23.

5.1K 494 29
                                    

Une fois en bas des hautes marches de marbres blancs, le prince me lâcha pour aller a la rencontre du prince d'Asianie, élégamment drapé dans sa tenue de cavalier. Je restais gênée, debout devant les marches. Je sentais les autres candidats me dévisager avec insistance mais je les ignorais pour l'avancer légèrement vers Aimée-Rose, seul visage souriant dans cette marre d'anxieuse perplexité. Je ne sus pas quel fut le signal tacite mais tous se précipitèrent brusquement vers moi, tels des charognards sur leur proie. Surprise et effrayée par tant de subite célérité, je reculais vivement jusqu'à ce que mon dos entre en contact avec le mur. Tous se pressaient maintenant pour me présenter leurs respects, engager une conversation ou juste se rapprocher. Tant de visages faussement jovial autour de moi m'oppressaient. Je ne savais où donner de la tête. Ma respiration s'accéléra brutalement alors que de jeunes hommes me saisissaient les mains pour y déposer galamment leurs lèvres douces. J'étais incapable du moindre mouvement, terrifiée. Je souhaitais qu'ils me lâchent, qu'ils s'éloignent, me laisse, disparaissent... 

- Magnificence Daubriac, s'exclama le prince en s'approchant. 

Il me sourit et une allée se forma devant lui. Il me tendit son bras et c'est avec soulagement que je me jetais (littéralement) sur cette main salvatrice. 

- Vous êtes bien pâle. C'est une bonne chose que je nous ait excusé ce matin. Nous rejoindrons la chasse cette après-midi si vous êtes en état d'y prendre part. 

Nous restâmes donc sur le perron alors que tous les autres se préparaient pour la chasse. Les écuyers s'affairaient autour des chevaux, piaffant, impatients et plein de fougue. Les jeunes femme se préparaient en discutant alors que les hommes étaient prêts à rivaliser de maîtrise. Aimée-Rose m'adressa un léger signe de la main lorsque tout le petit groupe se mit en marche, trottant allègrement vers  les bois. Je lui répondis avec le sourire, gauchement. Finalement, bien vite, nous ne fûmes plus que deux à l'extérieur. Le prince d'Ehiropa et moi, Fifi, petit mineur de la dernière caste. Il se tourna vers moi. 

- Vous avez une matinée pour savoir monter, déclara-t-il. Nous ferions mieux de nous hâter, si vous voulez mon avis. 

Je lui emboîtais le pas. Nous devions aller aux écuries et c'est avec joie que j'y pénétrais, cherchant des yeux, Peter, cet écuyer sympathique. L'odeur des chevaux me titillait le nez et cela me faisait toujours plaisir. Le concert de hennissement me fit sourire. 

- Fifi, vous allez monter, me demanda soudain Peter, sortant la tête d'un box à ma droite. Je selle un cheval ? 

Le Prince lui lança un regard foudroyant et le jeune homme sembla se liquéfier sur place. Il plongea en une révérence approfondie en balbutiant une piteux "Votre Altesse". Le reste de son intervention se noya dans des gazouillements incompréhensibles. 

- C'est mademoiselle Daubriac, pour vous !J'espère m'être bien fait comprendre, gronda son Altesse Royale d'une voix sèche et grave, exprimant dans ces quelques mots sa colère et son mépris.  

Son regard était impérial et froid, lançant des éclairs détonnant vers le pauvre écuyer, toujours recourbé. 

- Permettez-vous encore ce genre de familiarité à l'égard d'une pupille de notre nation et je vous ferais rétrograder, menaça-t-il sur le même ton effrayant. 

Voyant l'ampleur que cela prenait, je saisis vivement le bras du prince. 

- Non, laissez-le, c'est ma faute, le priais-je. Je ... 

- Apprenez mademoiselle que vous n'êtes jamais en faute face à un domestique, me coupa-t-il. De plus, contrairement à vous, Peter connaissait parfaitement les règles, il les a sciemment enfreintes et doit s'estimer heureux que j'en reste là, par égard pour vous, Magnificence Daubriac. 

Souffle la libertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant