22. La déprime

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Lundi

Abdel avait dit qu'il parlerait, et comptait toujours le faire. Mais il avait aussi eu raison de dire qu'il ne le ferait pas tout de suite. Il ne s'en sentait pas capable. Depuis samedi dernier, il ne sortait plus de son lit, où seulement pour manger un peu et aller aux toilettes. Il ne faisait rien d'autres que de coucher ses maux sur papier, dans des poèmes tordus qui ne faisait pas sens. Mais peu importait, c'était ce dont il avait envie pour le moment.

Il n'arrêtait pas de revivre ses expériences traumatisantes avec Monsieur Couvier. Comme si c'était toujours d'actualité, comme si c'était réel. Le plus terrifiant restait qu'il le voyait. Dans un coin de sa chambre, immobile. Parfois il lui parlait. Parfois il s'approchait. Il venait le voir la nuit, dans ses cauchemars, et il se réveillait toujours en sursaut. Comme si un poids lui oppressait la poitrine. Son poids. Le poids d'un adulte qui s'était permis d'abuser d'un enfant.

Il ferma les yeux. Toutes les journées se mélangeaient. Les secondes passaient plus lentement que les heures. Plus rien n'avait de sens. Plus rien. Il resta cloîtré dans sa chambre, à laisser passer les minutes, tout en fixant le plafond. Il n'osait pas regarder ailleurs, ayant trop peur de le voir. Il passait son temps terrifié dans son lit, terrifié qu'il soit réel, terrifié qu'il revienne. Et puis d'un coup, il se revit dans le gymnase où Chiheb faisait sa compétition. Quand Monsieur Couvier l'avait abordé. Quand il l'avait embrassé. Il rouvrit les yeux, il était dans sa chambre.

Il sortit son carnier et se mit à écrire sa confusion et son mal être. Des reproches, des insultes, tout ce qui lui passait par la tête. On toqua à sa porte, mais il ne répondit pas. Hanan ouvrit tout de même la porte, une assiette à la main.

— Tiens mon grand, mange un peu.

Il regarda l'assiette sans appétit. Il avait plutôt envie de vomir actuellement. Sa mère déposa l'assiette sur la table de chevet quand elle comprit qu'il ne répondrait pas, et partit le regard triste. Il s'en voulait de se montrer si faible, surtout devant sa famille. Léo passait encore, mais ses parents... non, il ne s'y ferait jamais. Et puis il y avait Chiheb. Chiheb qu'il voyait d'habitude presque tous les jours, et pour qui il faisait le mort depuis quelques jours. Il ne doutait pas qu'il plongeait son ami dans une grande confusion, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il ne voulait pas qu'il le voit dans cet état.

L'odeur de la nourriture lui donnait envie de vomir, alors il se leva et alla directement dans la salle de bain, vomissant de la bile. Il ne savait pas depuis combien de temps il n'avait pas manger mais ça faisait plus de vingt-quatre heures. Il se déversa longtemps, et puisa dans ses réserves d'énergie pour se brosser les dents, ne supportant plus le goût dans sa bouche. Il retourna aussitôt se coucher et s'endormît, allant dans un monde empli de cauchemars, de souvenirs.

Il se réveilla tout patraque, en entendant un bruit inhabituel dans sa chambre. Le soleil était haut dans le ciel, et s'il se fiait à l'heure sur le réveil, il était dimanche, onze heures. Il cligna plusieurs fois des yeux avant d'identifier le bruit, et voir Chiheb en train de gratter sa guitare sèche. Il ne faisait pas attention à lui, et jouait un air doux, presque une berceuse. Sans le vouloir, il fut irrité de voir Chiheb dans sa chambre. À tous les coups, il avait dû frapper à sa porte, et ses parents lui avaient ouverts, pensant que ça lui ferait du bien. Mais ils s'étaient trompés, c'était même pire. Il se sentait pitoyable. Et ne voulait pas que Chiheb assiste à ça.

Il sortit tout de même ses pieds de son lit, les posant sur le parquet. Ce n'était qu'à ce moment-là que son ami redressa la tête et s'aperçût qu'il était réveillé. Un sourire timide s'échoua sur ses lèvres et il s'excusa :

— Désolé, je ne voulais pas te réveiller.
— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il était agressif, ne pouvant pas faire autrement. C'était le seul mode de communication qu'il arrivait à prendre. C'était minable, mais c'était son humeur. Chiheb perdit son sourire, mal à l'aise.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant