CHAPITRE 29 : Pari

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Kandinsky Zabolotny

Un mois. C’était le temps de notre punition. Agathe nous avait demandé de la rejoindre dans son bureau pour nous annoncer la fin de notre PDI.

—    En revanche, vos délits seront inscrits dans votre bulletin. C’est une chance que vous ayez échappé à la maison de redressement ! Et pour tes cheveux Kandinsky, tu as intérêt à arrêter de te les teindre ! Je ne sais pas d’où tu trouves le nécessaire pour le faire mais je trouverais un moyen de te stopper.

Elle nous laissa partir et en refermant la porte derrière moi, je l’entendis soupirer :

—    Non mais des cheveux verts !

Mira et moi nous regardions, le sourire aux lèvres. Cela faisait une éternité que je n’avais pas été près d’elle de la sorte.

—    Je dois retourner dans ma chambre, Maya m’attend pour nos révisions.

J’acquiesçai, masquant ma déception par un grand sourire. Elle me salua avant de traverser le couloir pour rejoindre les dortoirs. Je la regardais s’éloigner, le gout du manque en bouche.

Mon regard se perdit à travers la fenêtre du couloir. Il faisait nuit depuis peu et j’avais conscience qu’Agathe nous avait convoqué à une heure aussi tardive exceptionnellement.

Tout en trainant les pieds, je me dirigeais vers le jardin. A l’arrière de la chapelle, je retrouvais mon meilleur ami, Alexander.

Il éteignit sa cigarette contre la façade du monument avant d’expirer la fumée.

—    Comment tu vas ? Ta punition a sauté ?

J’acquiesçais, venant me poster à ses côtés, les mains dans les poches de mon pantalon.

—    Est-ce que tu crois que Mira se doute de ta relation entre Maya et toi ?

Il haussa les épaules, le regard perdu au loin.

—    Je n’en sais rien, mais je préférerais rester discret.

Je fronçais les sourcils. Pourquoi voulait-il se faire petit ? Avait-il des problèmes avec Maya ?

—    Ça ne va pas entre vous ? m’inquiétais-je.

Je n’avais jamais réconforté quelqu’un après une rupture alors s’il venait à rompre avec Maya, je risquerais d’être maladroit.

Il esquissa un sourire, reprenant une cigarette. Je n’avais jamais compris comment il faisait pour fumer autant dans la journée. A ce rythme-là, il allait partir jeune.

—    Si mec, tout roule.

Il ne parlait pas vraiment de sa relation avec Maya. Je ne connaissais pas les détails et cela me frustrais. Je voulais savoir à quel point mon meilleur ami était un lover.

—    Tu comprendras le jour où tu seras en couple…

Il prit une inspiration avant de refermer la bouche. Il alluma sa cigarette à l’aide d’une allumette et prit une taffe. La fumée qu’il recracha s’évapora dans les airs, ne laissant que l’horrible odeur de la clope.

—    Relation discrète, relation parfaite, fini-t-il.

Je le zieutais du coin de l’œil, cherchant à comprendre. Les filles ici, aimait s’exposer avec leur copain.

—    Pourquoi ? Tu as honte d’elle ?

Il pouffa, manquant de s’étouffer avec sa cigarette.

—    Non, crétin !

Alexander se racla la gorge, reprenant un ton plus sérieux, propice à la discussion.

—    C’est juste que…quand tu t’exposes en public avec ta partenaire, c’est beaucoup plus dangereux. Les gens s’en mêlent et ça finit toujours par dégénérer.

Alexander avait eu beaucoup de relation avant Maya. Certaines n’avaient pas durées longtemps mais assez pour qu’il se coltine une réputation d’homme à femme ou de coureur de jupon.

Je pensais que c’était à cause de ses rumeurs qu’il ne voulait pas s’afficher avec Maya. Il devait certainement craindre qu’on s’en prenne à elle.

Comme Marylou avec Mira.

Je chassais les souvenirs de cette horrible nuit, ne voulant plus y repenser.

Joakim avait prétexter s’être fait agresser par quelqu’un d’extérieur à l’orphelinat. En vérité, je l’avais forcé à mentir en le menaçant une nouvelle fois. Je voulais être sûr qu’il ait compris la leçon.

Personne ne touche à кошка.

—    Tu as peur qu’on raconte de la merde sur toi ? lui demandais-je en fixant le ciel étoilé.

Il esquissa un faible sourire, les yeux brillant d’une lueur que je ne connaissais que trop bien. La haine.

—    Non, j’ai peur qu’elle y croie.

J’hochais lentement la tête. Alexander aussi avait un passif avec certaines personnes de l’orphelinat. Heureusement, la moitié d’entre eux s’étaient fait adopter.

—    Enfin bref, soupira-t-il. Peu importe où demain nous mène.

Il enroula son bras autour de mes épaules, me serrant contre lui. Je me détendis, appréciant ce moment que nous partagions. Mon laxisme de la vie venait peut-être de lui.

—    Et toi alors ? Toujours pas en couple avec Mira ?

Je relevais la tête vers lui, le fusillant du regard tandis qu’il ricana. Il savait très bien pourquoi il posait la question.

—    Je vais bientôt réussir à la conquérir ! me défendais-je en m’éloignant de lui.

Son rire redoubla. Je détestais lorsqu’il se moquait de moi, encore plus lorsqu’il s’agissait de ma relation ambiguë avec elle.

—    Kandinsky, souffla-t-il en s’essuyant une larme de rire, tu n’arriveras jamais à la pécho !

—    Bien sûr que si !

Il écrasa à nouveau son mégot contre la façade avant de le jeter au loin. Il disparut dans les buissons.

—    Tu verras, dans deux ans tu seras toujours au même stade avec elle.

Je me mordis l’intérieur de la joue pour ne pas montrer mon agacement. Il jubilait de me voir ainsi.

—    N’importe quoi, levais-je les yeux au ciel.

—    Tu paris ?

Il me tendit la main, les pupilles retractées au maximum. Il semblait sûr de lui mais j’avais confiance en mes capacités à draguer.

—    Si dans deux ans tu ne l’as toujours pas mise dans ton lit – façon de parler, prend ton temps – tu seras obligé de faire un régime. Plus de grignotage, plus de surconsommation, plus de ventre sur patte et plus de vol dans la cuisine ni d’échange de cochonnerie !

Je déglutis, inspirant profondément avant de serrer sa main en retour.

—    Mais si j’arrive à sortir avec elle avant deux ans, tu seras dans l’obligation de me donner ta part de dessert jusqu’à ce que tu quittes cet endroit ! contrattaquais-je.

Il sourit, confiant. Nous nous lâchâmes avant de retourner vers les dortoirs. Je me couchais, imaginant déjà tous les desserts que j’allais recevoir en plus durant des mois et des mois.

SANS TOI [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant