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Je me bouchais violemment les oreilles, appuyant de toutes mes forces sur mon visage. Mes yeux fermés à leur maximum me brûlaient... Derrière mes paupières closes les images apocalyptiques défilaient, me donnant la nausée, le tournis.... Le cœur au bord des lèvres, j'étais proche de l'évanouissement ... Et j'ouvris les yeux !

Les mains tremblantes, je tentais de maîtriser ma respiration. Et je me redressais, levant la tête bien haut, digne. Je séchais mes joues humides d'un revers de ma main gantée avant de planter mon regard dans celui aussi froid qu'incrédule de sa majesté. Mon cœur tambourinait brutalement dans ma poitrine. 

- Vous pouvez sortir de derrière cette porte, Votre Majestés, m'exclamais-je d'une voix encore altérée par mon émotion passée. 

Pourtant, je ne bougeais pas, le regard vissé dans celui du roi. Mes ongles pénétraient dans ma paume à travers le fin tissu de soi qui les ornaient. La porte claqua. Des talons caressèrent élégamment le parquet... La reine venait de faire son entrée. 

- Alors, voilà la Magnificence Daubriac que mon fils aime tant... 

 Sa voix chantante, ironique, provoqua un frisson dans mon être entier. 

- Il veut abdiquer pour cette souillon, murmura-t-elle en s'appuyant nonchalamment sur le bureau. 

Elle rit. Je pinçais les lèvres mais fixais toujours le roi, désormais, hargneuse. Je sentais la bile de la colère monter en moi, lentement, mais prête à me faire exploser tel un géser sous pression... 

- Vous n'avez rien d'une reine ma pauvre petite, continua-t-elle, accompagnant ses dires d'un gloussement répugnant. 

Je tournais mon regard sombre vers elle, la regardant simplement. 

- Vous non plus Madame, rétorquais-je. Vous n'avez rien d'une reine. 

J'avais gardé une photo dans ma main et sans réfléchir davantage, je la lançais à ses pieds. 

- Votre peuple souffre, votre peuple crie, et vous ne faites que reporter le blâme sur une gamine, une Grise Anthracite, qui n'a rien d'une reine. Mais je ne suis pas responsable de ce qu'il se passe car si j'ai allumé l'étincelle, c'est vous qui avez disséminer la poudre. L'explosion était inévitable... Qui sème la pluie récolte la tempête... Et qui sème la peur et la précarité récolte la fureur... 

Ma voix était grave, profonde, mesurée... J'étais calme, voire même menaçante : l'exacte opposée du déchet gisant aux pieds du roi quelques minutes auparavant. 

- Voilà VOTRE oeuvre, Vos Majestés ! Vous tuez votre peuple depuis le début ! Aujourd'hui, c'est votre autorité qu'il tue ! VOUS êtes responsable de ce qu'ils vivent, vous êtes responsables de leur maux ! Vous nous sucez le sang depuis toujours, nous poussant toujours plus profondément dans l'abyme de la misère alors que vous vous régalez de folâtreries futiles, vous goinfrant de fantaisies jusqu'à en vomir ... 

La reine haussa un sourcil. 

- Quel élégance, murmura-t-elle. 

J'éclatais brusquement de rire. 

- Je vous laisse et l'élégance et l'esprit, contrais-je, d'une voix pleine d'une rage contenue à grand peine. Sans cela, vous n'auriez absolument rien pour  ravir la cour, puisque ce n'est surement pas votre sens de la vertus et de la droiture qu'ils admirent ! Et... 

- Cela suffit, gronda le roi, provoquant instantanément mon silence dans un sursaut de surprise. 

Je lui adressais un grand sourire, cachant mon angoisse et ma colère derrière une façade de courtoisie. 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant