla s'assoir sur le lit, juste en face de lui.

— Je dois aller travailler. Ça va toi ? Tu n'as pas trop mal ?
— Si.
— Je suis désolé. Je suis assez brutal quand il s'agit de sexe. Je ne pense qu'au plaisir que je peux éprouver, sans prendre en compte celui de mon partenaire. C'est un défaut chez moi, j'y travaille. Mais je comprendrais si tu ne veux plus me revoir.

Fabien passa sa main dans les cheveux d'Abdel. C'était bon, il craquait.

— Non non, ne t'en fais pas. Ça m'a plu. Alors... je veux bien te revoir.

Un sourire s'étira sur les lèvres de Fabien, qui semblait satisfait. Il prit son portable sur la table basse, et lui donna pour qu'il puisse y entrer son numéro. Abdel s'exécuta, tapant avec énergie les chiffres. Il avait envie de revoir Fabien, il ne savait pas trop pourquoi. Peut-être parce qu'il lui plaisait, tout simplement. Mais il n'aimait pas y réfléchir, alors il se leva et se rhabilla, remarquant à quel point il ne ressemblait à rien en passant devant le miroir de l'entrée, où était resté son boxer et son pantalon. Il se vit les yeux boursouflés, un bleu sur le front qui était en train de se transformer en bosse, sa chemise était ouverte jusqu'à son nombril, n'ayant plus assez de boutons. Il avait l'air d'un taré. Et Fabien devait penser la même chose de lui. Un sourire triste s'afficha sur son visage. Il sortit en même temps que Fabien, l'embrassa pour lui dire au revoir, puis débuta son petit chemin à pied. L'air frais du mois d'octobre lui faisait du bien, ça le réveillait, même s'il savait qu'une fois rentré chez lui, il dormirait comme un loir.

Devant son immeuble, il sortit ses clefs et bipa avec, montant les escaliers pour déboucher dans son appartement. Il se déchaussa, et croisa Abriel dans la cuisine. Celui-ci se tourna vers lui avec un sourire, abandonnant sa vaisselle, mais le perdit dès qu'il le vit. Honteux, Abdel baissa les yeux. Il entendit Abriel accourir vers lui et le prendre par les épaules.

— Bon Dieu mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
— Rien, rien... comme d'hab' quoi, j'ai couché avec un mec !
— Mais merde ! Tu t'es vu ? On dirait qu'on t'a cogné ! Il t'a même mordu partout dans le cou ! Tu as encore du sang séché !

Il dégagea les mains d'Abriel et releva le regard vers lui. Il voyait bien qu'il était inquiet, mais il n'y avait pas de raison. C'était juste de la baise, rien d'autre. Alors certes, un peu brutal, mais pas de quoi en faire tout un drame.

— Je sais. Mais ne t'inquiète pas, ok ?
— Bien-sûr que je m'inquiète ! Ce n'est plus du sexe, c'est de la violence ! Tu n'as jamais évoqué de penchants BDSM avec moi, pourtant on en a déjà parlé, alors je ne pense pas que c'est ça. Ne me dis pas que c'est ton plan cul qui t'a fait ça ! Et que tu consens à te laisser te faire traiter comme ça !
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

Abriel avait raison, ils en avaient déjà parlé quand Abdel avait commencé à sortir le soir, quand il avait à peine dix-sept ans. A chaque fois, il revenait au petit matin, puant le sexe. Abriel avait alors chercher à avoir une conversation avec lui, le mettant en garde contre certains comportements le jour où il était rentré avec des bleus aux poignets. Il lui avait demandé s'il était intéressé par le BDSM, et Abdel lui avait répondu que non. Mais aujourd'hui, il hésitait. Parce qu'il fallait qu'il se l'admette, la brutalité dans le sexe ne le dérangeait pas. Alors peut-être devrait-il revenir sur ses paroles... non. En soit, il n'était pas intéressé par le bondage, la suffocation ou autre. Ce n'était pas ce qu'il recherchait. Il acceptait juste de le faire quand l'occasion se présentait, mais ne courait pas après. Alors il ne devait pas faire partie de cette communauté.

— Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise alors ?
— Que tu es en sécurité. Que tu te protèges, que tu fais ce dont tu as envie et que tu ne te forces pas.

Comprenant le problème et son inquiétude, Abdel esquissa un sourire et posa une main sur son épaule. Abriel semblait se retenir de céder à ses émotions, ça le toucha. Il finit par le prendre dans ses bras, pour le rassurer mais aussi se rassurer lui-même. Il en avait besoin. Parce qu'il avait toujours ce doute tenace qu'il se mentait à lui-même. Mais quand il repensait à sa nuit avec Fabien, il savait que ça lui avait plu. Fabien lui avait plu, et il allait même le revoir.

— Je le suis, je ne me force pas. Ne t'inquiète pas pour moi, je gère.
— C'est juste que... c'est tellement facile de tomber dans une relation toxique, de se faire avoir, je ne veux pas qu'il t'arrive là même chose qu'à moi.
— Je sais.

Abriel était protecteur avec lui, mais il gardait d'habitude ses inquiétudes pour lui. Parce qu'Abdel savait qu'il en avait des inquiétudes à son sujet. Il fallait avouer qu'il avait un parcours assez atypique, et que cela pouvait engendrer une certaine fragilité chez lui. Mais il n'était pas fragile, du moins il l'était plus. Au fil des années, il n'avait pas eu le choix de s'endurcir, pour mieux vivre sa vie. Il n'avait pas eu le choix.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant