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Je me tenais debout sur un petit tabouret d'argent finement ciselé. J'avais eu la bonne surprise de découvrir que ce n'était personne d'autre que cette chère Madame Lefrançois qui m'attendait dans cette salle d'essayage. Ewen avait eu le plus grand plaisir de la revoir et elle le lui avait retourné avec une sympathie bienveillante. Elle lui a d'ailleurs présenté ses condoléances et le prince s'était réjoui en retour qu'elle soit partie si tôt et qu'elle n'ait donc pas assisté au massacre. 

Maintenant, elle s'afférait partout autour de moi pour ajuster sa nouvelle création. 

- Levez un peu le bras gauche, Votre Majesté. Plus haut. 

Je m'exécutais en retenant un long soupir. On y était depuis près de 2 heures... La styliste était une perfectionniste dans l'âme et chaque détail était pensé et maîtrisé. Il fallait que ce soit parfait. 

- Ne soyez pas grognon, Majesté, c'est bientôt terminé. 

Ewen eut un petit sourire goguenard qui acheva de m'agacer. Je lui tirais ingénument la langue. Il fit mine de me réprimander pour cette acte qui ne sied aucunement à une reine. En retour, je lui tirais une nouvelle fois la langue. Cette ambiance détendue, Madame Lefrançois s'afférant autour de moi, Ewen me morigénant en riant, c'était presque comme avant. On oubliait le massacre, la mort, le deuil, la peur et cette épée de Damoclès sur nos têtes. Il n'y avait plus que cette insouciance curieusement de retour. J'avais besoin de cette insouciance curieusement de retour. 

Un éclat de voix me fit me redresser brusquement. Je le connaissais... Mon cœur se mit à battre la chamade alors que les recommandation de la styliste s'évanouissait de mon esprit. Sans un mot, je descendis de mon piédestal et rassemblais mes jupons. Je devais y aller... J'ouvris grand la porte et cavalais dans le couloir en direction de cette voix, le cœur battant, Ewen sur les talons qui, incrédule, criait mon nom. Et je le vis. Plus de doute possible. 

- Peter, hurlais-je. Peter ! 

Il tourna la tête vers moi et murmura avec joie et surprise mon futur titre "Votre Majesté". Il était menotté et deux gardes le traînaient à travers les couloirs. Il tentait de se tourner vers moi, s'agitant férocement. Ses cheveux bruns voletaient dans tous les sens. Je tentais de redoubler le rythme mais je risquais de m'empêtrer dans tous ces jupons inutiles. Je tendis la main vers lui et il me sourit alors que la porte se refermait sur lui. Le Conseil de Régence Provisoire... Mathéoli ! Je tapais de toutes mes forces sur la porte, leur sommant de m'ouvrir sur le champ. Ils s'exécutèrent. J'entrais, alors qu'Ewen se glissais à mes côtés sans un mot. Mon ami était menotté avec deux grosses chaînes d'acier... 

- Relâchez-le ! 

Le Conseiller Mathéoli se leva pour me faire face. 

- Cet homme est un traître, Votre Majesté. Il est celui qui a ouvert la porte à ceux qui se faisaient appeler les Colombes. Il est responsable du massacre, de la mort de Ses Majestés. Il sera exécuté, telle est la sentence que dicte le Conseil de Régence Provisoire. 

Quoi ? Peter ?! Je lui lançais un regard ahuri. C'est lui, lui, qui les a aidé à s'introduire... Impossible ! Pas Peter ! 

- C'est faux, assénais-je en faisant face à Mathéoli. 

- C'est vrai, Votre Majesté. Je le reconnais. 

Je me tournais vers lui sans comprendre. Mais... Pourquoi ? 

- Je l'ai fait pour vous, Mademoiselle. 

J'ouvris de grands yeux outrés alors que je sentais ma respirations se couper net. Pour moi ? NON ! Non ! Pas encore... Non ! Mes mains se mirent à trembler alors que je sentais les larmes me monter aux yeux... Travis ! Travis ! Je me mordis violemment l'intérieur de la joue pour ravaler mes larmes alors qu'une douleur sourde et béante me broyait la poitrine comme un rouleau compresseur. J'avais l'impression de suffoquer alors que d'énormes goulées d'air entraient rapidement dans mes poumons asphyxiés. Je sentis les mains douces d'Ewen encercler mon visage et son front contre le mien. Je fermais les yeux, serrais violemment les poings et les dents avant de le repousser. Je devais être forte. Et pourtant, c'est d'une voix brisée que je demandais pourquoi. 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant