41.

4.3K 477 50
                                    

Je m'excuse d'avoir été si longue pour la publication de ce chapitre. En ce moment, j'ai vraiment (beaucoup) de mal à gérer ma vie... Mais vous n'êtes pas là pour écouter mes jérémiades alors, trêve de bavardages futiles, voilà la suite ! ;) 

 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

        Il était temps d'y aller. Le prince était venu me chercher afin de nous rendre dans la salle de cérémonie. Une commémoration ... J'en avais la gorge nouée. Je tenais fermement mon frère par la main et la pression de ses doigts étaient d'un rassérénant bien-être. Accompagnée d'Ewen, je rejoins le reste des candidats de Choix, apprêtés pour l'occasion. La présence de caméra semblait être leur seule préoccupation d'envergure... Je me retins de laisser s'exprimer mon amertume face à ce constat. 

- C'est ton petit frère, s'exclama soudain Aimée-Rose en se précipitant vers nous. 

Elle lui pinça la joue de ses doigts gantés. 

- Il a une bouille tellement adorable, s'extasia-t-elle avec un air conquis. Et il te ressemble tellement ! 

Je lui souris simplement. Damien me lança un regard exaspéré et je ris. Elle le traitait ouvertement comme un petit enfant et il détestait cela. Aimée-Rose ne semblait même pas s'en rendre compte, et elle lui ébouriffa les cheveux, ravie, en commentant qu'elle aurait adoré avoir un petit frère comme lui. 

- Ton frère devrait rejoindre ta famille, finit-elle par me faire remarquer, sérieuse. Aussi adorable qu'il soit, le roi ne le tolérera pas avec nous. 

Elle avait raison, je le savais, mais égoïstement, je le voulais près de moi dans cette épreuve. J'avais besoin de son réconfort, de son sourire et de ses grands yeux fraternels. Mais raisonnablement, je l'envoyais rejoindre maman dans le public, avec les autres villageois, les autres mineurs, les autres êtres écorchés par cette tragédie... Sa place était là-bas... Et j'aurais dû y être également ! Parmi les miens ! Je lui adressais un petit signe de la main, le ventre noué mais souriante, montrant une façade confiante. Je n'en menais pas large. Ma main se sentait abandonnée sans la présence rassurante de mon frère... Et soudain, une peau délicate vint réchauffer la mienne. Le prince venait de me prendre la main ! Sourire aux lèvres, il déposa un petit baiser sur mon poignet dévoilée, juste sous la dentelle de mes gants bleus. Je sentis une chaleur cuisante me monter au visage et agiter mes entrailles doucement. Je tentais de ne rien laisser paraître tout en sachant que ma rougeur subite ne pouvait que trahir ma gêne, la délatrice ! 

Enfin, c'était à nous d'entrer en scène. Tous se mirent à réajuster leur tenue, à afficher leur faux sourire contrit... Ils me donnaient la nausées ! 

- Je ferais cela pour vous, murmura la prince au creux de mon oreille. Pour vous.... et eux. Mais surtout pour vous, Magnificence. 

Je le regardais sans comprendre et il me fit un clin d'œil fugace avant de m'entraîner à sa suite. Les flash m'éblouirent instantanément. J'étais dans la fausse aux loups... Les caméras étaient partout, elles ne loupaient rien de notre petit manège, de cette mascarade royale dont je prenais part. Tu me dégoûtes, Magnificence, souhaitait hurler Fifi... Si j'avais pu, je me serais cachée dans un trou de souris. Le silence dans la pièce était lugubre... Et mon cœur battait la chamade ! 

Le roi, cet immonde acteur, exprimait sa compassion, alors que je m'étais à peine assise sur ma chaise, décorée pour me recevoir. Il passa une vidéo où tout un peuple pleurait leur perte, nos pertes... Devant ce cirque sonnant totalement faux face aux visages émaciés, dévastés, devant cette opulence venant se jouer ouvertement de la misère, je ne pouvais que garder la tête baissée sur mes genoux. Je ne pouvais pas croiser leur regard, ma honte était trop grande... J'étais l'ennemie ? Pour eux oui... 

Enfin, son insidieuse bouche se tut, laissant place à des applaudissements polis, où je percevais l'amertume d'un peuple outragé... Et le prince se leva. Je levais immédiatement les yeux vers lui, comme aimantée par sa silhouette gracieuse, sa démarche si caractéristique... Il était dos à moi, face au micro, face à eux.. Mon cœur se mit à battre de plus en plus fort, prêt à s'échapper de ma cage thoracique le retenant prisonnier. Ma respiration s'accélérera, devant pantelante devant ses mots que j'espérais salvateurs. 

- Face à vos pertes, à votre misère et à votre courage, le cœur des Hommes ne peut se montrer indifférent. Vous êtes une partie, et non des moindre, de notre glorieuse patrie et votre souffrance est celle de tout un Empire. Pour vous, dont la misère m'a été révélée par une enfant du pays, par votre enfant, je tiens à faire un geste, à vous tendre la main, en signe d'affection profonde. C'est ainsi que dans mon esprit et pour les mineurs à travers tout le pays, je souhaite proclamer la constitution de la Fondation Laïa, dont le but sera de combattre la misère dans le milieu minier. Une Fondation qui nourrira les affamés, viendra en aide aux blessés et sera un soutien pour chaque membre de l'honorable caste des Gris Anthracite. 

Et le discours continuait... Il continuait alors que les larmes coulaient maintenant sur mes joues... Mes yeux tombèrent sur le visage reconnaissant de la famille de Laïa. Et je sentais la rage monter... Comment osait-il ! Comment pouvait-il me faire cela ! Je serais les poings de toutes mes forces ! Il bafouait son nom, il bafouait sa mémoire et il insultait notre caste ! Il injuriait ma famille en emballant ses ignominies dans un papier de mots bien mêlés. Comment pouvait-on être si idiot, si traître ?! 

- Je laisse maintenant la parole à Magnificence Daubriac. 

Il se tourna vers moi et me tendit la main, l'air heureux. Je mourais d'envie de lui cracher dessus mais au lieu de cela, je me levais comme un robot en le remerciant. Debout, je m'accrochais désespérément  au pupitre de bois travaillé. Je sentais dans mon dos le regard d'avertissement de ces si grandes majestés. Et devant moi, à mes pieds, les mineurs, me regardant comme s'ils me voyaient pour la première fois... Et Damien qui me souriait, fier de me voir ainsi debout devant lui, fier de sa sœur sans même comprendre l'ampleur de ses actes... J'entendis sa voix, ses mots m'annonçant qu'il irait dans la mine. Et cela simplement pour gagner le droit de mendier devant la Fondation Laïa ! C'était ça qu'ils voulaient, tous ! Nous voir mourir et mendier ! Non ! Non ! Je serrais davantage le bout de bois et fixais Damien de toute mes forces. 

- Une fondation, commençais-je et toute l'ironie dans ma voix résonna dans la pièce. Suis-je sensée vous remercier, Votre Altesse ? Une fondation ! 

Je ris. Je ne contrôlais ni ma bouche, ni mes cordes vocales.... J'avais l'impression d'être à la fois hors de moi-même et profondément là. 

- Ne connaissez-vous pas la fondation Clark, la fondation Du pain pour les mineurs ? Pensez-vous réellement que c'est ce que nous voulons ? Nous risquons notre vie chaque jour, nous travaillons comme des forces nés pour crever de faim et gagner le droit de mendier ! Les mineurs n'ont pas besoin d'une énième humiliante fondation ! Ils veulent manger à leur faim, être payer comme ils le méritent ! Ils veulent être indemnisés pour leur blessure et même pour leur mort ! Ils veulent partir travailler le cœur léger,  car ils sauront que le fond de cette mine est sécurisé ! N'est-ce pas ce qu'est censé donné l'Empire à son peuple ? Sécurité, Nourriture, Respect ! Et que ce respect ne soit pas qu'une façade et qu'il se traduise en acte ! Sécurité, Nourriture, Respect, est-ce trop demander ? 

Je criais ses mots plus que je ne parlais. Je criais mon ressentiment de toutes mes forces sans lâcher mon frère du regard. Il semblait ahuri par mes paroles. D'ailleurs le silence était encore plus pesant que tout à l'heure... La peur me tordit brutalement les entrailles. Qu'as-tu fait, Fifi ? .... Qu'as-tu fais, Magnificence ?! 

Soudain, un homme, au milieu de l'assistance, se leva et et se mit à applaudir nonchalamment, un petit sourire aux lèvres. Il me regardait avec une fierté débordante... 

Papa... 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant