EPILOGUE

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Mira Pacheco

Je t’attendrais кошка.

Ces mots m’avaient donné la force d’attendre et de ne pas craquer. Je fêtais mes dix-huit ans aujourd’hui et j’avais plus que hâte de retrouver Maya, Alexander mais surtout Kandinsky. Il m’avait dit qu’il m’attendrait.

Je fixais ma bague avec insistance, comme si je m’attendais à ce qu’il en sorte. Depuis que Maya était partie, en juin, je passais le plus clair de mon temps dans la chapelle. Elle me rappelait le bon vieux temps, lorsque j’étais encore avec Kandinsky.

Les vitraux se reflétaient sur les murs, me faisant penser à ces nuits et ces journées que nous avions passés à les observer.

Je soupirais, l’excitation me remplissait de plus en plus. Je ne cessais de fixer la montre que Kandinsky m’avait offert pour mes dix-sept ans. Depuis, je n’avais plus eu de nouvelles de lui.

Avec cette montre, il m’avait laissé une lettre avec ces mots écrit : « Ce n’est plus qu’une question de temps. Ne perd pas de vue le nord, parce que j’y serais. »

Même si je craignais qu’il ait rencontré une autre fille durant mon absence, j’étais prête à fermer les yeux dessus. Je l’aimais et je voulais finir le restant de mes jours avec lui.

Je ne veux pas le perdre.

Je triturais mes doigts d’impatience, la boule au ventre à l’idée de les revoir. Je voulais revoir ma meilleure amie, lui raconter les potins de l’orphelinat.

Après avoir déjeuner, je montais dans le dortoir des filles. Je préparais ma plus belle tenue, une magnifique robe noire. Elle m’arrivait qu’aux chevilles et était dans le style gothique romantique. Je l’avais gardé pour une occasion spéciale.

J’en profitais aussi pour me couper les cheveux et me refaire un carré parfait. Lorsque Maya était parti, j’avais pu dire adieux à ma coiffeuse personnelle. Cependant – après plusieurs échec capillaire – j’avais réussis à faire quelque chose de plutôt droit et correct.

Je me maquillais légèrement, traçant un trait d’eye liner avec un peu de fard à paupière et de rouge à lèvre. Je voulais qu’il n’en croie pas ses yeux en me voyant sortir de l’orphelinat.

Je préparais ma valise, le sourire aux lèvres, les papillons dans le ventre. Quelques heures, dans quelques heures nous allions nous retrouver.

Je faisais les cent pas dans le hall, fixant l’aiguille des secondes. Chaque minute qui s’écoulait me rapprochaient un peu plus de lui.

Viens le soir. La salle des fêtes était bondée en mon honneur. Je dis au revoir à quelques filles avec qui j’avais tissée des liens avant de suivre le directeur jusqu’à la sortie.

Une voiture noire avec un chauffeur m’attendait. Je lui saluais gentiment et il m’ouvrit la porte.

—    Est-ce qu’on peut attendre un peu ? J’ai des amis qui doivent arriver.

Il acquiesça et s’en suivit plusieurs minutes d’attente. J’espérais qu’il apparaitrait, sortant de nulle part en me disant que c’était une blague. A bout de quinze minutes à attendre, je vis le chauffeur s’impatienter.

J’avais l’impression d’être une coquille vide à ce moment-là. J’avais espéré pendant un an ce moment, je l’avais idéalisée sans même penser une seule fois au pire. Qu’il ne viendrait pas.

Personne n’était venu, pas même ma meilleure amie. Je ne savais même pas si je devais pleurer, rire ou être en colère contre eux.

Je finis par rentrer dans l’habitacle pendant que le chauffeur mettait ma valise à l’arrière. Je ne savais pas où il allait me déposer. Une lueur d’espoir s’alluma en moi, me disant qu’ils m’attendaient peut-être tous en ville.

Mais toutes mes attentes se dissipèrent lorsque la voiture s’arrêta en ville et qu’il n’y avait personne. Ma plus grande peur venait de se réaliser, j’étais seule. Aucunes familles, aucuns amis.

Je sortis de la voiture, les larmes roulant toutes seules sur mes joues. Ma valise à la main, j’arpentais les rues, ne sachant pas où aller et quoi faire. Après tout, j’étais majeur maintenant, il fallait que je me débrouille toute seule.

Toute seule.

—    Eh, jolie minette.

Je tournais la tête vers cette voix rauque et vis un homme d’environ une quarantaine d’année s’approcher de moi. Son sourire me glaça le sang, tout comme le couteau avec lequel il jouait.

—    Et si on jouait ensemble, toi et moi ?

Je déglutis, le cœur battant à tout rompre. La peur m’enveloppa et me paralysa. Je reculais jusqu’à toucher le mur derrière moi, lâchant ma valise.

—    Tu as peur ?

J’avais comme l’impression que ça lui plaisait, qu’il prenait son pied à me voir terrifiée. Je repris mes esprits, me décidant à courir aussi vite que je pouvais jusqu’à être dans un endroit où il y avait du monde.

Je m’arrêtais sur un banc, complètement essoufflée.

Mais putain, pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’ils ne sont pas là ? Pourquoi est-ce qu’il m’a dit qu’il m’attendrait ? Pourquoi est-ce qu’il m’a offert cette foutue bague ?

Je le haïssais. Je fixais la bague et la montre qu’il m’avait offert, le dégout se mélangeant à la colère.

Si je survie à cette putain de nuit, la vie de ma mère que je le retrouverais et je lui ferais vivre un enfer.

—    Espèce de fils de pute ! hurlais-je.

Je vis quelques passants se tourner vers moi, fronçant les sourcils. J’essuyais mes larmes, quittant le banc pour aller je ne sais où. J’arpentais les rues, essayant de trouver un lieu où dormir.

—    Excusez-moi, jeune fille ?

Je tournais la tête pour croiser le regard d’un homme qui paraissait être très âgé. Il me sourit gentiment, me tendant sa main.

—    Monsieur Ivanov Andreev, ravi de faire votre rencontre.

Il prit ma main avant d’y déposer un baiser, je me sentais affreusement mal à l’aise.

—    Votre beauté pourrait bien être votre plus grande arme.

Je ne compris pas tout de suite ses propos. Pour être franche, je ne les ai compris que huit ans plus tard.

SANS TOI [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant