1. L'oiseau bleu

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Lundi

Il se réveilla doucement, encore dans les vapes. Il n'ouvrit pas les yeux, restant à profiter de son état de somnolence. Il était calme, apaisé, mais il savait très bien ce qu'il s'était passé cette nuit. Il avait encore fait des cauchemars. Mais il n'était plus un enfant, il savait faire la part des choses entre le réel et l'imaginaire. Toute cette histoire était derrière lui, il allait se l'avant. Mais les cauchemars ne partaient pas pour autant. Ils étaient là, cachés sous les lits, à attendre qu'il ferme les yeux. Il savait faire avec, mais ça lui mangeait une énergie considérable. Il s'étira, allongeant ses membres et faisant craquer son dos. C'est seulement après ça qu'il s'autorisa à ouvrir les yeux. Il tomba nez à nez avec un inconnu, et il était dans la chambre d'un autre. Il se releva, faisant travailler sa mémoire.

Et puis ça lui revint. Une nuit de folie. Il était sorti en boîte et avait rencontré ce gars, Mohammad, et ils avaient fini au pieu. Il repensa à toutes les dingueries qu'ils avaient fait en se touchant les lèvres, souriant. Ça avait été intense, il n'allait pas mentir. Mohammad l'avait baisé comme un dieu. Abdel savait qu'il était beau, et qu'il plaisait. Il en avait fini des complexes, et s'assumait comme il était. Il assumait ses cheveux longs, ses yeux tombants, la bosse sur son nez, ses lèvres pleines et son visage fin. Ça lui faisait un bien fou, d'arrêter de se cacher, de se prendre la tête. Parce que maintenant il avait vingt ans, et toutes ses dents. Il était un adulte, les adultes n'avaient pas peur d'eux-mêmes.

Il se leva, encore nu et souillé et fit comme chez lui. Il fila directement sous la douche, abusant quelque peu du gel douche coco de Mohammad. Il aimait prendre soin de lui, de son corps, de ses cheveux. Et par chance, le gars avait même un masque à l'avocat. Il l'étala sur les pointes de ses cheveux courts, avant de se rincer la tête. L'eau brûlante coulait sur ses joues. Ça lui rappelait l'enfant pleurnichard qu'il avait été. Aujourd'hui, il ne pleurait plus. Il s'était endurci, par la force des choses. Avec tout ce qu'il se trimballait sur le dos, il n'avait pas vraiment eu le choix. Mais finalement, il en était ressorti plus fort, et c'était tout ce qui importait. Il finit par couper l'eau et sortir de la douche. Il se brossa les dents avec la brosse de Mohammad, ébouriffa ses cheveux, et se regarda dans le miroir, souriant à pleine dent. Cette journée commençait bien.

Il sortit de la salle de bain et alla se faire du café. Vu la machine, il n'allait pas être bon. Mais ça ferait l'affaire. De toute façon, il n'avait pas envie de s'éterniser, mais bien de rentrer chez lui, tout en prenant le temps de bien se réveiller. Alors qu'il regardait le liquide chaud couler dans une tasse blanche, des mains l'agrippèrent par les hanches et il fut plaquer sur le plan de travail. Il esquissa un sourire. Mohammad n'avait rien perdu de sa bestialité de la veille. Un corps se colla contre le sien, il pouvait sentir sa peau nue contre la sienne, le réchauffant. Mais Mohammad était encore tout crasseux de leur nuit agitée, alors qu'Abdel venait de prendre une douche. Alors d'un mouvement de bassin, il le fit reculer, sentant bien son excitation contre ses fesses.

— Tu vois l'effet que tu me fais ?

Ça, il voyait bien, ou du moins, il le sentait. Surtout quand il se retourna pour lui faire face. Mohammad n'était pas beau, et ne lui plaisait même pas. Mais pourtant, quand il était venu l'aborder, Abdel avait directement su où ça allait se terminer. Dans son lit. Et il ne s'était pas trompé. Mohammad le saisit par la gorge et approcha leurs visages pour l'embrasser avec ardeur, se frottant contre lui. Le café devait être prêt, alors Abdel le repoussa à nouveau, et s'empara de la tasse.

— Quoi ? Tu veux pas ?

Il prit une gorgée. Même sa voix n'était pas belle. Trop aiguë à son goût. Il n'allait pas tarder à s'éclipser, surtout avec un mec en chaleur dans la pièce.

— Il va falloir faire sans moi sur ce coup-là.

Il but le reste de son café cul sec et se rendit dans la chambre pour se rhabiller, cherchant ses vêtements les uns après les autres, dans chaque coin de la chambre. Mohammad l'avait suivi, et le regardait par la porte.

— Allez mec, une fois encore ! T'as plus rien dans les couilles ou quoi ?

Mettant son caleçon, Abdel se tourna vers lui et lui lança un regard noir. Cela suffit à Mohammad pour éclater de rire et s'approcha de lui à nouveau, l'attrapant par le bras. Il avait de la poigne, c'était le moindre qu'on puisse dire. Il le serrait fort, il allait avoir la trace de ses doigts pour les minutes qui allaient suivre. Son regard fut attiré par sa main qui le serrait, alors que l'homme lui embrassait l'épaule.

— Tu es tellement beau...

Il n'en avait que faire. Il voulait juste se casser d'ici et retrouver sa chambre. D'autant qu'il était attendu cette après-midi, il n'avait plus de temps à perdre. Il sentit une main lui attraper les fesses.

— Tu es tellement doux...

Sa voix insupportable était chuchotée à son oreille, lui provoquant des frissons. Mais pas de plaisir, plutôt de dégoût. Il commençait à s'impatienter, et Mohammad qui ne le lâchait toujours pas.

— Tu es tellement tendre...

Il leva les yeux au ciel, agacé. Cette discussion à sens unique ne menait à rien, il avait juste envie de se casser d'ici.

— Tu es tellement chaud...

Il savait que Mohammad cherchait à l'exciter, mais ça ne marchait pas du tout. Il avait plutôt l'impression d'être comparé à un animal de compagnie. C'était peut-être le cas, en fin de compte. Comme eux, on le laissait sur le bas-côté de la route avec une grande facilité. Il n'allait pas s'en plaindre, ça lui convenait. Mais au fond de lui, il voulait un peu de tendresse. Juste le minimum.

— Maintenant que j'ai goûté à ta peau, je suis accro, je ne pourrais plus m'en passer.
— Ne t'inquiète pas, tu vas t'en remettre.

Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait avec un mec ou une meuf entiché de lui. Et à chaque fois, c'était pareil. Il avait droit aux cris, aux larmes, à tout le tralala et ça l'agaçait. Il était sans attache, et désirait le rester.

— Tu ne vois pas l'effet que tu me fais ?

De la main du bras qu'il tenait, il lui fit lui toucher sa bite, alors qu'il malaxait toujours sa fesse.

— Et alors ?
— Tu ne peux pas partir et me laisser comme ça ! De toute façon, je ne te laisserai pas partir.

Abdel soupira, rendant les armes. Il abdiquait, une fois encore.

PHOBIA TO EUPHORIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant