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C'est ainsi que nous fûmes de retour dans le grand château royal. Les couloirs vides résonnaient de nos pas incertains. Etre de retour dans de telles conditions auraient été inimaginables quelques heures auparavant. Et pourtant, nous y étions. Je ne lâchais pas la main d'Ewen que je broyais de mes doigts angoissés. Qu'allait-il se passer maintenant ? Comment allait-on bien pouvoir vivre ici, avec les souvenirs et la peur au ventre ? Je déglutis difficilement en m'avançant vers la grande salle du conseil où je n'avais encore jamais mis les pieds. C'était le terrain privilégié du roi... Je me mordis la joue pour maîtriser ma respiration qui menaçait de s'emballer. La paume d'Ewen devenant moite m'indiqua qu'il devait être à peu près dans le même état que moi. Nous n'allions décidément pas en mener large dans cette salle, face à cette fameuse Régence Provisoire. Les portes s'ouvrirent devant nous et je tentais de me composer un visage impassible. Tous les regards se tournèrent vers nous avant de se baisser respectueusement. Je m'avançais courageusement. 

Un homme se dressa. Il portait une petite barbe noire et fine. 

- Votre Majestée, veuillez m'excuser mais Monsieur Ewen d'Ehiropa ne peut pas entrer dans cette salle. Elle est réservée à Votre Majestée et ses conseillers. 

Je sentis Ewen se tendre à mes côtés. Je pinçais les lèvres. 

- Monsieur le Conseiller, Veuillez décliner votre identité avant de vous adresser à moi. 

Je vis clairement à sa mine offusquée que ce n'était pas pour lui plaire. Et j'en ressentis une certaine fierté. Ils voulaient Magnificence Daubriac ? Maintenant, qu'ils assument ! Je n'allais pas jouer les gentils petits pions sur leur échiquier politique ! Je lui adressais mon sourire le plus hypocrite. 

- Conseiller Mathéoli, Conseiller Principal de cette Régence Provisoire. Veuillez croire, Votre Altesse, à ma grande joie de vous revoir. 

Ewen tiqua immédiatement mais resta silencieux. Il avait dit... revoir ? 

- Nous sommes-nous déjà rencontrés ? 

Il prit un air peiné en expliquant qu'il était présent au bal, qu'il était un industriel important puisque sa famille construisait des navires depuis des décennies. Il avait dû quitté le combat pour protéger une enfant parente au septième degrés de Feu Sa Majesté. 

- Qui est-ce ? Est-ce Marie-Sophia ? Eliana ? Lili-Adriane ? Léopold ? 

Ewen avait sursauté à cette déclaration et le pressait désormais de question. L'homme le toisa simplement, sans répondre. Ewen se tut. 

- Pourquoi ne lui répondez-vous pas, demandais-je, outrée. 

Ewen était visiblement bouleversé d'apprendre qu'un membre de sa famille était en vie, et cet homme osait ne pas répondre à cette question si naturelle. J'en avais la nausée !  

- Cet homme est considéré comme un criminel par le Conseil. Il n'a ni droit de parole, ni droit d'entrée. 

Je fulminais. Comment osait-il ? Je sentis que le prince gardait difficilement le silence. Je m'avançais dans la salle et demandais à chacun de se présenter. Ils étaient les maires de plusieurs villes, et exerçaient des métiers variés. 

- Nous avons repris le château et la direction du pays des mains des insurgés qui se rassemblaient sous le nom des "Colombes". Mais le peuple refuse la simple existence d'un membre de la royauté d'avant. Le peuple le considère comme un criminel, le Conseil aussi. 

Je dardais sur l'impudent qui avait osé prononcer ces mots un regard sombre et furieux. 

- Merci mais votre avis n'avait pas été sollicité, Monsieur le Conseiller. Et dois-je vous rappeler que je suis la reine ? 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant