31. Le soin

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Mardi

Plus rien n'était pareil. Depuis que Chiheb avait manqué de le mettre à la porte, ils ne se parlaient presque plus. Bonjour-au revoir, en sommes. Abdel ne savait pas comment réparer leur relation. Ce n'était pas avec un peu de scotch qu'il allait y arriver. La veille, il avait fait des efforts, en nettoyant tout l'appartement et en préparant à manger pour soulager Chiheb mais aussi pour se faire pardonner. Ça n'avait pas marché. Ce n'était pas étonnant, Chiheb avait beaucoup de mal avec la drogue, et Abdel avait dépassé les bornes dans ses propos. Il regrettait, il passait ses journées à regretter. Alors même qu'il avait conclu avec Chiheb le pacte de ne plus rien regretter. Abdel en était encore loin.

Alors quand Chiheb rentra, il l'attendait assis sur son lit. Son ami retira sa veste en l'ignorant, posant son sac et sortant son ordinateur pour travailler. Comme Abdel s'y attendait, il ne lui accorda aucun mot. Alors il soupira, et prit lui-même la parole :

— Chiheb ?
— Je travaille.
— On peut parler ?
— Non.

Il était clair, mais Abdel n'allait pas laisser tomber les choses aussi facilement. Ça lui tenait trop à cœur pour ça.

— Si, il faut qu'on parle. Tu insistes depuis une semaine pour que je parle avec toi, avec Will, alors maintenant c'est toi qui dois parler.

À son tour, Chiheb soupira et se massa les tempes. Il avait l'air fatigué de sa journée, mais Abdel n'allait tout de même pas attendre le week-end pour lui parler. C'était trop long, et trois jours dans cette situation n'étaient pas tenables.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

Qu'il lui redise qu'il l'aimait, qu'il lui pardonne, qu'il l'accepte totalement chez lui.

— Je ne sais pas, ce que tu as sur le cœur. Je vois bien que tu me fais la gueule.
— Ce que j'ai sur le cœur ? Je n'ai rien sur le cœur. C'est juste toi qui es complètement inconscient.
— Quoi ? Parce que je prends de la coke de temps en temps ?

Chiheb se leva pour lui faire face, le regard sévère et le doigt accusateur :

— Oui ! Et en plus tu assumes ! Tu pourrais gâcher ta vie avec cette merde, est-ce que tu t'en rends au moins compte ?
— Je gères.
— Tu gères rien du tout ! C'est impossible de gérer des prises de drogues, ça se trouve tu es déjà accro !
— Je n'ai pas de symptômes de manque, tu sais.

Abdel faisait de son mieux pour rester calme. Il n'avait pas envie d'envenimer encore plus les choses, c'était hors de questions.

— Pour combien de temps ? Tu penses un peu à ce que ça fait à ton entourage de te voir dans cet état ?
— Je croyais que je devais vivre que pour moi.
— Ça ne veut pas dire ne penser qu'à ta gueule !
— Je ne pense pas qu'à moi ! Je passe mon temps à me soucier des autres.
— C'est faux.

Abdel laissa tomber sa tête dans ses mains. Peut-être que ça ne se voyait pas, mais il s'inquiétait énormément pour son entourage. S'il ne laissait pas transparaître son stress dans ses gestes, ses pensées n'étaient pas pour autant épargnées. C'était injuste d'être accusé d'être égoïste, pas après toute l'angoisse qu'il ressentait pour ses proches. Il n'avait qu'à voir dans quel état la tragique attaque qu'Abriel avait subie l'avait mis. Il savait que ça resterait un traumatisme chez lui, qui sera difficile à surmonter. Toutes les nuits, il revoyait Abriel s'effondrer. Il ne pensait pas qu'à sa gueule, mais il faisait au mieux. Chiheb poursuivit :

— Se préoccuper des autres ne suffit pas, il faut le prouver.

A croire que Chiheb avait lu dans ses pensées. Abdel serra la mâchoire, sachant très bien qu'il avait raison. Ses actes étaient égoïstes, il ne pouvait pas le nier. Comme cacher un abus sexuel à ses parents pour ne pas souffrir. Comme sortir tous les soirs sans passer de temps avec Abriel et Will. Comme embrasser Anissa juste pour mettre en rogne Fabien. Comme coucher avec Timothy pour provoquer Chiheb. Il avait toujours fonctionné comme ça. Ce n'était pas pour une mauvaise volonté, mais parce qu'il ne savait pas faire autrement. S'il ne pensait pas vraiment à son propre bien, il cherchait toujours à se protéger d'une quelconque menace, mettant les attaches de côtés. Il avait commencé quand il avait dix ans, il avait le double maintenant, comment changer d'attitude ? Pitoyable, il se lamenta :

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant