17.

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Après cela, je croyais encore que les choses pouvaient s'améliorer... Mais ce ne fut pas le cas ! Je me couchais le ventre vide et gargouillant. Quelle ironie ! Chez moi, si je dormais le ventre vide, parfois, c'est que nous n'avions pas les moyens de manger. Ici, ça n'avait rien avoir avec l'abondance mais plutôt avec la manière... Tout devait être fait avec les formes ! Je dus me tourner et me retourner encore et encore avant de trouver le sommeil. Et le lendemain, au petit-déjeuner, que je pris seulement avec les autres candidats du choix dont le prince en titre, je ne mangeais pas. Rien. Même pas un verre de ce si alléchant jus de fruit. Rien. 

C'est donc le ventre vide que je me rendis à notre cours, celui qui devait nous préparer à la gestion d'un royaume. Je me sentais toute réjouie à l'idée de m'asseoir devant ce bureau, au milieu des autres qui trouvaient alors le même statut que le mien, celui d'élève. Pour une fois, nous étions sur un pied d'égalité ! 

Que nenni, ce ne fut pas le cas... 

Il nous fallut lire un texte et ensuite le commenter devant l'ensemble des autres. Je baissais la tête sur l'ensemble de lettres devant moi... et soupirais. Qui avait parlé d'égalité ? Les autres trouvaient naturellement des critiques à faire et le débat s'enflammaient entre les opinions diverses. Les filles argumentaient avec finesse et les garçons avec raffinement. Tout cela se passant dans une atmosphère réfléchie à laquelle j'étais exclue. Je les regardais les yeux ronds, ébahie. Mon existence était oubliée au milieu de ce savoir. 

- Mademoiselle Daubriac, nous n'avons pas encore eut le plaisir d'entendre votre opinion sur ce texte. Je vous en prie, nous vous écoutons, m'invita à m'exprimer notre professeur, un homme d'une quarantaine d'année plutôt bedonnant, portant sa moustache comme un ajout roux des plus dépareillé. 

Je restais saisie. Pourquoi n'avait-il pas oublié mon existence, lui aussi ? Je me raclais la gorge et il m'invita à me lever pour prendre la parole. Je ne bougeais pas... Je sentais mes jambes jouer des castagnettes et mes mains devenir moites. Ma bouche s'assécha brutalement et mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je ne parvins pas à articuler le moindre son et au bout de ce qui me parut une éternité, le précepteur se détourna de moi pour reprendre son débat avec les autres. Il me fallut plusieurs minutes pour me reprendre, retrouver un rythme cardiaque normal et l'usage de mes membres. Finalement, je quittais les lieux avec les autres pour m'enfermer dans ma chambre. 

Toute la journée continua sur cette lignée. Des repas non avalés et des regards sur moi de plus en plus interloqué, voir dédaigneux. Je lisais parfaitement en eux ce qu'il pensait "mais que fait-elle là celle là". Le seul candidat du Choix qui semblait ne pas porter ce genre de jugement sur moi, c'était le prince... Pour la simple et bonne raison qu'il ne prenait même pas la peine de noter mon existence et donc de me juger. 

Le soir, je me glissais de nouveau dans les draps, affamée et le cœur lourd. Papa avait raison... Je n'avais pas ma place ici ! Je sentis les larmes rouler sur mes joues mais je les séchais rageusement. Cette situation était... Pathétique ! Et je mourrais de faim dans un château ! Je me relevais et décidais qu'il était temps de réagir. Je sortis de ma chambre sur la pointe des pieds et après plusieurs minutes de recherche, je finis pas trouver la porte que je cherchais : les cuisines. Je frappais doucement et entrais. Une jeune femme, rondelette et souriant m'accueillit. Je pénétrais timidement dans la pièce et elle se dépêcha de délaisser le délicieux potage qu'elle préparait. A mon grand étonnement, elle sortit une assiette qu'elle remplie à ras-bords avant de la placer sur la table. Puis, elle coupa une grosse part du si beau et alléchant gâteau du midi et la posa à côté de la première. Avec un sourire bienveillant, elle m'incita à m'asseoir. Je ne bougeais pas, surprise. 

- Mademoiselle Daubriac, rit-elle. Ne soyez pas si intimidée ! Je savais bien que vous finiriez pas trouver le chemin des cuisines ! 

Elle ponctua sa phrase par un clin d'oeil appuyé qui acheva de me décider.  


Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant