28. Les remparts

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Mercredi

Marchant dans les rues de Lyon, Abdel rejoignait Haziel, Chiheb, et Najate dans un café. Ils avaient tous convenus d'un rendez-vous, Chiheb et Haziel ayant apprécié de se rencontrer à la soirée. Sur le papier, c'était une bonne idée. Mais Abdel angoissait. Parce que c'était la première fois qu'il revoyait Haziel depuis la soirée. Cette soirée où il avait fait une crise et une grosse connerie. Malgré les paroles encourageantes de Léo et Chiheb, il continuait à s'en vouloir. Il voyait bien que ses parents lui en voulaient encore. Hanan n'osait plus le regarder et Abderhamane gardait souvent le silence. Ça lui faisait mal, il n'avait pas voulu que les choses changent. Ou peut-être que si, mais pas dans ce sens-là. Il n'arrivait pas à identifier ce qu'il cherchait, mais il cherchait quelque chose, ça c'était sûr.

Il n'avait toujours pas demandé à ses parents de lui racheter un skate. Il trouvait le moment trop mal choisi pour ça. D'autant que ses parents agissaient aussi bizarrement l'un envers l'autre. Abriel n'était peut-être pas étranger à ça. Après tout, Hanan ignorait tout de son existence. Seul Abderhamane était au courant et gardait la confidence. Il se doutait qu'apprendre que son mari lui cachait des choses vis à vis de son fils l'avait perturbé. Il n'avait jamais voulu semer la discorde entre ses parents, il les avait toujours vu comme un couple parfait.

De ce qu'il savait, Abderhamane avait rencontré Hanan un an après que son ex-femme l'ait mis à la porte. Il était désemparé, il venait de perdre son fils et de replonger dans l'alcool. Un soir au bar, avec des amis, il a croisé Hanan. Ses amis lui ont dit pour la blague d'aller la draguer et il l'avait fait. Elle s'était montrée très gentille avec lui, et lui avait de suite plus. Ce qui avait commencé par une plaisanterie a pris en sérieux quand ils ont commencé à se revoir puis à se fréquenter. Puis la question d'un nouvel enfant s'est posée, mais impossible pour Hanan de tomber enceinte. Après examen, les médecins lui avaient déclaré qu'il n'y avait que très peu de chance pour elle de tomber enceinte du fait d'une constitution fragile. Abderhamane l'avait accompagné dans cette épreuve, et ils n'en étaient ressorti que plus soudés. Mais quelques années plus tard, le ventre d'Hanan avait fait des siennes. Elle avait d'abord été traitée pour des nausées, avant que tous ne comprennent qu'un bébé se tramait là-dessous. Et il était né, il était le miracle de ses parents.

Il arriva devant le café où il avait rendez-vous. Il n'y avait pour le moment que Najate, assise en terrasse et pianotant sur son téléphone. Quand il s'assit en face d'elle, elle releva son regard surligné d'un trait d'eye-liner, et étira un sourire.

— Bonjour Abdel, comment tu vas ?
— Ça va et toi ?
— Et depuis la dernière fois ? Tu n'as pas eu trop d'effets secondaires ?

Il saisit que Najate était plus intéressé par une conversation sérieuse qu'une discussion d'accueil, ce qu'il comprenait parfaitement. Il avait bien merdé sur ce coup-là, il leur devait bien des explications.

— Non, je n'en ai pas vraiment eu. J'étais juste... très en colère et angoissé pendant, mais le lendemain ça allait.
— Je suis soulagée alors. Ça aurait pu mal finir. Mais dis-moi, pourquoi tu as pris de la coke pour commencer ?

Question trop précise, trop visée pour lui. Il bafouilla, un sourire gêné au visage. Il cherchait ses mots, mais aucun ne convenait vraiment.

— Je crois que... j'avais besoin de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, si tu vois ce que je veux dire. J'avais aussi besoin de courage, mais je ne l'ai pas vraiment eu, alors... ça n'a servi à rien.

Najate hocha la tête, l'air très concentré et stricte avec ses sourcils froncés. Elle semblait en pleine réflexion, ses neurones s'activant à vive allure.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant