18. L'avenir

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Samedi

Il ouvrit les yeux, le dos endolori, en entendant du bruit. Il sentait une odeur de pain grillé, et compris que Chiheb devait préparer à manger. Il se frotta les yeux, profitant de son cerveau encore endormi pour ne pas penser à ce qui l'attendait aujourd'hui. Il soupira, déjà agacé, et se leva pour aller saluer Chiheb.

— Désolé, je t'ai réveillé ?
— T'inquiète.

Il alla aviser les tartines de beurres sur la table sans appétit. L'idée de devoir aller au poste de police lui coupait toute envie de manger. Il s'assit tout de même et croqua dans une tartine, juste pour faire plaisir à Chiheb. Mais il savait d'avance qu'elle serait la dernière. Chiheb s'assit en face de lui, l'air tranquille. Il l'enviait, lui qui n'avait aucun problème immédiat.

— Tu as bien dormi ?

Abdel haussa les épaules sans lui retourner la question. En vérité, il avait passé une nuit infernale, à se réveiller cauchemar après cauchemar, pleurant de tout son être à chaque fois. Heureusement pour lui, il savait pleurer discrètement, et n'avait pas réveillé Chiheb. Il attrapa une boîte de mouchoir qui traînait par-là, et se moucha pour cacher les restes de ses délires nocturnes.

— Tu sais...

Il releva la tête vers Chiheb, le mouchoir toujours contre son nez.

— Je t'ai entendu pleurer cette nuit. Plusieurs fois.

Ok, il avait mal pensé. Chiheb avait tout entendu. Il soupira, ne voyant pour où il voulait en venir. Il se sentait comme le pire être au monde, à s'être laissé aller de la sorte. Mais en plus quelqu'un, Chiheb qui plus est, en avant été témoin. Décidément, rien n'allait.

— Tu... comment tu vas ?
— À ton avis ?

C'était sec, c'était méchant, mais il n'avait rien trouvé à dire de plus. Comment pouvait-il aller ? Mal, évidemment. Il vivait tout un mélange d'émotions négatives qui finiraient par avoir sa peau. La seule option pour lui était d'oublier, oublier tous ses problèmes. Un voile d'horreur s'était posé sur sa vie. Il ne lui restait plus qu'à trouver la sortie, mais il n'en n'avait pas la force. Alors il fermait les yeux.

— J'essaye juste de parler avec toi.
— Je sais mais... j'ai pas envie d'en parler, ok ?
— Ok...

Il ne voyait pas à quoi cela servait de s'épancher là-dessus. Abriel avait été attaqué à acide par sa faute, point. Il ne desserrerait par les dents, il n'abandonnerait pas sa culpabilité. Ce serait trop injuste pour Abriel. Lui n'avait pas été blessé dans sa chair, il n'avait pas le droit d'être malheureux. Il devait juste fermer sa gueule et prendre ses responsabilités. Et en l'occurrence, aller au poste de police. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas expliquer qu'il le connaissait. Il ne voulait pas leur dire qu'il couchait avec lui. Il ne voulait pas leur dire qu'il n'avait pas pu protéger Abriel. Il voulait rester chez Chiheb, peut-être dans ses bras, à faire comme d'habitude : vivre une vie aussi insouciante qu'insignifiante.

Chiheb finit par manger ses tartines sans l'emmerder, alors qu'Abdel avait fini la seule et l'unique. Son estomac avait déjà envie de tout rejeter. Il n'aurait pas dû manger, sachant pertinemment que son ventre était trop brouillé pour manger. Pour se distraire, il regarda Chiheb manger son pain de mie, le moins qu'il pouvait dire était qu'il ne savait pas manger. Il n'arrêtait pas de faire tomber des miettes, et avait les lèvres grasses. Il serait presque tenté de l'embrasser pour essuyer tout ça. Depuis qu'il l'avait retrouvé, cette envie de l'embrasser était presque permanente. Plus il y réfléchissait, moins il n'y comprenait quelque chose. C'était courant pour lui d'être attiré par de nombreux hommes. Mais pour coucher avec eux, pas pour de la romance. Il ne dirait pas non contre coucher avec Chiheb, mais il avait envie de plus qu'une simple nuit pour ensuite jouer aux étrangers. Il voulait rester avec lui. Peut-être cela venait il du fait qu'il était déjà tombé amoureux de lui, même s'il ne s'agissait que d'amour adolescent. Il n'était plus un adolescent, il devrait pouvoir gérer ses émotions.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant