7. Les hommes

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Chiheb lui avait tenu compagnie jusqu'à ce qu'il ne doive partir. Il n'avait cessé de se lamenter sur la chance qu'il avait d'aller voir le Abriel De Poirotier, d'à quel point ce serait une honte de refuser son offre. Abdel l'avait écouté avec un sourire, et il ne l'avait plus quitté depuis, alors qu'il traversait son quartier en skate. Il faisait beau, peut-être un peu trop car la chaleur commençait à se faire sentir. Il roulait vite, suffisamment vite pour faire voler ses cheveux courts. Il passa rapidement devant une voiture avant qu'elle ne l'écrase, pour éviter de s'arrêter ce qui lui valut un klaxon. C'était dangereux, et pourtant il aimait ça. Sa vie ne dépendait plus que de lui et de sa compétence. S'il le voulait, il pouvait mourir écrasé, et s'il le voulait, il pouvait survivre. Tout dépendait de lui, il avait le contrôle.

Il sortit son téléphone pour entrer l'adresse du café dans son GPS, jetant de temps en temps des coups d'œil à la route. Il n'était qu'à cinq minutes à vélo, ou en skate dans son cas. Il reconnut l'enseigne et s'arrêta, son père était déjà au café. Il descendit de son skate et alla lui dire bonjour, comme il n'avait pas eu le temps de le voir ce matin. Abderhamane, comme s'il l'avait senti venir, se tourna vers lui quand il arriva et étira un sourire.

— Bonjour mon fils, tu vas bien ?

Abdel prit place à côté de lui, et regarda son téléphone pour constater qu'il avait cinq minutes d'avance. Ça lui laissait tout le temps de parler à son père.

— Ça va et toi ?
— Oui, une journée chargée, comme d'habitude. Tu as bien travaillé ?
— Oui, j'ai fait une rédaction de littérature mais je ne l'ai pas encore finie, parce que Chiheb est venu me voir.
— C'est pour quand ?
— Demain.
— Alors ce soir on ne rentre pas trop tard.

Il hocha la tête, et vit du coin de l'œil Abriel arriver, avec un autre homme, sûrement son copain. Il avait déjà son petit sourire, suffisant pour qu'on voit ses fossettes, les mains dans les poches. L'autre homme, un grand blond avec une barbe de la même couleur, un chapeau sur la tête et habillé tout en beige le suivait de près. Lui aussi avait les yeux clairs, et ressemblait un peu à un cow-boy avec son chapeau. Quand Abriel le vit, son sourire s'agrandit et il prit le bras de l'autre pour le guider jusqu'à leur table. Ils s'assirent, l'air sympathique, et Abdel se sentit mal à l'aise d'être entouré d'autant d'hommes. Ça faisait un trop grand taux de testostérone au mètre carré pour qu'il ne puisse le supporter. Mais bien évidemment, personne ne se rendit compte de son malaise, et Abriel commença :

— Bonjour Abdel. Bonjour Monsieur Mouissat, je suis Abriel De Poirotier, et voici Will Chagnard, photographe. Nous sommes à votre disposition pour toutes les questions que vous avez à nous poser.

Son père détailla longuement Abriel et Will, déjà sur la défensive. C'était tendu, il pouvait le sentir. Abriel gardait une attitude professionnelle et souriante, alors que Will était en train de se rouler une cigarette, l'air très peu intéressé. Abdel se demandait s'il avait vraiment envie de le prendre en photo, ou si c'était juste une lubie d'Abriel. C'était possible, puisqu'au final, Will ne l'avait jamais vu. Peut-être qu'il ne lui plaisait pas, tout simplement. Enfin bon, il n'en savait rien et de toute façon, ça ne changeait rien à cette situation pesante. Une longue minute de silence plus tard, Abderhamane se décida à parler.

— Je vais être honnête avec vous, je suis très retissant de vous laisser mon fils, je ne vous connais pas, et beaucoup de rumeurs circulent sur vous, monsieur De Poirotier.

Abriel encaissa le coup sans leur montrer. Ça lui faisait de la peine, maintenant qu'Abdel connaissait la vérité. Ce n'était pas de sa faute, c'était celle de son manager, ce pervers qui l'avait abusé quand il était encore mineur et qui l'avait forcé à faire des choses horribles. Il ne comprenait pas que la faute puisse être reportée sur lui. Il se doutait bien que son père parlait des photos osées qui circulaient sur le net, mais là encore, il était mineur dessus, et il trouvait ça difficile de rejeter la photo sur lui, plutôt que sur son équipe.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant