29.

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Je fermais les yeux dans ma loge, le stress me sciant l'abdomen. J'allais passer à la télévision... J'en avais la nausée. Je n'avais jamais voulu passer à la télévision ! Jamais ! Non mais vous imaginez des centaines, non des milliers, de personnes qui vous scrutent derrière leur écran, prêts à juger les moindres de vos faits et gestes ? Et les caméras suivant tous vos mouvements ? Je courus m'enfermer dans les toilettes, les mains tremblantes et le visage pâle. Je passais les doigts dans ma chevelure bien coiffée par une experte visagiste dépêchée exprès pour l'événement. L'événement... Ma présence ici était un événement .... Elle l'avait dit elle même... Des milliers de personnes attendaient de me voir lors de cette interview, c'était le moment de faire bonne impression, comme disait Aimée-Rose. Et qu'est-ce qu'elle avait fait bonne impression, elle ! J'avais visionnée son interview près de cinq fois, à chaque fois émerveillée devant son aisance, sa joie et tout ce qu'elle transmettait dans ses phrases. Je ne pourrais jamais faire cela. Si j'arrivais à parler sans rendre mon petit-déjeuner, je crois que je pourrais considérer cela comme un exploit. Je souris légèrement à cette pensée... 

- Magnificence, s'exclama une voix, paniquée. 

Le prince... Il m'avait accompagnée jusqu'ici. Puis, il m'avait laissée aux mains des stylistes, coiffeurs, maquilleurs sensés me rendre belle pour cet événement

- Je suis ici, murmurais-je d'une voix gémissante. 

Je l'entendis s'approcher précipitamment. Appuyant le haut de mon crâne contre la porte, je tentais de maîtriser ma respiration. Je l'entendis à peine me demander comment je me sentais, tellement j'étais prise par mon mal être intérieur. 

- Je vais vomir, gémis-je, une main maintenant posée sur mon ventre. 

Je l'entendis soupirer devant mon niveau de langage, mais pour l'instant, je n'en avais que faire. 

- J'entre, déclara-t-il brutalement. 

Je me redressais pour protester, mais avant que je puisse faire le moindre geste, la porte s'ouvrit à la volée et je me retrouvais face au prince. Il me fixa, immobile. Je le fixais, mal à l'aise. Ses yeux parcoururent toute ma silhouette, accroissant ma gêne. Son regard revint vers mon visage et se vissa au mien. 

- Vous êtes très belle, chuchota-t-il. 

Je baissais les yeux sur ma tenue. Je portais une robe violette des plus élégantes avec une paire de chaussures plates mais sophistiqués. Je le remerciais. Il me prit le bras et me fit asseoir devant le grand miroir. Je contemplais mon reflet. Je ne m'étais jamais vu aussi jolie. Malgré ma pâleur évidente, je semblais belle. 

- Si vous ne savez pas quoi répondre à une question, commença le prince en s'asseyant à côté de moi, regardez moi, je vous ferez un signe de la tête. Oui, Non, Peut-être... 

Il commença à lister les réponses possibles en les accompagnant à chaque fois d'un signe différent du menton. Je ne pus qu'éclater de rire et il fronça les sourcils. 

- Ne vous moquez pas, me rabroua-t-il, j'essaie de vous aider ! 

Je mis une main devant ma bouche pour étouffer mon rire. Il pinça les lèvres. Cela me fit glousser encore davantage. 

- Comment va votre mère, m'enquis-je après m'être enfin calmée. 

Il sourit. Cela faisait trois jours que nous avions appris qu'elle était officiellement hors de danger. Mais elle n'avait toujours pas reparut et les rumeurs avait continué de jouer leur rôle malfaisant. La reine était morte, le roi ne pouvait l'accepter, disait les mauvaises langues. Le prince m'apprit alors que sa mère avait profité de sa première sortie dans le parc ce matin même, mettant ainsi fin aux commérages dont ce délectaient certains journaux de bas étages. J'en fus soulagée. Depuis que la reine avait été moins souffrante, son fils avait retrouvé quelque couleur lui aussi. Il avait recommencé à être celui qu'il était, prétentieux, taquin, et bienveillant parfois. 

- C'est à vous dans 5 minutes, m'annonça un régisseur, un casque à moitié mis et l'air sérieux. 

Mon ventre se tordit. A moi... Ma nausée revint. La main du prince se posa chaleureusement sur la mienne, crispée sur les accoudoirs du fauteuil. Il me sourit. 

- Votre prénom, mademoiselle, donnait lui raison aujourd'hui. Soyez magnifique, chuchota-t-il en quittant ma loge. 

Je restais immobile, sans même respirer. Mon prénom.... Alors voilà ce qu'il signifiait... Je levais les yeux sur mon reflet. Étais-je magnifique ? ... 

J'étais la seule à pouvoir en décider. 




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