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JeudiIls arrivèrent devant l'hôpital. Abdel avait la boule au ventre, ne sachant pas trop à quoi s'attendre. Il n'était jamais allé aux urgences, et n'avait jamais consulté de psychologue ou psychiatre. Il tenait fermement la main de Chiheb, qui pleurait toujours. Ils finirent par entrer, et se dirigèrent vers l'accueil. Comme Abdel était incapable de le faire, Chiheb expliqua les raisons qui les amenaient ici, puis Abdel donna ses informations personnelles, sa carte vitale et sa mutuelle. De là, il se sépara à contre cœur de Chiheb qui, il le savait, allait rester toute la nuit dans la salle d'attente.
Un infirmier le fit monter sur un brancard, et l'emmena dans un box. Puis revint le chercher pour le placer dans un autre box, d'une autre salle. Il dut expliquer mainte et mainte fois ce qu'il s'était passé, mais il ne savait toujours pas trop quoi dire. Il restait évasif, ce qui énervait le personnel soignant. On le changea et mit toutes ses affaires dans un sac en plastique. Son bras fut désinfecté, et bandé à nouveau. Maintenant, il se retrouvait dans un box parmi tant d'autres, et entendant de nombreuses respirations. Il se sentait mal et stupide. Mais tellement stupide. Pourquoi avait-il fait ça ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il ne s'en souvenait même plus. Il avait peut-être gâché ses chances de carrière, gâcher l'avenir qu'Abriel lui avait construit. Il avait trahi la confiance de ses proches, et s'était fait du mal pour rien. C'était tellement stupide. Il ne savait pas ce qui lui était passé par la tête. La nuit était tombée, mais il était encore tôt. Il eut droit à un repas, des pâtes molles avec une tranche de porc, qu'il mangea sans envie. Juste pour s'occuper. Il n'y avait rien à faire ici, il allait devenir fou. Si avant, il n'était pas contre une hospitalisation, se retrouver aux urgences avait tout bouleversé. Maintenant qu'il voyait à quoi ça ressemblait, il ne désirait plus qu'une chose : sortir.
Une fois le repas terminé, il tenta de dormir pour faire passer le temps. Il ne verrait un psychiatre que le lendemain, ça allait être long. Mais impossible de fermer les yeux, ils restaient inlassablement ouverts. Il se sentait trop coupable pour dormir, et ne cessait de penser à Chiheb, qui devait attendre à l'hôpital. Alors il demanda à aller chercher son téléphone, ce qui lui fut autorisé, et il envoya un message à Chiheb.
Chiheb
Désolé pour ce
qu'il s'est passé_La réponse fut immédiate.
Chiheb
Désolé pour ce
qu'il s'est passé__ Ne t'excuse pas,
c'est moi qui suis
désolé de ne pas
avoir vu que tu
allais si malTu ne pouvais pas
savoir, c'est moi qui
suis responsable
de mes actes__ Oui mais j'aurais
dû être là pour toiArrête de t'en
vouloir, ça ne
sert à rien __ Alors faisons
un pacteUn pacte ? _
_ Dès à présent, on
arrête de s'en
vouloir pour tout.
On fait le choix de
vivre pour nous et
de ne rien regretter.
On arrête de s'en
vouloir d'avoir fait
du mal, on arrête
de s'en vouloir
d'avoir fait confiance
à la mauvaise
personne. On arrête
de s'en vouloir de ne
pas être là l'un pour
l'autre tout le temps.
On s'assume tel qu'on
est et on ne regrette
plus rien, on cherche
juste à s'améliorerMarché conclu _
Ils changèrent de sujet, parlant désormais d'anecdotes en tout genre. Abdel avait un sourire aux lèvres, heureux de parler avec légèreté à Chiheb. Il passa la nuit sur son téléphone, l'éteignant qu'au petit matin, quand il n'avait presque plus de batterie. On lui apporta son petit déjeuner, lui laissant le choix entre du pain et des biscottes. Il prit les biscottes. Il mangea sans grand appétit, encore une fois, plus pour s'occuper qu'autre chose. Il voulait encore parler à Chiheb, mais s'il voulait garder un peu de batterie pour lui dire quand il sortait, il fallait qu'il l'économise. La matinée passa lentement, très lentement. Il resta dans son brancard à ne rien faire, juste à se trouver incroyablement bête, puis vint le repas de midi, et toujours rien. Ce ne fut que dans l'après-midi qu'une psychiatre vint le voir. Elle semblait complètement dépassée, alors il fit de son mieux pour résumer la situation. Il lui parla d'Abriel, de Fabien, mais aussi de ses parents, de Will, de Kahre, de Chiheb. Et rien que le fait de vider son sac, il y voyait plus clair dans cette histoire. Il voyait ses responsabilités, mais aussi là où il n'en avait pas.
Quand la psychiatre lui demanda s'il voulait être interné ou non, il répondit qu'il voulait sortir, et il s'en fut. Après une heure à attendre la paperasse, il put enfin sortir, et envoya un message à Chiheb, pour lui dire qu'il l'attendait devant la grande porte. Il le vit arriver en courant, et sourit. Mais plus il avançait, moins il ralentissait et leurs corps finirent par se percuter violemment, Abdel le réceptionnant comme il put. Chiheb lâcha un rire léger, avant de se séparer de lui et lui sourire :
— Tu ne m'as jamais autant manqué !
Abdel pouffa, mais il devait bien le reconnaître, il ressentait la même chose. Mais bien vite, Chiheb repris son air sérieux, et lui dit :
— Je t'emmène à l'hôpital.
Abdel comprit aussitôt et soupira.
— Je ne veux pas aller voir Will. Pas tout de suite.
— Plus vite tu auras mis au clair cette histoire mieux ce sera !
— Tu oublies que je suis malade. C'est trop dangereux pour Abriel.
— T'as raison...Chiheb réfléchi, puis affirma :
— Ok, on va pas à l'hôpital. Mais tu l'appelles.
— D'accord.Connaissant Chiheb, il ne l'aurait pas lâché de toute façon. Abdel finissait toujours par lui donner raison. Ils se mirent en route vers le métro, courant pour ne pas le rater et rigolant en se prenant les portes. Une fois arrivés dans l'appartement, Abdel agrippa Chiheb et l'embrassa. Il en avait rêvé toute cette nuit sans sommeil, sentant encore le goût de ses lèvres sur les siennes. Il avait enfin ce qu'il voulait. Et il voulait Chiheb. Mais encore une fois, il le repoussa, et lui redit :
— Je t'ai dit, je ne profiterai pas de ton mal-être.
— Je me sens mieux maintenant.
— Abdel, tu sors à peine de l'hôpital, c'est glauque.Encore une fois, Abdel abdiqua, comprenant son point de vue. En effet, il lui sautait dessus à chaque fois qu'il y avait un problème. Et même s'il était guidé par ses désirs, Chiheb ne pouvait pas le savoir. Alors il leva les mains, et recula dans l'appartement, retirant sa veste. Il n'empêchait, il avait sacrément envie de l'embrasser. Et il ne savait même pas pourquoi. C'était comme devenu un besoin urgent pour lui.
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PHOBIA TO EUPHORIA
RomanceAbdel n'allait pas bien, il était hanté. Il était seul, appréhendait la vie difficilement et ne parvenait pas à se défaire de ses angoisses. Mais sa vie était sur le point de basculer au fil des rencontres qu'il fit, pour le meilleur et pour le pire.