15. Le deuil

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Mardi

Il  ne savait pas combien de temps il était resté par terre, mais quand il  reprit ses esprits, il entendait des cris au loin et voyait le visage  d'Hymen penché vers lui, un sourire doux au visage qui le rassura  aussitôt. Il préférait ça plutôt qu'un regard inquiet qui lui criait  qu'il avait un problème. Quand elle le vit ouvrit les yeux, elle passa  une main dans ses cheveux noirs avec douceur, comme on le ferait avec un  enfant. Il soupira, sentant sa tête lui faire. Et puis, d'un coup,  comme ça, tout lui revint. Sa première crise, puis Samuel, sa violence,  et enfin la deuxième crise. Il n'avait jamais été touché par deux crises  d'angoisse deux fois de suite, il n'avait jamais été étranglé. Cet  anniversaire avait viré au cauchemar. Il se sentait mal, terriblement  mal, mais il n'osait imaginer dans quel état était Chiheb. C'était  surtout pour lui qu'il était inquiet. Parce que sa crise était passée,  mais pas celle de Chiheb qu'on entendait crier.

Hymen  caressait toujours son crâne, lui chuchotant des phrases rassurantes.  Mais ça ne lui faisait rien, il était encore sous le choc et avait du  mal à réaliser. Est-ce que Samuel se comportait toujours comme ça ? Et  surtout avec Chiheb ? Il espérait de tout cœur se tromper. Mais après ce  qu'il s'était passé, il avait de gros doutes. S'il avait été plus fort,  il lui aurait dit sa façon de penser, il se serait défendu. Mais il  n'était qu'un pauvre petit garçon sans défense, incapable de refuser  qu'on l'agresse.

Il  sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux, qu'il refoula avec  rage. Il en avait assez de pleurer pour un rien, il en avait assez  d'être aussi faible. Il se redressa pour s'assoir, et massa sa tête à  l'endroit où il s'était cogné. Il n'y était pas allé de main morte...

— Je suis désolée.

Il releva la tête vers Hymen, l'écoutant en continuant.

—  Que ce se soit passé comme ça je veux dire. Samuel n'aurait jamais dû  s'en prendre à toi. Il nous a dit qu'il allait voir si tout allait  bien... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Je ne sais pas, j'étais au  toilette et quand je suis sorti, il était là. Il m'a dit que je voulais  détourner Chiheb de lui et il m'a étranglé...

Hymen pesta, visiblement très en colère.

— Quelle brute ! J'arrive pas à y croire, j'espère qu'il ne fait pas pareil avec Chiheb !
— J'espère aussi... j'ai vraiment cru que j'allais mourrir.
—  C'est finit maintenant. Et avec ce qu'il s'est passé, je doute qu'il  remette les pieds ici avant un moment. Enfin j'espère. Mais je n'ai  jamais vu Chiheb aussi remonté, alors peut-être même que ce sera  définitif.

Il hocha  la tête, lui aussi plus d'espérance. Les cris cessèrent et la porte  claqua. Quelques secondes plus tard, Chiheb se tenait devant eux, les  yeux et le nez dégoulinant, pleurant comme un bébé. Au moins il n'était  pas le seul. Il resta plante tout droit, fixant Abdel.

— Je suis vraiment désolé. Ça n'aurait jamais dû se produire.

Des  sanglots bruyants le prirent et il alla directement se réfugier dans  les bras de sa sœur. Abdel se sentit de trop dans tout ce désespoir,  alors que Chiheb répétait en boucle :

— Il ne reviendra plus, il ne reviendra plus.

Il  comprit qu'il venait de rompre avec Samuel, mais ne parvint pas a s'en  attrister. Il leur avait fait trop de mal pour qu'il n'y arrive. Et  puis, même si c'était douloureux, ça restait une bonne chose. Ce mec  était mauvais, il en avait désormais la preuve. Pensant qu'il n'avait  plus sa place à cette soirée désastreuse, il se releva pour rejoindre  l'entrée, où il mit ses chaussures. Quelque part, Chiheb venait de  perdre son copain par sa faute, il devait lui en vouloir, et Abdel ne  voulait pas lui imposer sa vue. Il en avait assez fait pour aujourd'hui.  Mais au moment d'ouvrir la porte, une voix tremblante dans son dos le  fit sursauter :

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant