Carlos et Laïa ? Je restais bouché bée devant le spectacle surréaliste qui s'offrait à moi... Ils se fréquentaient ? Laïa me rejoint rapidement et me fit asseoir avec eux.
- Laisse-moi t'expliquer, murmura-t-elle.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit, demandais-je, peinée.
Elle jeta un regard gêné à Carlos et me prit les mains.
- Je ne pouvais pas... On n'a pas le droit de se fréquenter et le dire à quiconque aurait pu nous faire découvrir... Je... Je suis désolée !
Je hochais la tête alors que j'avais toujours du mal à m'en remettre. Pourquoi n'avais-je rien vu ? C'était si évident ! Je me tapais le front de la paume de la main.
- Décidément, je suis la pire amie qui soit, déplorais-je.
Laïa ouvrit de grands yeux et éclata de rire.
- Fifi, tu te sens vraiment trop responsable de tout !
Je la regardais surprise. Elle me serra contre elle.
- C'est moi qui ne te parle pas de mes fréquentations et c'est toi qui est la pire amie ? Arrête tes bêtises, le sort du monde entier n'est pas sur tes épaules ! Tu n'es pas responsable de tout !
Elle me sourit et me demanda de lui pardonner. Je souris aussi. De toute façon, je ne pouvais pas lui en vouloir ! Après tout, moi aussi je n'étais pas parfaite et ne lui disais pas tout ! Je ne lui avais pas avoué que j'avais été soulagée, pendant une très courte durée, de ne pas participer au Choix.
- Bien sûr que je te pardonnes, Laïa, rétorquais-je. Mais à condition que tu me racontes tout maintenant !
J'avais ajouté ça avec un air espiègle et Laïa éclata de rire. Carlos partit donc pour nous laisser toutes les deux. Mon amie me raconta alors le début de son idylle. Elle me montra la bague qu'elle portait à son annulaire droit. Carlos la lui avait offerte. Je la contemplais avec émerveillement. C'était une bague en argent finement ciselée. Juste magnifique. Elle me racontait les détails de leur premier rendez-vous, m'expliquez que c'était un amour pur et platonique... Cela me fit rire. Nous passions des heures à parler, à rire, à plaisanter... Je me moquais doucement... C'était juste un moment d'amitié comme beaucoup en connaissait.
Je lui racontais ensuite le "drame familial". Elle perdit immédiatement son sourire. Puis, elle me saisit par les épaules.
- Fifi, tu n'es pas responsable ! Tu as essayé... Et ça n'a pas marché ! Si tu te sens responsable, imagine ce que ressentent tes parents. Ils doivent se sentir terriblement mal. Et être désespéré pour avoir choisi de faire ça ! La seule chose que tu peux faire, maintenant, Fifi, c'est les soutenir ! C'est pour ça que tu souhaitais rester non ? Pour eux ! Pour les aider ! Ce n'était pas de l'égoïsme. Ça n'en a jamais été.
Laïa... Je me jetais sur elle pour la serrer contre moi. Comment ferais-je sans elle ? J'avais tellement besoin de ses conseils ! Elle me connaissait parfois mieux que moi-même et ça aurait pu être flippant si ça n'était pas juste naturel.
Laïa rit doucement et je ris avec elle. Non, je n'étais pas responsable... Alors pourquoi y avait-il toujours ce pincement douloureux dans mon cœur ?
Nous nous quittâmes de mauvaise grâce. Je rentrais à la maison. Papa et maman étaient installés dans la cuisine. Quand ils me virent, ils me sourirent. Ils m'invitèrent à m'asseoir avec eux. Ce que je fis sans hésiter. Il se placèrent près de moi.
- Fifi, ma chérie, murmura papa. La charge de cette famille nous incombe à nous. Pas à toi. Tu n'es aucunement responsable de quoi que ce soit. Tu dois penser à faire ta vie, te marier, avoir des enfants... Vivre ! Tu le mérites parce que tu es quelqu'un de bien.
Je regardais mon père et m'installais sur ses genoux comme je le faisais quand j'étais toute petite. D'abord, il fut surpris mais ce reprit rapidement. Je me calais tout contre lui et déposais ma tête dans le creux de son cou. Il me teint dans ses bras alors que les doigts de maman caressaient avec douceurs mes cheveux. A cet instant, j'aurais aimé redevenir une enfant. Je voulais arrêter de grandir, de me faire du soucis, de m'angoisser tout le temps... Je voulais retrouver une part d'insouciance !
- Tu ne fais pas parti du Choix parce que ce n'est pas la place des gens bons. Ce n'était pas non plus celle de ton amie. Vous n'avez rien à faire parmi eux parce que vous valez trente millions de fois mieux ! Toi, ma Fifi, tu sais ce qu'est survivre, tu sais ce qu'est avoir froid, avoir faim, travailler, avoir mal, souffrir, pleurer, mais aussi être heureuse, trouver le bonheur, rire, partager... Tu as de vrais valeurs ! Tu es une perle, ma Fifi. Et tu veux davantage que tous les trésors du monde. Parce que tu connais la Vie !
Je levais la tête vers mon père et rencontrais son regard doux. Il me sourit alors qu'un larme coulait sur sa joue mal rasée.
- Je ne veux pas que tu ailles là-bas ! Je refuse de te voir pervertie par ces monstres ! Alors peut être que ta vie sera plus courte, plus dure, moins luxueuse et peut-être même moins belle... Mais tu vivras selon des valeurs qui font de toi quelqu'un d'intègre et de merveilleux. C'est comme ça que nous t'avons élevé. Pour qu'on soit fière que tu sois notre fille.
Je restais ébahie devant un tel discours. Ces mots me touchaient au plus profond de moi et je reniflais bêtement. J'avais déjà trop pleuré aujourd'hui. Mon père m'enjoignit d'aller me reposer pour être en forme demain et je m'exécutais, mue par un souffle nouveau.
Je me redressais en baillant et m'étirais. Un son étouffé me fit tendre l'oreille. Je me figeais. Le bruit venait de brusquement cesser. Et le silence régnait, coupé par le bruit de ma respiration. Ma respiration...
- Damien, chuchotais-je en me levant afin de me glisser dans son lit.
L'air froid me fit frissonner et je me glissais promptement sous ses draps. Il fit mine de dormir mais je le connaissais tellement, après 13 ans à partager sa chambre, que je savais que ce n'était qu'une feinte stupide. Je passais ma main dans les cheveux emmêlés de mon jeune frère qui ouvrit ses grands yeux verts. Il posa ses pupilles larmoyantes sur mon visage.
- J'ai peur, Fifi, chuchota-t-il.
Je lui caressais doucement la joue en lui souriant avec bienveillance.
- Moi aussi, avouais-je dans un souffle.
Il se redressa et me fit face en soupirant, brusquement énervé. Il essuya ses larmes d'un geste brusque.
- Tu ne comprends pas ! J'ai peur de la mine et ça m'énerve ! Toi, tu n'as pas pleuré alors que tu n'avais que dix ans la première fois que tu es descendue ... Tu n'as pas pleuré alors que tu avais mal partout, les doigts parfois saignant de tant travailler ! Alors que c'est moi qui suis l'homme ! C'est moi qui suis censé te protéger !
Je ris franchement. Mon frère ? Un homme ? Ce n'étais qu'un tout jeune garçon ! Il en fut vexé. Je m'excusais de ce gloussement spontané et révélateur de ma pensé profonde. Je lui expliquais alors que moi aussi j'avais peur de la mine, tous les jours. Et si je n'avais pas pleuré pas à la maison, je l'avais fait ailleurs. C'était à l'époque ma façon de le protéger, lui, de constitution fragile, qui était toujours malade ou alité.
- Et puis, ajoutais-je, je n'ai pas besoin que tu me protèges. Je suis assez grande pour me débrouiller seule.
Je ponctuais ma phrase d'un clin d'œil et lui ébouriffais les cheveux en me levant.
- Allez, debout, l'homme, riais-je. Il ne faut pas que nous soyons en retard !
Je paressais ainsi désinvolte mais sa peur faisait écho à la mienne. Mais cette fois, je ne craignais pas de mourir au fond de ce trou sombre. Je craignais la possibilité qu'une personne qui m'étais chère finisse par y rester... Et la probabilité s'accroissait avec le nombre de personnes que j'aimais qui s'esquinter ainsi dans le noir avec moi. Pire... Je ne voulais pas que ça soit lui ! Mon petit frère... Non, il était trop jeune pour mourir. Voyant que je le fixais, mon frère me demanda ce qui n'allait pas. Je lui souris en plaisantant de nouveau sur l'homme qu'il était... Mais au fond, j'avais l'estomac noué et le cœur battant fort. Pas aujourd'hui, implorais-je mentalement. Pas aujourd'hui...
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Souffle la liberté
FanfictionMoi, je vais tenter de devenir reine. Moi, fille inconnue du royaume d'Ehiropa je vais participer au Choix. Le peuple, pour la première fois, va élire son futur souverain. Tout le monde peut participer... dont l'adolescente de la caste des Gris Anth...