13.

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Je tentais de me rendre invisible lorsque des trompettes sonnèrent. Je regardais dans la direction des escaliers d'où j'étais venue. Un grand jeune homme se tenait en haut des marches, droit et fier. Il portait avec une élégante arrogance un magnifique costume fait dans de luxueuses étoffes qui m'étaient totalement inconnues. Il parcourut la grande salle de réception des yeux. Je me détachais de sa contemplation anonyme pour remarquer que tout le monde avait formé une ligne près du tapis rouge. Je m'empressai de faire de même et me glissai entre les froufrous imposants de deux robes magnifiques. Le jeune homme descendit les escaliers avec une grâce presque féline et se stoppa en bas des marches. Il arbora son grand sourire "Colgate" détonnant avec l'air sérieux et sévère de son visage. Puis il s'avança vers nous. 

Il saluait chaque candidat avec aplomb et élégance, baisant audacieusement la main des jeunes filles et saluant chaleureusement les hommes d'une poignée de main solide. Je sentais mes mains devenir affreusement moite lorsque je le vis s'approcher de moi. Mon cœur accéléra le rythme déjà élevé de ses battements frénétiques. Il était juste à côté. Je sentais sur moi l'impact de son aura de majesté. Mon souffle se bloqua alors qu'il baisait la main de ma jeune voisine, rouge tomate. Je sentais l'angoisse me prendre à la gorge. Et.... 

Le prince me passa devant sans même m'accorder un regard. J'étais glacée, figée. Il m'avait royalement ignoré. Pas même un regard, une œillade ...RIEN. Je restais les yeux fixés dans le vide, l'air hagard. La tête vide de pensées... Je vis à peine les autres candidats du Choix effectuer leur révérence si parfaite. Je restais immobile. J'émergeais de cet état de choc lorsque je vis le prince s'avancer vers moi d'un pas rapide et décidé. Je fus effrayé par cette allure si majestueuse et angoissante à la fois. Sa démarche lui était propre, à la fois gracieuse et rapide, à la fois lente et lourde... Le voir se diriger vers ma personne avec tant de détermination me fit peur. Je m'écartais brutalement de son chemin et il me passa devant sans même détourner les yeux. Mais je vis clairement cette lueur triomphante danser dans ses yeux... 

Je sentis les larmes me monter aux yeux. C'était un affront prémédité qu'il avait réalisé ! Ma vue se brouilla mais je me forçais à respirer calmement. Je ne pleurerai pas ! Je serrais les poings de rage et de honte. Tant d'arrogance et de méchanceté me donnait envie de vomir... Au lieu de ça, je relevai la tête et pris une profonde inspiration. Il fallait que je reste calme. Le roi nous invita à aller nous reposer dans nos chambres respectives et je suivis distraitement le mouvement. Mes pensées étaient toutes tournées vers cet affreux personnage. 

On m'indiqua ma chambre et je poussais la porte sans grande conviction. Je me figeais, les yeux écarquillés de surprise. Cette pièce était immense ! Et un grand lit à baldaquin y trônait. Toute ma famille aurait pu dormir ensemble sur le matelas sans aucun soucis de place. Sans prendre le temps de réfléchir, je cédais à une pulsion toute enfantine et me jetais sur le lit en riant. Le matelas moelleux rebondit tendrement et je ris encore. J'enfouis mon nez dans les draps doux et soyeux d'où s'échappait un léger parfum de fleurs fraîches. Je respirais cette fragrance à plein poumon, un sourire béat sur le visage. 

Un claquement de porte brutal me fit sursauter et je me redressais précipitamment. Une jeune fille d'à peu près mon âge se tenait debout devant la porte. Elle portait une tenue sombre avec un tablier d'un blanc immaculé. Sur son visage, une expression de colère transparaissait. Je me levais et lui souris. 

- Je ne serai jamais à votre service, s'exclama soudain la rouquine d'un ton des plus mauvais. C'est VOUS qui devriez me servir à genoux ! Pas l'inverse ! 

Et sur ces quelques mots, elle claqua la porte en sortant. Je restais immobile, pantoise. Quelque chose me disait que je ne la reverrait pas... Mais je n'avais pas besoin d'elle ! Sa présence n'était en rien indispensable à ma survie ! Son mépris ne me choquait d'aucune manière. Je commençais à m'habituer à leur regard dédaigneux. Un soupir m'échappa et cherchant de l'entrain au plus profond de moi-même, je poussais une porte au hasard. Un énorme dressing s'ouvrit devant moi. Je me mis à ouvrir frénétiquement tous les tiroirs et le placards. Je caressais les douces étoffes et souris de nouveau. Quoi que disait cette fille, ces robes magnifiques étaient pour moi ! Cette pensée agrandit mon sourire. C'était méchant mais mérité ! Je me dirigeais ensuite vers une autre porte. 

La salle de bain... Immense et belle ! Lumineuse ! Je marchais vers la baignoire en forme ovale avec des bords incurvés. Je le caressais doucement. Le robinet doré semblait m'inviter à tourner la valve pour me prélasser paresseusement. A côté une petit commode d'ivoire avec des lavabos assortis. Je fit un tour sur moi-même avec un air émerveillé. Une salle de bain rien que pour moi.... Le rêve que je ne m'étais jamais permis d'avoir ! Je me dirigeais vers la fenêtre au fond de la pièce et écartais les différentes couches de rideaux prêtes à protéger mon intimité. J'avais une très belle vue sur le jardin... Majestueux ! Je refermais les rideaux et tournais délicatement la valve libérant une eau claire qui coulait délicatement dans la baignoire. Je la regardais se remplir avec délice. Jamais autant d'eau n'avait été à ma disposition. Je la caressais du bout des doigts, peinant à croire que l'eau ne s'arrêtait pas. Chez moi, il y avait un cota d'eau par personne et une fois que ce cota était atteint, le filet d'eau s'arrêtait de lui même, nous signifiant que c'était la fin. Ici, l'eau claire coulait sans s'arrêtait et je ne réagis que lorsque la baignoire se mit à déborder. N'avais-je pas dépasser le cota réglementaire ? Je rouvris et refermais la valve à plusieurs reprises, surprise de voir que le liquide incolore trouvait toujours un chemin vers la sortie. Pas de cota ? Vraiment ? Je n'y croyais pas ! Je me redressais et un clapotis me surpris. Je baissais les yeux sur le sol. Une fine couche d'eau recourait le sol de la salle de bain ! Je jurais à voix basse... L'eau ne s'arrêtait peut-être pas mais la baignoire n'était pas extensible... Je pris la première chose qui me passa sous la main pour éponger et ramasser toute l'eau afin de faire disparaître cette preuve immuable de l'ampleur de mon ignorance. Ce n'est qu'à la fin de ce nettoyage express que je suspendis la serpillière de fortune à un ceintre, la laissant sécher. Après tout, j'avais un bain à prendre ! 

Je fouillais dans les tiroirs et trouvais toute sorte de produit qui mettait inconnus. Trouvant les petites billes roses plutôt mignonne, je les mis dans l'eau. Elle fondirent doucement et une douce odeur de roses sauvages se répandit dans la pièce... Un carré rose attira mon attention et j'en mis trois dans l'eau. Un drôle de bruit se fit entendre et je reculais vivement. Des bulles de savon apparaissaient à une vitesse incroyable et commencèrent à se rependre dans la pièce. Paniquée, je repris ma serpillière improvisée et tentait de nettoyer mes bêtises. Mais plus je nettoyais, plus il y avait de mousses ! Je croulais réellement sous la mousse ! Je tentais d'éponger et de faire tout disparaître mais c'était peine perdue... Mes vêtements étaient trempés... Je soupirais et les retirais avant de me glisser dans l'eau chaude. Tant pis ! Le nettoyage attendrait ! 

Je me prélassais longuement dans l'eau, un sourire béat sur les lèvres. Je ne sortis que lorsque l'eau devenue  froide commençait à me faire frissonner. Je me séchais et enfilais une robe de chambre douce. Puis, j'entrepris de nettoyer mes bêtises. Cela me prit bien du temps mais je finis, à l'aide de ma serpillière détrempée, d'éponger l'eau et la mousse voyageuse. Je retrouvais ensuite mon petit sac de voyage et enfilais des vêtement propre et sec. Lorsque je fus prête, je fis une dernière fois le tour de ma chambre. Mes yeux se posèrent sur mon éponge de fortune. Oups ... Il s'agissait en réalité d'une belle robe rose...devenue inutilisable ! Je me frappais le front du plat de la main. 

- Décidément Fifi, tu es une catastrophe, me chuchotais-je à moi-même. 

Soupirant devant l'ampleur de mes bêtises, je décidais qu'en sortant de cette chambre, je ferais moins d'âneries. C'est ainsi que je partis explorer le reste du domaine, laissant derrière moi une robe rose merveilleuse complètement gâché s'égoutter dans une salle de bain sommairement nettoyée... 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant