27.

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La porte s'ouvrit et je me redressais vivement. Le prince sortait. Il me vit me relever. 

- Vous êtes toujours là, constata-t-il, surpris. 

Je lui adressais un pâle sourire. Il avait le teint pâle, les yeux moins pétillants... Il avait l'air hagard. Il m'adressa un sourire timide, pas loin d'être un grimace. 

- Je vous prie de m'excuser, murmura-t-il. 

Il s'inclina devant moi légèrement et partit, sans un regard en arrière. Je restais immobile, bras ballants, contemplant son dos musclé jusqu'à ce qu'il soit hors de ma vue. Je soupirais. Il avait l'air tellement ébranlé... Je ne pouvais que comprendre qu'il ait besoin de solitude. Mais j'avais vraiment voulu lui rendre la pareille. Il avait été là pour moi... Et j'étais déçue qu'il ne me laisse pas faire de même avec lui. Je retournais en traînant les pieds dans la grande salle où il ne restait désormais que mes chaussures, abandonnées au centre. Il ne restait plus rien de cet instant passé ici... Je les enfilais prestement. 

- Magnificence, s'exclama quelqu'un que je reconnue immédiatement comme Aimée-Rose. 

Je me retournais pour la voir s'approcher. Elle s'installa à même le sol à mes côtés. 

- La reine est souffrante, vous le saviez, me demanda-t-elle alors qu'elle me tendait ma seconde botte. 

Je hochais la tête. Tout le château devait maintenant être en ébullition. Cette réalité avait dû se répandre comme un traînée de poudre à travers le manoir et maintenant, la menace d'implosion devenait sans doute plus réelle. 

- Personne ne sait clairement ce qu'il se passe, à par la famille royale, cela va sans dire, continua-t-elle. 

Le prince... Il portait cela tout seul... Je terminais de lacer mes chaussures alors qu'Aimée-Rose regardait autour de nous, à la recherche du moindre bruit, du moindre mouvement. 

- Vous n'avez pas envie d'en savoir plus, chuchota-t-elle subitement. 

Je la regardais, surprise. Comment... ? Et puis, c'était privée, nous ne devrions sans doute pas nous en mêler. Pourtant... Je voulais savoir ce qui minait ainsi le prince. J'en mourrais d'envie, en réalité. 

Je la suivis vers les cuisines et... restais sans voix sur le pas de la porte. Tous, ils couraient dans tous les sens. Agitation. Affolement. Inquiétude... Peur.. Que se passait-il ? Je saisis le bras de Gauzeline, passant près de moi. 

- Qu'y -a-t-il, lui demandais-je. Pourquoi tant d'agitation, cette pagaille... 

Une véritable cacophonie régnait. J'avais dû crier pour me faire entendre d'elle, alors qu'elle n'était qu'à quelques mètres. Cette frénésie m'angoissait. Les cuisines avaient toujours été calmes quand je m'y rendais le soir... Et là... Mon havre de paix était en ébullition ! La cuisinière me tira à l'écart. 

- Le roi... 

Elle s'arrêta pour regarder partout autour d'elle. Personne, aucune oreille indiscrète. 

- Il y avait des noisette dans le petit déjeuné de la reine, murmura-t-elle avec précipitation. Elle ne supporte pas les noisettes. Elle est au plus mal. Le responsable de tout cela est ici. Dans les cuisines. Le roi menace d'immoler le coupable. S'il ne le trouve pas, il coupera des têtes au hasard. Le roi est persuadé que c'est une tentative de meurtre sur la personnes de la reine. Il est furieux. 

Le discours de la jeune femme était devenu décousu, et cela à cause de la panique qui l'habitait. Elle semblait aussi perdue que les autres, ici. Je les regardais tous, s'affairant dans tous les sens... Sans but, visiblement. Ils tentaient de nettoyer, de cuisiner, de préparer... Sans vraiment savoir qu'elle était la marche à suivre désormais. Les visages devenaient fantasmagoriques. Soudain, un coup de sifflet retentit. Je reconnus la gouvernante qui m'avait réprimandé le premier jour. Gauzeline me poussa vers la porte de derrière. 

- Sortez, dépêchez-vous, vous n'avez pas le droit d'être ici, murmurait-elle, paniquée. 

Elle poussa également Aimée-Rose. Et avant de refermer la porte, elle nous mit en garde. 

- Ne parlez de cela à personne, vous m'entendez, siffla-t-elle. Personne. Vous ne devriez pas savoir ! 

La porte allait se refermer lorsque je la retins. 

- Tout va s'arranger, Gauzeline, il faut y croire, chuchotais-je. 

Un petit sourire triste apparut sur ses lèvres. Elle secoua la tête en murmurant qu'elle aurait aimé me croire. A ce moment là, j'eus la drôle d'impression qu'elle en savait plus qu'elle ne nous l'avait dit. Mon cœur se serra à cette pensée. Je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose ! Aimée-Rose me saisit le bras. 

- Partons, souffla-t-elle en m'entraînant dans les escaliers. 

Nous remontâmes en vitesse, sans échanger la moindre parole. Toutes mes pensées vacillaient entre Gauzeline et le prince. Qu'allait-il se passer maintenant ? 



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