51.

2.3K 225 8
                                    

Lorsque je revins à moi, j'étais allongée sur un canapé pourpre. Je respirai profondément avant de tenter de me redresser. Deux bras me retinrent. 

- Doucement, tu t'es évanouie... Ne t'agite pas... 

C'était une voix douce, calme et familière. Je me rallongeais, déposant ma tête sur les genoux de mon interlocuteur. Je sentais ces doigts masser tendrement mon crâne. Je le regardais et il baissa la tête vers moi... Ewen... Il caressa ma joue de son autre main... 

- Tu te sens mieux, me demanda-t-il, soucieux. 

Je ne dis rien. Il hocha doucement la tête. 

- Moi non plus, chuchota-t-il. Moi non plus.... 

Et brusquement, je me retrouvais tout contre lui. Ses bras musclés me serraient si fort contre son buste. Sa respiration était bruyante et erratique. Et son cœur cognait brutalement contre ma poitrine... Je déglutis difficilement alors que son souffle brûlant réchauffait rythmiquement mon cou. Je ne sais pas combien de temps il me fallut pour l'enlacer à mon tour... Mes bras ankylosés me semblaient peser des tonnes... Je me sentais si lourde, si vaseuse et si... vide... 

- Ewen, murmurai-je d'une voix roque en caressant doucement les petits cheveux à la base de son cou. Ewen... 

Une goutte d'eau roula doucement le long de ma nuque... Ce doux chatouillis me parut irréel. Comment ce condensé de douleur liquide pouvait-il me caresser si agréablement la peau ? N'aurait-elle pas dû désintégrer chacun de mes pores pour se mettre à la hauteur de notre souffrance ? Un nouveau chatouillis sur ma joue vint faire écho au précédent... Le cœur aussi serré et douloureux que ma gorge qui retenait mes sanglots, je caressais du bout des doigts le dos d'Ewen. Il était tendu d'un un effort aussi intense que le mien... Et... Sans réfléchir, je déposai mes lèvres sur sa tendre peau, juste en dessous de l'oreille gauche.. Doucement, je l'embrassait puis je parsemais sa peau de baiser jusqu'à atteindre le milieu de sa joue. Ses bras resserrèrent encore leur étreinte et nous nous enlaçâmes plus étroitement encore. 

Je ne sais pas comment nous fîmes pour nous éloigner si promptement lorsque la porte s'ouvrit avec fracas. 

- Il est temps, grogna le blond en jetant un regard dédaigneux à mon air débraillé. 

Il secoua la tête. 

- J'croyais vous avoir dit d'vous habiller conv'nab'ment, aboya-t-il, aveugle à ma détresse si évidente. On dirait une souillon avec tout c'sang... 

Tout ce sang.... Comment pouvait-il dire cela si froidement ? C'était horrifiant ! 

- Suivez-moi, ordonna-t-il. Et dépêchez-vous ! Si vous traînez j'n'hésiterez pas à vous malm'ner ! 

Je sentis Ewen prêt à bondir et posais une main tremblante, mais se voulant apaisante, dans le creux de son dos. Un frisson sembla le parcourir. Je glissais ensuite ma main dans la sienne avant d'emboîter le pas à l'affreux blondinet. Les yeux fixés sur ses cheveux flottant dans sa cou, l'image très nette de ma main plantant un couteau dans son dos s'imposa brutalement à moi. J'entendis son cri perçant et je voyais son corps chanceler et... J'entrais brutalement en contact avec un corps immobile et sursautais. Le blond fit volte-face et me lança un regard furieux... Je reculais vivement et m'agrippais à Ewen qui se plaça devant moi, silencieusement. Le soufflement ironique qu'émit le blondinet au cheveux long en disait long sur ce qu'il pensait des capacités d'un garçon de cuisine muet. 

- Les caméras sont prêtes ! Alors d'pêches-toi ! 

Je sentais la peur me saisir aux tripes... Je reculais vivement... Je devais sortir d'ici ! Sortir d'ici ! Je sentis une main me saisir la nuque et glapis. Un pistolet stoppa net Ewen dans sa tentative de me protéger. Je fus lamentablement traînés devant les caméras. 

- Fais c'qu'on te dit, où j'te promets qu'on t'descend, grogna mon tortionnaire en enfonçant son propre fusil dans mes côtés. 

Puis, il me lâcha brutalement. Je titubais et me redressais alors qu'on annonçait l'antenne dans 5... 4...3...

Je respirais bruyamment, paniquée. Sous les projecteurs, je me sentais comme un animal traquée... Je déglutis difficilement... 

2...

- A toi la parole ! 

Je fermais les yeux et tentais de me calmer. Lorsque je les rouvris, je vis le blond faire tourner son pistolet, un petit air goguenard sur le visage. Je tournais la tête vers Ewen, il me fit vaillamment un signe encourageant de la tête et articula silencieusement des mots que je ne compris pas. Mon cœur tambourinait fort dans ma poitrine... 

- Cher peu...peuple d'Ehiropa, commençais-je finalement d'une voix chevrotante. Moi, Magnificence Dau...Daubriac...je... Je... 

Je peinais à prendre ma respiration et plaquais les mains sur ma bouche pour étouffer les râles violents que j'émettais. Les larmes me brouillaient la vues... Je sentais ma potrine brûler alors que la rage montait en moi... Comment avaient-ils pu ... Mon peuple ! Mes amis ! TRAVIS ! 

- JE VOUS HAIS ! 

Mon poing s'abattit violemment sur le sol et je me redressais, encore chancelante. 

- J'ai honte de chacun d'entre vous ! J'ai honte d'avoir cru que... que vous valiez la peine qu'on vous défende ! Vous les mineurs ! Vous êtes pire que tout, crachais-je. Vous saviez, VOUS ! Vous saviez la douleur de la mort ! Vous la côtoyiez quotidiennement, vous l'avez vu, vous l'avez senti vous frôler ! Mais VOUS LES AVEZ TUES ! Chacun d'entre eux ! La plupart d'entre eux... Mais ils avaient l'ignorance comme excuse ! Ils ne savaient pas ce qu'était la mine, ce qu'était la mort, le froid, la peur ! ILS NE SAVAIENT PAS ! Mais nous pouvions leur montrer, leur apprendre, nous qui savions... Vous êtes la honte de l'humanité... Tous, mauvais jusqu'à la racine ! TOUS QUE VOUS SAVEZ C'EST TUER ! Je...je... croyais que vous étiez différents... Moi... Je croyais que vous valiez mieux que ceux qui vous tuez et... Que si une personne se battait pour vous donner une chance alors... Alors vous changeriez le monde pour le meilleur... que vous... vous aboliriez la mort injuste, les douleurs injustes... Mais... VOUS ETES PIRES QU'EUX ! VOUS NE VALEZ PAS LA PEINE QU'ON VOUS SAUVE ! VOUS LES AVEZ TUES ! VOUS NE VALEZ RIEN ! JE VOUS HAIS ! JE VOUS HAIS ! 

- FERME-LA ! 

Je fis volte-face pour voir le blondinet pointer son pistolet vers moi d'une main tremblante de fureur. Un rire effrayant me secoua violemment. 

- Si tu veux me faire taire alors... TIRE ! TUE-MOI ! Il n'y a plus rien à voir, plus rien en quoi croire ici ! TIRE ! 

Un coup de feu résonna à mes oreilles. Je fermais les yeux... Rien. Pas de douleurs ! Je rouvris les yeux au moment même où le blondinet s'effondrait face à moi, son arme pointée vers un point derrière moi. Non... Je me retournais violemment et vis Travis, son arme encore au poing. Il me sourit, les larmes aux yeux.  

- Travis... 

Il pointa alors son arme sur sa poitrine. NON ! TRAVIS ! Je voulus me précipiter vers lui mais mon corps semblait peser des tonnes. Un nouveau coup de feu. Un soubresaut agita le corps de mon ami et il s'effondra doucement. Un hurlement déchirant retentit et enfin, je me jetais à ses côtés. J'appuyais désespéramment mes mains sur sa blessure. Le sans giclait, tâchant tout sur son passage... 

- Reste avec moi... Je t'en prie... Travis... Travis... 

Ses doigts tremblants écrasèrent des larmes sur ma joue. 

- Je ne peux pas supporter ceux qui te font du mal... 

Je me mordis la lèvres inférieures et tentais de le faire arrêter de parler. 

- Je...Je t'aime tellement Fifi... S'il-te-plait... Ne me hait pas...

Il pleurait. Travis... Travis... 

- Je t'aime...telle...ment...Fifff

Un dernier sursaut le stoppa net et sa poitrine cessa de se soulever difficilement. Je hurlais de toutes mes forces son prénoms alors que mes yeux étaient embués par les larmes... Je le secouais, le suppliant de revenir... Il n'avait pas le droit de partir ! De me laisser ! TRAAAAAVIIIIS ! 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant