CHAPITRE 30 : Bain de minuit

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Deux ans plus tard.

—    Mumm, c’est tellement bon, s’extatisa Alexander en mangeant un muffin au chocolat.

Je le fusillais du regard. Aujourd’hui était la date de notre pari, jour pour jour. Mon meilleur ami se faisait un malin plaisir de me narguer en mangeant son muffin. J’en salivais.

Je soupirais, rattrapé par la triste réalité. En deux ans, rien n’avait changé entre Mira et moi. A vrai dire, elle était étonnement distante, surtout ces derniers jours. Depuis notre escapade en ville, nous ne nous étions plus embrassés.

J’avais atteint un stade où j’étais obliger de dire adieu aux cochonneries à cause de mon inexpérience en matière de séduction. Alexander m’avait conseillé de rester moi-même et c’était ce que j’avais toujours fait.

J’expirais l’air de mes poumons bruyamment, dépité. J’enfuis ma tête dans mes genoux, recroquevillé sur moi-même comme un enfant puni.

—    Pourquoi je n’y arrive pas ? pleurnichais-je.

Alexander gloussa, jubilant de mon triste sort. Non seulement je voyais de moins en moins Mira mais en plus je n’avais même pas la nourriture pour me réconforter.

—    Il faut que tu sois cash, me conseilla mon ami. Dis-lui ce que tu ressens et ce que t’aimerais lui faire.

Il me donna des coups dans les côtes, me faisant un clin d’œil tout en souriant. Il était vrai que parfois – ou peut-être souvent – le visage de Mira apparaisse dans mon esprit lorsque je…je fais des choses d’adultes, tout seul dans mon lit.

—    Je ne vais quand même pas lui dire que je veux faire ma première fois avec elle !

—    Et pourquoi pas ? Dans une relation, il ne faut aucuns secrets. Ça vaut pour les couples mais aussi pour l’amitié. Vous êtes amis, n’est-ce pas ?

J’hochais la tête à contre cœur, n’acceptant pas la réalité. Je voulais être plus pour elle. Je voulais être celui qui se couche à ses côtés avant de dormir, je voulais être celui la protège, celui qui l’aime comme personne ne l’a jamais fait.

Je soupirais, levant la tête vers le ciel bleus de l’été. Nous étions en juillet et heureusement que nous étions à l’ombre, sinon nous grillerons comme des saucisses sur un barbecue.

—    Tu pars bientôt, non ? changeais-je de sujet.

Alexander allait bientôt avoir dix-huit ans, autrement dit, il quittera définitivement l’orphelinat dans quelques mois. J’étais attristé par son départ mais je ne pouvais m’empêcher de penser à Maya. La pauvre allait être dévaster.

—    On passe tous par là si on ne se fait pas adopter, rétorqua-t-il en jetant le papier de son muffin dans l’herbe.

Je me pinçais les lèvres. J’étais déjà triste alors qu’il n’était même pas encore parti.

—    Qu’est-ce que tu feras une fois dehors ? Tu n’auras ni logement, ni travail.

Il prit une grande inspiration, sortant de sa poche une allumette et une cigarette. Il l’apporta à ses lèvres avant de l’allumer.

—    Je trouverais déjà une solution, ne t’inquiète pas pour moi. Et puis, même si je ne serais plus la bienvenue ici, je trouverais quand même un moyen de venir te voir.

Instinctivement, je me grattais la nuque. J’étais nerveux à l’idée de me retrouver seul ici. J’étais inquiet pour lui, il allait se retrouver seul dans le vrai monde.

—    J’ai déjà trouvé quelqu’un à l’extérieur qui m’hébergera, Kandinsky.

Il posa sa main sur mon bras pour faire cesser mes grattements. Je me détendis légèrement mais mes inquiétudes ne se taisaient pas.

—    Ecoute, ne pense pas à ça. On vie au jour le jour nous, pas vrai ?

J’acquiesçais. Un silence s’installa entre nous. C’était agréable, le jardin était vide à cause de la chaleur qu’il y avait à l’extérieur. Seuls les oiseaux chantaient, créant une atmosphère nostalgique.

Alexander écrasa sa cigarette avant de balancer son mégot dans l’herbe. Celui-là ne cessera jamais de polluer.  

—    Il y a un bain de minuit organisé dans le lac près de l’orphelinat.

Des personnes – qui avaient réussis à s’échapper d’ici sans se faire prendre – avaient trouvé un lac pas loin. Alexander m’avait déjà amené avec lui en plein jour et l’endroit était magnifique.

—    Et ? dis-je pour qu’il continue.

—    Tu pourras venir et inviter Mira.

J’écarquillais les yeux en secouant la tête.

—    Pas moyen, tu es fou ! Il faut être nu pendant un bain de minuit !

—    Нет, правда ? (Non, vraiment ?) demanda-t-il sarcastiquement.

Je le toisais du regard et il explosa de rire. Il me tapa dans l’épaule avant de se lever.

—    Aller Kandinsky, tant que tu ne lui auras pas déclaré ta flamme, tu pourras dire adieu aux sucreries !

J’attrapais la main qu’il me tendait avant de me lever.

—    Et si elle me recale ?

—    On referait le monde avec des « si ». Ais déjà le courage de lui dire ce que tu ressens avant d’envisager une réponse.

Nous pénétrons dans le hall avant de prendre les escaliers pour atteindre les dortoirs.

—    Invite-la, insista Alexander.

—    Ça fait un peu pervers, non ? Je veux dire, elle sait qu’on sera tout nu et…si c’est moi qui lui propose ça fait un peu…

—    Mec qui veut baiser ? Exactement !

Pile à ce moment-là, Maya apparut dans notre champ de vision.

—    Qui veut baiser ? demanda-t-elle.

—    Kandinsky.

Je donnais un coup de coude dans les côtes de mon meilleur ami et ce dernier se plia en quatre sous la douleur. Il se redressa tout de même, voulant garder une image d’homme fort devant sa petite amie.

—    Kandinsky ne veut pas inviter Mira pour le bain de minuit qui est organisé ce soir. Tu peux le faire, toi ?

Il fit des yeux doux à Maya et elle accepta. Ils se firent un bisou sur la bouche avant qu’elle ne disparaisse dans les dortoirs des filles.

—    Saisis ta chance ce soir, mon pote. Dis-lui que tu l’aimes et prend-la sur l’herbe.

—    Ferme là !

Je retournais dans ma chambre sous les rires d’Alexander, le sourire aux lèvres. J’imaginais déjà la merveilleuse soirée que j’allais passer.

Je m’allongeais sur mon lit, imaginant toucher son corps de rêve dans l’eau avant de lui faire bien plus qu’un baiser avec la langue.

SANS TOI [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant